EN AVANT

ET

CRI DE GUERRE

----------

COIN DES ENFANTS

C’ÉTAIT UN SIGNAL ROUGE

Pendant l’automne de 1893, tandis que la grande exposition universelle de Chicago attirait dans cette ville des milliers de visiteurs, une petite paysanne demeurait seule avec son oncle dans un village des alentours.

Jennie Creek, c’était son nom, avait dix ans à peine. Elle aimait à gambader sur les talus de la rivière, près de la ferme, et à se tenir sous le pont de bois, au passage des grands express qui, rapides comme l’éclair, grondaient sourdement au-dessus de la tête. Ce tonnerre l’amusait beaucoup.

Un beau lundi matin de septembre, Jennie courut gaiement vers sa cachette favorite. On entendait l’express à distance. Mais quelle fumée et quelle odeur étrange de brûlé! Oncle Jean aurait-il déjà allumé son feu de mauvaises herbes? Elle s’arrêta, muette de surprise... le pont avait disparu. Une étincelle du dernier train y avait probablement mis le feu. Le pont avait brûlé pendant la nuit. L’express approchait à toute vitesse.

Petite Jennie se sentit frissonner. Elle n’avait certes pas le temps de courir vers son oncle ni même de l’appeler. Il n’y avait pas une minute à perdre. Il fallait un signal... Un sanglot la serrait à la gorge, elle était paralysée par l’émotion... Il lui resta assez de force pour s’élancer sur la voie, détacher son jupon et l’agiter aussi haut qu’elle put. Face à face avec la mort, elle n’eut pas une pensée pour elle-même. Mais, là-bas, sur la voie, le mécanicien

remarqua quelque chose, quelque chose de rouge qui s’agitait.

Prompt comme la pensée, il renversa la vapeur. Il était temps. L’express s’arrêta à quelques pas du précipice. Il contenait plus de sept cents voyageurs. Parmi eux, se trouvaient plusieurs Français qui, de retour dans leur pays, racontèrent l’histoire de notre héroïne.

Elle parvint aux oreilles du Président de la République qui décerna à Jennie Creek la croix de la Légion d’honneur.

En avant 1903 07 11