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Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

EN AVANT

ET

CRI DE GUERRE

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L’ÉVANGILE


Une bonne action vaut mieux qu’un grand discours. Gambetta.

Dans l’antichambre conduisant à son bureau d’étude, Gambetta avait placé un magnifique tableau rappelant la scène du bon Samaritain recueillant l'homme blessé et le conduisant à l’hôtellerie.

Sous le tableau, Gambetta avait écrit: UNE BONNE ACTION VAUT MIEUX QU’UN GRAND DISCOURS, et les nombreux visiteurs de tous rangs qui venaient solliciter une audience, en attendant d’être admis en tête à tête avec le grand orateur que fut Gambetta, avaient tout le loisir de voir le tableau et de méditer les belles paroles inscrites au bas du dit tableau.

Au moment où chacun s’apprête à fêter l’anniversaire de l’entrée dans ce monde de notre Sauveur, en ces temps où en touchantes soirées les familles vont se grouper autour du sapin illuminé et chargé de présents, il ne sera pas déplacé de réfléchir un peu et de nous demander:

Qu’est-ce que l’Évangile?

Qu’est-ce que cet Évangile que Jésus est venu apporter, donner au monde?

En quoi est-il supérieur et vaut-il mieux que les autres doctrines philosophiques, morales ou les différentes sortes des autres religions.

La directrice de l’École militaire me demanda, un jour, de donner quelques cours aux cadets et cadettes et je lui proposai de parler des Évangiles. Au premier abord, rien ne me parut plus facile: la vie de Jésus m’était assez familière et je me réjouissais déjà d’avance de faire passer sous les yeux de nos élèves officiers ces beaux récits de la vie de Jésus, de parcourir avec eux les saints livres, de mettre en relief ces miracles qui attestent la puissance de Jésus, ces discours, ces paraboles qui nous montrent le royaume des cieux sous ses différentes faces et enfin d’arriver à cette émouvante semaine de la passion de fNotre Seigneur.


Mais en rentrant chez moi, un scrupule vint à mon esprit et une conversation tout intime, tout intérieure, se produisis en moi. Je me dis à moi-même: «Tu vas parler de l’Évangile, l'expliquer, le faire aimer, admirer, mais après tout, toi qui veux le prêcher aux autres, as-tu compris l’Évangile?»

Tout naturellement, donc, cette question se posa à mon esprit: QU’EST-CE QUE L’ÉVANGILE?

Et voilà, j’étais confus, comme perplexe. Les gens qui ont la critique facile diront peut-être: «Comment peut-il se faire qu'un Officier de l’Armée du Salut, après vingt ans de ministère, en soit encore à se demander ce qu’est l’Évangile?»

Attendez un peu, lecteur impitoyable, avant de juger autrui, voulez-vous vous poser cette question pour votre propre compte:


Qu’est-ce que l'Évangile pour moi?

Combien est-ce que je réalise et pratique les enseignements de Celui qui l’a créé par sa propre personnalité?

Vous serez peut être obligé, après quelques instants d’examen, de reconnaître que le sens pratique vous a souvent échappé et ceci maintes fois le voulant et le sachant.

Je vous dirai: mon trouble d’un moment cessa et s’il y eut une question, il y eut aussi une réponse sous forme de quelques images. En voici quelques-unes:

C’est le soir joyeux. L’alpiniste se met en route pour atteindre quelque sommet d’où il pourra voir au matin un magnifique lever de soleil! La nuit est venue. Le voyageur gravit une forte pente; le sentier est étroit, à droite un rocher, à gauche un abîme!

Tout à coup l'orage vient.

La nuit est sombre, aucune étoile ne brille pour jeter quelque pâle clarté sur le Sentier du voyageur, et pourtant à quelques pas devant notre alpiniste se trouve un contour dangereux. Encore un instant et voilà le pauvre voyageur dans le gouffre immense. Mais à ce moment l’éclair brille et dans cette lumière blafarde, aveuglante, l’homme en danger a entrevu l’immensité de l’abîme. Il comprend que pour lui la seule ressource c'est de se tenir appuyé contre le rocher à sa droite et qu’ainsi il pourra traverser ce passage dangereux.

L’Evangile, pour l’homme, c’est aussi l'éclair de la miséricorde qui brille sur sa route et qui lui montre que c’est en s’appuyant contre le Divin Rocher, Jésus-Christ, qu’il est en sécurité et qu’il évite de tomber dans le gouffre des passions et de l’enfer.


Ami lecteur, te souviens-tu de cette heure admirable où Dieu t’a éclairé, t’a convaincu?

Peut-être, après avoir assisté à quelques réunions, tu as vu que tu allais être perdu et que seul Jésus t’est apparu comme un refuge et un Sauveur.

