Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

EN AVANT

ET

CRI DE GUERRE

----------

LA PUISSANCE DU RENONCEMENT

TOUCHANTS INCIDENTS DE LA GUERRE AUX INDES


Par le COMMISSAIRE

La semaine dernière, cinq officiers de l’Armée du Salut — tous jeunes encore et pleins de vie — ont passé par Paris, se rendant aux Indes, le nouveau champ de travail où Dieu les appelle. Je saisis cette occasion pour inviter ces chers Camarades à un petit repas, pendant lequel nos âmes goûtèrent cette communion spirituelle, intime et bénie que les Actes des Apôtres nomment la communion des saints; nous terminâmes par une prière ardente au Seigneur afin que ces apôtres du XXe siècle puissent avoir un travail béni et fécond dans cette vaste région où les ténèbres spirituelles, le paganisme et l’esprit de caste sont si puissants encore.

Ah! combien lents sont les progrès du christianisme parmi tant de nations qui ne connaissent point le seul vrai Dieu!

Une chose me frappa chez ces cinq camarades de nationalités différentes — suédois, hollandais, suisse et anglais — ce fut le complet oubli de soi-même et l’intense désir de vivre et de se dépenser pour leurs «frères et sœurs» des Indes; ils étaient là, ces chers disciples du Maître, jeunes, intelligents, pleins de vie et de santé; ils avaient tout quitté pour suivre le Bien-Aimé; ils sentaient comme nous sentons, ils aimaient comme nous aimons, père, mère, frères et sœurs chéris; ils avaient dû bien calculer le prix et cependant, rien dans leur contenance ne trahissait la moindre préoccupation!

Ces apôtres quittaient des pays salubres, aux climats desquels ils étaient habitués dès leur tendre enfance, pour aller dans les villes et villages, dans les jungles et les marécages du pays du choléra et de la peste; ils avaient calculé le prix et considéraient comme un privilège de livrer leur tout sur l’autel du Christ, se faisant pauvres et «fakirs», consentant à s’habiller et à vivre comme les plus misérables tribus des Indes, à se nourrir comme elles, afin de les gagner à leur Maître.

Échanger un home anglais confortable pour une tente au milieu des tribus sauvages des Bheeles, le froid climat de Suède pour les plaines brûlantes du Midi de l’Inde, la Suisse aux montagnes si belles, aux lacs bleus et à l’air salubre pour les eaux fangeuses du delta de Calcutta, la Hollande toujours hospitalière pour quelque village perdu dans l’intérieur; certes, cela avait dû leur donner à réfléchir.

Il y a seize ans de cela, je me trouvais près de la Madeleine, à Paris, vendant notre journal «En Avant». Un jeune prêtre à l’air distingué m’accosta et me demanda si j’étais un salutiste par conviction; pour toute réponse je lui dis:

«Pouvez-vous supposer qu’un jeune homme de vingt-deux ans, ayant devant lui un avenir heureux, pourrait, à moins d’être un déséquilibré, vendrece journal,affronter les rires moqueurs des boulevards sans lapuissance que donne la conviction?»

Le jeune prêtre au beau visage prit ma main dans la sienne, la serra avec effusion et me dit: «Bon courage! Monsieur; j’ai assisté dans Exeter-Hall, à Londres, à la consécration de cinquante de vos amis qui se rendaient aux Indes, je m’incline devant une telle abnégation!»

Je n’ai plus jamais revu ce prêtre, à l’esprit vraiment universel; mais la semaine dernière, au contact de ces camarades, ses paroles me sont revenues à la mémoire et j’ai compris, mieux qu’il y a seize ans, leur valeur réelle.

Le travail tout apostolique d’un Officier de l’Armée du Salut, aux Indes, exige un complet abandon entre les mains de Dieu; bien souvent perdu dans des villages païens, isolé des Européens, IL NE DOIT COMPTER QUE SUR DIEU et sur sa propre initiative en face des besoins de ces peuplades; il doit être apôtre, conseiller, médecin et paysan tout à la fois; quel changement de milieu! Quelle nécessité d’adaptation! Mais aussi quelles riches moissons d’âmes, quelle reconnaissance!


L’Armée du Salut compte aux Indes plusieurs villages dont toute la population convertie est sienne; elle a fait de grands sacrifices en faveur des couches inférieures, fondant un grand nombre d’écoles où des milliers d’enfants sont instruits, souvent nourris gratuitement; elle y a établi nombre d’hôpitaux, où des milliers de malades sont reçus et soignés avec dévouement; elle y a fondé des «banques coopératives» afin de venir en aide aux pauvres paysans ruinés par les vampires de l’usure.

Mais ce n’est point là le côté de l’œuvre salutiste aux Indes que je désire décrire aujourd’hui, mais bien plutôt le côté individuel, le caractère tout apostolique du travail des quinze cents Officiers qui sont à l’œuvre au sein de cette fourmilière humaine de plus de trois cents millions d’âmes.

Il y a plusieurs années, deux Officiers mariés, jeunes et forts, s’offrirent pour travailler aux Indes; après quelque temps, on les envoya ouvrir un poste éloigné de toute civilisation, mais où ils eurent bientôt un travail fécond. Une terrible épidémie de choléra vint à sévir dans un village assez distant. Comme il n’y avait là aucun blanc, aucun docteur, le fléau faisait de terribles ravages.

