Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

EN AVANT

ET

CRI DE GUERRE

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À PROPOS DU CENTENAIRE DE QUINET


Homme de conscience et de devoir. — Intransigeant sur les questions de principes. — Pourquoi il fut ainsi. — Influence de sa mère. — Guide de la démocratie; — rôle qu’il lui désirait. — comment il voulait en assurer le triomphe. — Solution qu’il donne de la question sociale.


La France et le monde entier s’apprêtent à fêter le centenaire de Quinet. Il nous est doux de saluer en lui l’homme intègre et droit, l’homme de conscience et de devoir, celui qui s’est toujours refusé aux compromis et qui a pu dire:

«Ma vie a été une ascension vers la lumière!»

Un tel homme mérite d’être salué par ses compatriotes. Oh! s’il y avait seulement dans notre beau pays de France, beaucoup de cœurs battant à l’unisson du sien, nous verrions certes de belles choses! Je ne cacherai pas du reste que c’est un souvenir ému de reconnaissance, j’allais presque dire de piété filiale, qui me pousse aujourd’hui à écrire ces quelques lignes.

D’autres vous diront, avec plus de compétence, ce que fut Quinet comme philosophe, historien, professeur au Collège de France. Mais si intéressante que soit son œuvre, il est plus grand encore par la fermeté de son caractère et l’unité de sa vie, c’est pourquoi je ne veux mettre en lumière que la beauté morale de cet homme.

On ne rencontre pas tous les jours quelqu’un dont le cœur n’a battu que pour le triomphe de nobles causes, qui n’a travaillé que pour assurer le règne de la conscience et qui, au sein des haines les plus violentes, ne s’est pas départi de son calme, n’a pas retiré un mot qui put affaiblir son idée, diminuer les principes qui lui étaient chers, ce qui eût été pour lui une capitulation de conscience.

On se rappelle la longue amitié de cinquante! années qui l’a uni à Michelet et qu’il a lui-même caractérisé: «Douceur de deux âmes unies dans le même combat pour la justice».

Est-ce ainsi que vous comprenez l’amitié?

Avez-vous choisi vos amis pour pouvoir ensemble vous rendre meilleurs et mieux lutter pour ce qui est bien?

Ou simplement pour vous procurer une satisfaction égoïste?


Chrétiens, salutistes, vos amis vous aident-ils à mieux combattre pour le salut des âmes, et l’avancement du règne de Dieu en vous et autour de vous? Or, Quinet était à tel point l’homme de conscience et de devoir, qu’il n’a jamais voulu consentir à la moindre concession, même quand elle lui était demandée par un pareil ami. Celui-ci, en effet, qui craignait pour lui les conséquences dangereuses de la publication d’une certaine brochure en retardait l’impression.

Quinet lui répond:

«C’EST MA FOI, je puis dire aussi que c'est mon sang. Vous m’opposez la crainte de me compromettre» Cela se passe de commentaires.

Ce que nous écrivons, ce que nous disons, est-ce notre foi? notre sang?

Osons-nous repousser toute tentative qui nous conseille la prudence qui ne serait que lâcheté, même si c’est par la voix du plus tendre, du plus loyal des amis?


SOMMES-NOUS AU CONTRAIRE LES ESCLAVES DE L’OPINION PUBLIQUE.


Or, cette attitude énergique et intransigeante de Quinet voulait dire beaucoup pour lui. Il n’est pas un homme qui ait soulevé autant de polémiques, de haines violentes, de calomnies infâmes. La tempête a grondé autour de lui. Il a marché de l’avant quand même. Il savait que cela voulait dire l’exil. Il l’a envisagé calmement afin de ne rien sacrifier de ses convictions!

Et vous? Craignez-vous le mépris, l’insulte, les persécutions?

Ses leçons au Collège de France furent autant de batailles. Au sein de la tempête, il reste calme. Rien ne l’ébranla: Il travaillait pour la vérité. «Ce n'est pas avec des livres, que se réfutent les idées fausses, pouvait-il dire, «C’EST AVEC UNE BONNE CONSCIENCE

C’est de l’exil qu’il écrit ces belles paroles:

«Je serais bien malheureux si les violences de mes adversaires avaient réussi à m'ôter l’équilibre qui fait une âme juste. Car alors je serai forcé d'avouer qu'ils ont été les plus forts. Mais au contraire, comme ils n’ont pas réussi à m’enlever la paix intérieure et le désir de la justice, je suis autorisé à dire que c’est moi qui les ai vaincus.»

