Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

EN AVANT

ET

CRI DE GUERRE

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UN MIRACLE


Paris, un soir froid et humide du mois de février.

De gros flocons de neige tombent lentement par terre, brillant pour quelques secondes comme de grandes étoiles pures sur le noir pavé et disparaissant dans la boue de la rue.

Sur un des bancs le long de la Seine, enveloppé dans son pardessus, un homme jeune encore est assis, le regard fixé sur l’eau qui roule à ses pieds, cette eau qui lui semble chanter un doux cantique de paix et de repos. Paix et repos!... N’était-ce pas cela que son âme agitée cherchait depuis longtemps; n’était-ce pas après cela que son cœur brisé aspirait?

De temps en temps, vaincus par la fatigue, ses yeux se fermaient, et après quelques instants de sommeil agité, il se réveillait en sursaut, grelottant de froid, misérable, fiévreux. Alors il se levait pour faire quelques pas, mais toujours il revenait à la même place pour retomber dans ses rêveries.

D’où venait-il? Qu’attendait-il?

Pauvre homme tombé par sa propre faiblesse et les circonstances aidant, dégoûté de la vie, il a fui foyer, femme, position, tout, pour trouver la mort dans la grande ville de lumière. Pourquoi à Paris? Il ne le sait lui-même.

À peine marié de deux ans, il venait de briser les chaînes précieuses qui avaient lié deux cœurs. Pourquoi? C’était venu lentement, lentement. S’aimant d’un amour pur, tous deux jeunes, ayant une bonne position sociale, possédant une bonne santé, avides de vivre et de goûter à toutes les joies que ce monde offre, ils couraient tous les deux à l’abîme, sans voir le danger.

Là, où les passions régnent, tout autre sentiment perd ses droits.

Bientôt le ménage était en désordre, et la femme, au lieu de soigner le foyer, sortait pour voir ses amies, ou pour chercher des plaisirs hors de sa maison.

L'homme de son côté restait des heures entières au café, s’enivrant.

Des mots durs firent place aux conversations aimables, ils se querellèrent, se battirent parfois.


UNE VIE DÉRÉGLÉE MÈNE À LA RUINE MORALE ET MATÉRIELLE.


Tous deux vivaient loin de Dieu, Le méconnaissant, le blasphémant. Et il est à remarquer que les amis que le diable — ou le monde — vous donne, sont toujours prêts à vous pousser de plus en plus dans le chemin du malheur. C’était aussi le cas ici.

Ils mirent la jalousie et la haine dans le cœur de l’homme. La vie commune avec sa femme lui devenait insupportable.

Un jour, revenant de son occupation journalière, il passa devant la gare et une force invincible l’attirait pour y entrer. Tout-à-coup il entendit crier: «Bruxelles! Mons! Paris!» Paris! Ce cri retentit dans son oreille comme un coup de canon. Et cette même voix intérieure qui l'avait poussé dans la station, le tirait devant le guichet, où il prenait un billet pour la capitale de la France. Et une fois arrivé, son plan est arrêté: gaspiller les quelque soixante francs qu’il a sur lui, et puis... se suicider!

Et voilà qu’il court de café en café pour BOIRE, BOIRE, AFIN DE TUER SA CONSCIENCE qui lui criait sa honte et sa lâcheté.

Et le soir il visite les théâtres, jetant son argent à gauche et à droite, jusqu’à la fin du deuxième jour où il ne possède plus aucun sou. Alors vint la faim.

Connaissez-vous ce glaive tranchant qu’est la faim?

Savez-vous ce que c'est, quand épuisé de fatigue et de nuits d'insomnie, on est obligé de se traîner de rue en rue, de boulevard en boulevard, la tête alourdie, les yeux devant lesquels voltigent des flocons noirs, à demi-aveuglés?

Dans ces moments-là, l'idée de suicide se fixait de plus en plus dans le cerveau du malheureux. Et alors il guida ses pas vers la Seine. Mais le courage lui manquait. Ainsi se passaient quatre jours. Mais ce soir-là, c’était décidé. Il avait choisi une bonne place, entre deux ponts, et il attendait seulement la nuit, quand tout serait tranquille et quand les rues seraient désertes, pour exécuter son plan.

Enfin il se lève, marche jusqu’au bord de l’eau et s’arrête un moment pour penser à celle qu’il vient de quitter... Puis il prend son élan et plonge dans le large fleuve. Et là, dans l’eau luisante et tranquille, il a encore une lutte terrible à faire, car il sait nager, et il doit saisir toutes ses forces pour retenir ses bras contre son corps et pour s’ouvrir la bouche afin d'être plus vite asphyxié par l’eau. Trois fois il remonte, et seul le nom de sa femme retentit sur ses lèvres déjà bleuies.

Quelques heures après il se réveille dans un lit, où des agents de police le soignent. Ils lui donnent à boire un liquide qui lui réchauffe la poitrine, et quand il s’est un peu remis, ils l’amènent devant le commissaire de police.

Alors commença pour lui une vie errante et misérable, voyageant avec des forains, gaspillant et buvant le peu d'argent qu'il gagnait péniblement. Enfin découragé, malheureux, épuisé, il vint à Bruxelles et frappa à la porte de la maison de travail de l’Armée du Salut.

Là, on lui donna à manger et on le fit travailler.

Et, mieux que tout cela, on lui montra le remède pour son cœur brisé, pour son âme malade; ON LUI PARLA DE CE GRAND SAUVEUR: JÉSUS-CHRIST.

Et un dimanche soir, faible et brisé, il se jeta au pied de la croix pour y implorer le pardon et y trouver la paix. Un Officier s’agenouilla à côté de lui pour prier et lutter avec lui, et il lui semblait voir le Sauveur dans une auréole de lumière, étendant les mains vers le pauvre tombé!

Il était sauvé! vainqueur dans la terrible bataille contre ses passions!

Dès ce jour un changement total s’opéra dans son âme, et son unique désir à présent est de montrer à d’autres le chemin du salut et de la délivrance.

Et sa femme?

Mon but n’est pas d’écrire ici son histoire. Laissez-moi vous dire que, après une vie errante, mais surtout misérable, elle fit la connaissance de l’Armée du Salut, qui l’amena également au pied du Rédempteur.

Et à l'heure où vous lisez ces lignes, l’homme dont le corps et l’âme furent sauvés par la grâce de Dieu, se trouve à l’École Militaire de la Ville-Lumière — où quatre ans auparavant il venait chercher la mort — pour y être formé comme Officier.

N’avais-je pas raison, de mettre comme en-tête de cette page tragique d’une vie: Miracle, et ne témoigne-t-elle pas que:


Jésus-Christ est un Sauveur-vivant?


H. J. Brinwis, Cadet.

En avant 1903 07 11



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