Ayant entendu parler des Officiers Salutistes, ces «frères et amis des pauvres», le village envoya une députation auprès de nos deux camarades pour les implorer de venir à leur secours. Le mari fixa ses regards pénétrants sur sa femme qui comprit ce langage muet et tout ce qu’il exprimait de tendresse et, le dirai-je, d’anxiété, en même temps que le désir intense de donner ce qu’il avait de plus cher au monde: sa vie et celle de sa bien-aimée, pour secourir cette population abandonnée. L’héroïque jeune femme, animée elle aussi des mêmes sentiments, répondit à ce regard par ces paroles: «Je suis prête, je veux les aider

Nos deux Camarades se rendirent aussitôt dans le village décimé par le fléau: leurs soins, leur tendresse, leurs encouragements réconfortèrent ces pauvres gens; plusieurs victimes furent sauvées. Mais le labeur incessant, les nuits passées au chevet des malades, les privations de toutes sortes, la fatigue excessive épuisèrent bientôt les forces de nos Officiers; le mari mourut victime de son dévouement. Sa jeune femme s’agenouilla auprès de son cadavre, et là, devant Dieu, entourée des villageois éplorés, cette âme stoïque remit son bien-aimé à Dieu et renouvela la consécration de toute sa vie pour le salut de ces peuplades.

Essuyant les larmes qui perlaient à ses paupières elle se donna tout entière à son œuvre de miséricorde et d’amour. Quelques jours après, le village en pleurs déposa sa dépouille mortelle auprès de celle de son mari: ces deux nobles cœurs avaient payé de leur vie leur divin dévouement.

Dieu et les anges durent leur souhaiter une bienvenue triomphante au ciel! Sacrifice sublime, mais inutile, diront peut-être quelques-uns! Mais quelle semence est jamais tombée dans un terrain propice sans produire ses fruits?

Le dévouement a-t-il jamais été stérile?

L’amour, la patience, l’effort persévérant sur le chemin du bien ont-ils jamais manqué de produire, tôt ou tard, des fruits féconds et bénis?

Non, la logique des faits est là pour le prouver. Nos deux camarades avaient donné leur vie pour ce peuple; ils avaient écouté les sentiments les plus nobles de l’âme humaine, ils avaient donné leur tout; et Dieu, qui se montre toujours généreux envers les cœurs généreux, se servit de ces deux vies comme d’une semence incorruptible afin de sauver des milliers d’âmes; le village tout entier se livra au Dieu des blancs: les habitants brisèrent les idoles et firent monter jusqu’au ciel des actions de grâces pour remercier Jésus de les avoir ainsi tant aimés.

Ces deux vies ont produit plus du centuple pour le Royaume de Dieu. Nos camarades sont auprès de leur Sauveur et Maître, mais leurs enfants spirituels, par centaines, continuent leur œuvre.


* * *


La vocation chrétienne est une chose bien solennelle; elle ne souffre ni neutralité, ni compromis, ni tiédeur. Nous en plaindrons-nous? Non, bien au contraire! Nous considérons plutôt comme un grand privilège l’honneur de suivre un Maître dont le service en faveur de l’humanité a toujours été absolu. «Les renards ont des tanières et les oiseaux du ciel ont des nids, mais le Fils de l’homme n’a aucun lieu pour reposer Sa tête», disait Jésus.

Nous sommes bien mieux partagés que Lui, au point de vue terrestre, et cependant combien souvent ne murmurons-nous encore!

APPRENONS DONC À LUI DONNER, NOUS AUSSI, NOTRE TOUT. Dieu ne nous a pas appelés, la plupart d’entre nous dû moins, à abandonner pays, famille, position séculière, pour le suivre comme le font tant de chers Camarades, aux Indes, en Afrique et ailleurs; mais II NOUS DEMANDE CERTAINEMENT DE LE SERVIR LÀ OÙ NOUS SOMMES, dans nos ateliers, dans nos fabriques, dans nos bureaux, dans nos familles. Son service l’exige!

Et puis, ne demande-t-il pas de vous, cher lecteur, que vous vous associez de tout votre cœur à cet effort que nous faisons pendant cette Semaine, pour recueillir les fonds si nécessaires en vue de cette œuvre toute divine de sauvetage moral, matériel et spirituel, à laquelle nos chers Officiers ont consacré toute leur vie tout leur dévouement.

Les Officiers malades, les invalides ont besoin de votre aide financière; le champ de bataille et l’œuvre sociale, en France seulement, ont un déficit annuel de plus de cinquante mille francs, que le Quartier Général doit trouver. Nous avons un besoin immédiat de vingt mille francs (en 1903).

Nous aiderez-vous selon vos moyens?

Que Dieu vous donne de faire, en faveur de cette œuvre philanthropique et bénie, tout ce que vous pouvez et devriez faire. Merci d’avance pour vos prières, merci pour votre sympathie, merci pour les dons généreux que vous ne manquerez pas de remettre aux Officiers des Corps.....

Ulysse Cosandey.

En avant 1903 10 31


 

Table des matières