Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

EN AVANT

ET

CRI DE GUERRE

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LE DÉSERT FLEURIRA


Le désert et le pays aride se réjouiront, la solitude s’égayera et fleurira comme un narcisse. (Ésaïe XXXV. 1)

Il y a longtemps, raconte un écrivain contemporain, par une nuit, claire et bleue des pays tropicaux, pendant, que les dix-sept étoiles de la Croix du Sud éclataient à l’horizon austral, je dressai l’oreille à un bruit imperceptible qui passait sur le désert.

C’était plus qu’un soupir, c’était moins qu’un sanglot.

N’était-ce pas le vent qui murmurait en frôlant les sables?

Le Nubien qui me servait de guide me dit alors; «Écoute, le désert! Entends-tu comme, il pleure? Il a soif, il se lamente parce qu’il voudrait être une prairie!»


Cette plainte de la solitude et de l’aridité, ma mémoire me l’a répétée bien souvent.

Tous, en effet, nous portons en nous-mêmes un désert qui voudrait être une prairie; cela est vrai. C’est là, tout ensemble, la noblesse et la tristesse de l’homme. Porter en soi le désert et ne point s’en contenter, sentir au dedans de l’âme de vastes espaces inoccupés et improductifs, mais ne pas se résigner à cette stérilité et à cette aridité, voilà notre vocation.

Quel est l’homme le plus distrait, le plus frivole, qui n’ait entendu à un moment donné, fut-ce une minute, la plainte de ce désert qui veut fleurir?

Quel est le chrétien, même le plus rapproché du ciel, qui n’ait connu cette glorieuse misère?

Chez l’homme mondain, qui emporte et que dévore la passion du plaisir, de l’ambition ou de la cupidité, il est heureux que le vide se fasse sentir, que la plaine brûlée dise: «J’ai soif», que tout paraisse en pur néant et que cette stérilité même appelle une transformation totale, sinon il n’y aurait jamais dégoût du passé et aspiration vers l’amour, sortie de l’Égypte et entrée en Canaan, haine du péché et joie du salut.

Bénissez Dieu, vous qui tout à coup, au milieu des paradis artificiels que le monde vous a préparés, avez vu s’étendre à perte de vue l'immensité du désert, qui avez senti sous vos pieds le sable, sur vos fronts le soleil, et qui avez crié, en dépit de tous les philtres enivrants, de tous les breuvages doux et forts où l’on prétendait noyer vos regrets: «J’ai soif»; bénissez Dieu, car le désert peut fleurir, mais il ne fleurira que s’il est lassé d’être désert.

Chez le chrétien, il y a toujours des coins de désert, il reste des steppes et des friches où la charrue de Dieu n’est pas passée, et, à certaines heures, nous nous sentons intérieurement desséchés; il semble que le désert se reforme en nous, que nous ayons perdu la joie de vivre et le bonheur de fleurir.

Nous traversons une période de découragement et de stérilité. Ce qui nous reste, c’est comme une oasis dans le désert, tandis qu’auparavant l’oasis était la règle et le désert l’exception.

Mais si c’est là une tristesse réelle, cette tristesse même prouve notre vocation véritable, car nous ne nous accommodons pas mieux que cela, nous ne voulons pas du désert pour notre cœur; mourir de soif quand on croit en Celui qui a dit: «Si quelqu’un a soif qu’il vienne a moi et qu’il boive», ce n’est pas possible.

«Le désert fleurira», il faut qu’il fleurisse, il doit fleurir.


LA FLORAISON TOTALE, C’EST LE PARADIS CÉLESTE.


Mais le désert doit reculer sans cesse devant les conquêtes de Dieu.

Plus Dieu sera maître de notre âme, plus seront rares les heures de sécheresse, plus les splendeurs du royaume de Dieu se découvriront devant nous, plus les plantes de Dieu s’épanouiront là même où le doute avait soufflé comme un simoun et où la vie semblait pour jamais éteinte.

En avant 1903 04 11



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