En somme, dans la majorité des cas, c’est toujours notre expérience qui fait autorité et qui nous sert de base. Aussi n’ayons pas peur de regarder dans le passé et de nous rappeler ces instants précieux où la miséricorde divine nous a enveloppés pour nous sauver.

L’Évangile, c’est comme la goutte d’eau qui tombe sur une parcelle de terre et qui l’attendrit de façon que la graine qui a été jetée ou qui est tombée sur ce petit morceau de terre puisse germer.

Notre cœur a été dur, insensible, sec, mais une goutte de la bonté divine est venue donner à nos sentiments, à notre âme, une émotion, notre coeur s’est attendri et a été préparé pour que les semences de vie et de bonnes œuvres y germent.

Que c’est beau une goutte d’eau! Nombreuses elles tombent, puis se réunissent en ruisselets, filtrant à travers les mousses ou tombant en petites cascades et les ruisselets des diverses collines se réuniront bientôt pour former le ruisseau limpide et clair où le poisson joyeux frétille, où l'oiseau, au matin, vient sur ses bords dire sa joie et son bonheur de vivre.

Continuant la route, suivant tout naturellement la pente, le ruisseau se réunira à d’autres ruisseaux qui formeront entre eux la rivière, et de la réunion de cette infinité de gouttes sort sans cesse la vie, la force.

Bientôt, les rivières, le vaste fleuve qui ira se perdre? Non, rien ne se perd, il va s’associer, se joindre aux abîmes de l’océan.

Ce ne sont pas les eaux des fleuves qui transformeront l’eau des océans ou bien en changeront la nature, c’est l’océan qui sera toujours victorieux et tout ce qui vient se perdre en lui, se donnera à lui, héritera sa nature.

Ce ne sont pas les individus ni les peuples qui changeront Dieu, mais la base de l’Évangile éternel sera toujours que c’est Dieu qui change les hommes et les transforme par Sa puissance et Son amour à Son image, leur donne Sa propre nature s’ils s’identifient avec Lui. L’Évangile n’est pas seulement l’éclair dans la nuit, la goutte d’eau qui attendrit le sol; l’Évangile est une clarté. 


L’alpiniste est arrivé sur le sommet désiré, les premiers rayons de l’astre du jour paraissent, la nuit disparaît, les ombres s’en vont, la lumière règne, prend possession de toutes choses et dans cette lumière dont nous sommes nous-mêmes enveloppés, l’on considère les événements.

J’aime aussi à me souvenir de cet instant où, dans ma petite chambre d’ouvrier, il y a bientôt 21 ans, à genoux, après huit jours de luttes, de troubles et d’émotions, j’ai dit à Dieu: «J’OBÉIRAI.»

Je me rappelle cet instant où un premier rayon de la joie du salut a inondé tout mon être.

Je Te remercie, ô Dieu, de m’avoir donné cette expérience d’un rocher solide qu’aucune combinaison, qu’aucune chose humaine, ne pourra désagréger.

Ô lecteur, l’Évangile est-il pour toi une clarté illuminant ton âme, ce monde de lumière et de joie?

Pour y arriver, il faut gravir la pente de l’obéissance et marcher par la fidélité à la vocation que Dieu nous donne. Noël de 1903, que tu ne sois pas seulement une fêle où un vain formalisme allumera de nombreuses bougies, où l’on chante des hymnes, rappelant la grande date, le grand fait de l’histoire du monde, mais, ô Noël 1903, que tu sois un jour de pardon, de salut, un jour de clartés, un jour béni entre tous où, à genoux, un Sauveur miséricordieux se révélera à l’âme et où, en retour, nous aimerons sans nous lasser tous ces pauvres blessés de l’existence humaine, et où l’on pourra expliquer l’Évangile sans de grands discours par une suite ininterrompue de tableaux vivants dont les âmes sauvées seront les acteurs. 


L’ÉVANGILE, C’EST LA MISÉRICORDE INFINIE!

C’est aussi la sainteté vécue, l’humilité réalisée, la joie dans les tribulations.

L’ÉVANGILE, C’EST AUSSI L’ESPÉRANCE de nous retrouver tous un jour, au grand jour du Noël éternel, dans le beau Ciel de notre Dieu qui sera notre patrie commune.

C. Jeanmonod.

En avant 1903 12 26


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PENSÉES


Un sacrifice volontaire laisse toujours après soi, dans l’âme qui se l’impose, quelque chose de fortifiant. E. Legouvé.

Quiconque met le bien-être avant le devoir, est incapable d’indépendance.

À côté du courage qui agit, il y a le courage qui accepte.

Vivre les uns par les autres, vivre les uns pour les autres, vivre dans tous et dans chacun, comme on sent chacun de ses semblables, vivre en soi, telle est la destinée vraie de l’homme.

Benjamin Constant.

En avant 1903 12 26



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