Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

EN AVANT

ET

CRI DE GUERRE

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LES DEUX CORTÈGES

Nouvelles de Carnaval


Dans le fond triste du ciel brumeux de février, s'avance, encadrée d'une foule grouillante, tapageuse, excitée, comme un troupeau mal conduit, pataugeant dans la boue que les confettis rouges ont transformée en une épaisse lie de vin, gouaillant d’une clameur éraillée, avinée, répugnant à force d'être vulgaire, LE HONTEUX CORTÈGE DE CARNAVAL.

Celui qui, sans y être préparé, verrait pour la première fois un tel spectacle, se croirait soudainement transporté dans quelque monde fou habité ni par des hommes ni par des bêtes.

En apercevant en bloc le cortège, on reste stupéfait d’abord, puis on cherche instinctivement quelque issue pour fuir cette promiscuité. Et si l’on est obligé de la subir et que l'on regarde en détail les êtres qui composent cette troupe, ce n'est plus de la stupéfaction, c'est une véritable terreur que l'on éprouve.

Or, cette terreur, remarquez le bien, provient surtout de ce que l'on devine, ou plutôt que l'on sait, que par là-dessous se cachent des êtres humains ayant comme nous tous un esprit, une âme, une pensée; des êtres créés à l'image de Dieu enfin!

Pascal a dit quelque part;«L'homme n’est ni ange, ni bête; quand il veut faire l'ange, il fait...» Et quand il veut faire le contraire de l'ange? — Eh bien, il fait le Carnaval!

En temps de carnaval, on se figure toujours habiter une autre planète.

Le Carnaval, cette réminiscence des immondes saturnales romaines, auquel tout être civilisé, qui se respecte, devrait avoir honte de participer:


LE CARNAVAL INDIQUE JUSQU'À QUEL DEGRÉ DE TRAHISON

DE LUI-MÊME L'HOMME PEUT DESCENDRE...


Mais je reprends mon récit.

La cavalcade en question venait de déboucher dans une rue assez étroite et elle allait atteindre un carrefour transversal, lorsque se produisit l’étrange incident que voici:

La tête du cortège était à quelques mètres à peine du carrefour, quand, au tournant, apparut subitement un enfant de chœur portant le crucifix, suivi du maître des cérémonies des pompes funèbres et de trois prêtres en surplis blanc, psalmodiant les litanies des morts.

C'était un enterrement; car DES GENS MEURENT, MÊME LA VEILLE DU MARDI-GRAS! La rencontre fut si inopinée qu'on ne put en prévenir les conséquences.

La tête de la mascarade, brusquement surprise, essaya d'arrêter net; mais les autres, derrière, n'avaient pas aperçu — étaient à mille lieues de soupçonner — la funèbre rencontre; et puis, comment résister à cette foule qui poussait, pressait en queue et par-devant.

Le Suisse eut une idée: il prit la longue croix du petit enfant de chœur, et, se dressant sur la pointe des pieds, il cria: «Arrêtez! Arrêtez!», en agitant la croix de droite et de gauche.

Son intervention réussit. Tout le monde, dans la mascarade, aperçut l’homme funèbre et son crucifix, comprit et recula. L'enterrement ne fut pas coupé et put passer; il n'était heureusement pas très nombreux. Mais on voit d’ici le désarroi! Jamais de ma vie je n’oublierai la confusion piteuse, l'embarras indicible qui s’empara des personnes composant les deux cortèges. Lesquels étaient les plus honteux ou les plus fâchés? Je ne sais.

Les masques portaient instinctivement la main à leur tête dans le geste de se découvrir, quand le corbillard passa, tandis que d’autres, par respect pour le deuil, cherchaient à dissimuler leur accoutrement trop indécent ou trop burlesque. Il y en avait un, tout devant, qui s'était paré d'une tête de mort et, pour l'ôter plus vite, en la tiraillant nerveusement, il la cassa.

Quand les proches parents du mort passèrent, frôlant Ies masques, ils tournèrent la tête de l’autre côté..., peut-être se souvenaient-ils que l’an passé, à pareille époque, eux aussi faisaient le carnaval... avec le mort!

Et quand l'enterrement fut passé, LA MASCARADE CONTINUA SA ROUTE, un peu interdite d'abord; mais, quelques instants après, la folie battait de nouveau son plein et personne ne pensait plus à la désagréable rencontre.

... Ô monde insensé que rien ne peut émouvoir, rien, ni la mort, ni les choses les plus sacrées, ni le solennel problème de l'éternité, ni la pensée de Dieu, ni la crainte de son jugement universel;


Ô MONDE INSENSÉ,

QUAND T’ARRÊTERAS-TU SUR LA PENTE FATALE DE L'ABÎME?


Et toi, pécheur endurci, pauvre pécheur qui composes ce monde, quel appel faut-il te faire, quelle parole te dire pour te persuader de rebrousser chemin, de changer ta coupable vie et te convertir?

Ô vous qui lisez ceci, ami qui vous êtes laissé prendre dans l'engrenage cruel où votre corps, et votre esprit et votre âme doivent fatalement passer tout entier, ami, n’allez-vous point faire un effort pour saisir la main qui vous est tendue?

Le plus petit effort vous sauverait, car cette main est celle du Dieu tout-puissant, du Dieu d'amour et de miséricorde.

Dieu vous aime; il a une immense pitié pour vous, Sa compassion est infinie.

Il vous aime tellement qu'il a donné son Fils unique pour vous, afin que si vous croyez en lui, vous ne périssiez pas, mais que vous ayez la Vie éternelle.

Courage, mon frère, ma sœur, Il vous appelle. Cette voix qui vous trouble dans le fond de votre conscience, c'est la voix de son Saint-Esprit; ne lui résistez pas; n'étouffez pas cette voix divine.

Encore que bien faible peut-être, elle est pourtant l'infaillible signe que Dieu ne vous a pas abandonné; qu’il veut vous ouvrir ses bras d'amour, qu'il y a espoir pour vous. Venez! Hâtez-vous!

Demain, c'est peut-être, sans doute, hélas! trop tard!

Demain, c'est l'incertitude, c'est la nuit du remords, du néant, que dis-je, d’un châtiment affreux, fatale conséquence de votre révolte et de votre corruption.


Venez! il y a encore place pour vous à la Croix bénie de votre Sauveur immolé;

il y a encore place pour vous dans le cœur de Dieu. Venez!

C'est AUJOURD’HUI le jour du salut!


A. Antomarchi.

En avant 1899 02 25



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