Quelle fière réponse aux étudiants qu’il chérissait et qui souffraient à la pensée de le voir suspendu de ses fonctions:

«Mieux cent fois ne vous revoir jamais que de vous revoir avec la moitié de mes principes.»

«L’enseignement n'est pas tout entier dans les paroles, IL FAUT qu'il soit aussi confirmé par les actions et la vie.»

Mais dans quel but est-ce que je m’attarde ainsi à parler de cette belle âme! Afin de glorifier l’individu? Non. Je voudrais vous amener, vous qui avez senti brûler dans votre cœur le désir de réaliser cette vie, ou qui vous êtes senti condamnés en constatant que vous étiez loin de ce niveau moral, à vous poser la question: POURQUOI A-T-IL ÉTÉ CET HOMME LÀ?


* * *

Le secret de sa vie Je n’hésite pas à répondre: S’il fut ce qu’il a été, il le doit à sa mère, cette femme supérieure qui forma non seulement son esprit et sa pensée, mais son cœur et son âme et qui de bonne heure l’initia à cette vie de COMMUNION AVEC DIEU cette vie intérieure, de contact personnel, DE CONVERSATION INTIME AVEC LE CRÉATEUR.

C’est elle qui lui donna l’exemple de cette vie de prière, où elle lui apprit à déverser chaque jour, à tout moment de la journée suivant les besoins de l’heure, son âme tout entière et cela où quoi que ce soit, dans les bois, dans les champs, dans la maison.

Elle avait chaque jour avec lui deux heures de recueillement où elle s’efforçait de modeler cette jeune âme dont elle avait la garde et qu’elle sentait être un dépôt sacré. VOILÀ LE SECRET QUI FAIT LES ÂMES FORTES, PURES, ET DROITES.

Cette mère Idéale a nourri son fils de la pure sève de l’Évangile, non pas des formes et des cérémonies, vides et mortes, mais de la vie du Christ.

C’est dans ce contact vivant, personnel, intime qu’il a trouvé cette conscience pure, cette sérénité d’âme, cette paix intérieure qui est restée la même au travers des orages, des persécutions de l’exil.

Mères de famille qui lisez ces lignes, quelle influence exercez-vous sur vos enfants?

Songez-vous qu’ils vous regardent, cherchent en vous un modèle?

Pourront-ils rendre de vous ce témoignage que Quinet rendait sur la tombe de sa mère:

«Quand mon cœur se séchait pour le bien, où allais-je puiser la vie nouvelle? Chez toi... Qui me soutenait de sa force supérieure?... Toi...

Nous qui sommes tes enfants, nous ne te faisons point d’adieu, car tu ne t’éloignes pas...

Tu es présent dans nos coeurs avec là mémoire de ta vie.


* * *


La démocratie salue en Quinet celui qui l’a aimée sincèrement, qui a voulu son triomphe, qui a lutté pour cela, mais ce qu’il ne faut pas oublier c’est qu’il l’a voulu par la «vertu»:

«Gardez-vous, écrit-il, d’abaisser le niveau moral croyant par rendre plus aisé l'avènement de la démocratie: vous feriez précisément opposé de ce que vous voulez faire. Je veux que la démocratie règne, voilà pourquoi je lui demande des vertus souveraines.

On dira que je suis trop exigeant, que j’élève jusqu’au ciel l’idéal de la démocratie; cela est vrai: mais songez qu’il faut le placer haut, puisqu’il doit être vu comme un phare du monde entier.»

Plus loin il ajoute:

«Pour une société nouvelle devenons des hommes nouveaux. Voilà la solution de la question sociale; RENOUVELONS L’INDIVIDU, L’ÊTRE INTÉRIEUR EN CHACUN DE NOUS ET LA SOCIÉTÉ TOUT ENTIÈRE SERA TRANSFORMÉE.»

Et maintenant, un dernier mot:

Ce serait fêter bien mal ce grand homme dont la France s’honore que se contenter de démonstrations extérieures et de magnifiques discours. La meilleure manière de célébrer son centenaire, c’est de continuer dignement son œuvre, de marcher sur ses traces, d’être des hommes de conscience et de devoir, des âmes de lumière.

Pour cela abreuvons-nous à la source où il a puisé la vie: l’Évangile de Jésus-Christ!

En avant 1903 02 28



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