EN AVANT

ET

CRI DE GUERRE

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MONSIEUR L’ÉGOÏSTE

Monsieur l’Égoïste va irrégulièrement au corps le plus rapproché de sa maison et il s’assied généralement au milieu de la salle. Quelquefois il a été invité à venir plus près de l’estrade et du banc des pénitents, mais il refuse toujours avec politesse en disant: merci, je suis très bien ici.

Le fait est, dit-il une fois à ses voisins, que quand je viens à une réunion, j’aime à en jouir en paix. Si je m’assieds au bout de la salle ou au bord d’une rangée de sièges, les gens sont toujours à m’ennuyer pour me sauver comme ils disent.

Quand le plateau de la collecte vient près de M. l’Égoïste, il y met deux sous avec un air indifférent en se murmurant, comme il voit le regard tristement surpris du quêteur: je me demande pourquoi ils n'ont pas de boîtes au lieu de plateaux, ce serait beaucoup plus confortable; car M. l’Égoïste est une personne très bien habillée et porte sur lui un air de prospérité qui éblouit les yeux de tous les hommes d’affaires. Il a du chic, aucun enfant n’a jamais osé présenter une carte collective au comptoir du magasin de M. l’Égoïste. Personne, mais la Capitaine de l’Armée du salut a eu l’audace de lui réclamer un don.

Réellement, lui dit M. l’Égoïste, vos gens sont toujours à mendier, QUE FAITES-VOUS AVEC TOUT CET ARGENT? (Il avait donné 1 fr. 25 à la dernière semaine de Renoncement).

Il y a beaucoup de besoins dans le monde, Monsieur, répond la Capitaine, haute de cinq pieds, en regardant ce grand personnage à l’air enchanté de lui-même.

Hum! les gens portent eux-mêmes leurs souffrances; ils méritent la pauvreté s’ils n’économisent pas.

La plupart de ceux que nous secourons n’ont rien à économiser.

Oh! c’est ce qu’ils vous disent; ils voient que vous avez bon cœur et que vous ne connaissez rien du monde. Ils n’essaieraient pas de m’en imposer à moi, dit M. l’Égoïste, personne ne m'a aidé et je me suis arrangé pour faire moi-même mon chemin dans le monde.

Il met ses mains dans ses poches et regarde autour de lui avec satisfaction, un sourire de fierté sur les lèvres. Il commença la vie sans un sou, gagna tout ce qu’il a par son propre travail et son économie, et N’A JAMAIS PENSÉ À DIEU qui lui donna la santé et la force pour travailler.

Je crois qu’en étant à mon aise, je mettrais tout le monde à son aise; si je faisais à ma manière continua-t-il. Les pauvres devraient m’avoir au-dessus d’eux; je leur montrerais, je leur donnerais moins d’amour et de religion et un peu plus de travail et ceux qui ne voudraient pas travailler n’auraient pas la queue d’un chat à manger. Je les convertirais.

Bien, Monsieur, je crois que ceci a été essayé depuis longtemps sans succès, mais l’argent donné par l’Armée ne sert pas à encourager les paresseux, notre société de secours par le travail, les force au contraire à agir tout en les aidant, plaida la Capitaine. Vous savez que tout l’argent sert à prêcher Christ et à aider les pauvres...

M. l’Égoïste l’interrompit:

Bien! bien! je perds mon temps ici et j’ai des affaires autrement plus importantes. Voici quelque chose pour vos pauvres, et j’espère recevoir tous vos journaux gratuitement; bonsoir, et il s’en va dans son bureau, tandis que la Capitaine regarde ce qu’il a glissé dans sa main: une maigre petite pièce.

En avant 1899 03 11