Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

EN AVANT

ET

CRI DE GUERRE

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MARI ET FEMME


C’était le soir. André rentrait de son travail, fatigué et de mauvaise humeur, et il trouvait à la maison sa femme tout aussi fatiguée et d'aussi mauvaise humeur que lui. Il alla s’asseoir dans un coin d’un air maussade, tandis qu’elle préparait le souper. Quand le couvert fut mis, elle dit à son mari: — Viens! mais cette invitation était si sèche qu’il fut sur le point de décocher une parole amère. Pourtant il se mit à table.

Le souper était cuit à point. André s’en serait régalé, si seulement il avait aperçu sur le visage de sa femme un petit rayon de satisfaction, mais elle ne témoignait aucun plaisir de le revoir. Il s'aperçut pourtant qu'elle ne mangeait pas: — Est-ce que tu n'es pas bien, Marie? fut-il sur le point de lui demander, mais il craignit une réponse désagréable et il se tut. Le souper se passa sans que les époux eussent échangé un mot. Après quoi elle ôta le couvert, mit un bout de tapis sur la table et y posa une lampe.


Le moyen d'y tenir! se disait notre pauvre homme qui, la tête en avant, les mains dans les poches, arpentait la chambre. C'est à peu près aussi gai qu'une prison! Il s’assit et tira de sa poche un journal. Le premier article qui lui tomba sous les yeux était intitulé: LOUE TA FEMME!

Avec ça qu’il y a de quoi! se dit-il, mais il continua à lire:


LOUE LA FEMME; encourage-la un peu; cela ne lui fera en tout cas point de mal.


Oui, c’est bon, se dit André, avec sa mine renfrognée qui fait de sa maison un purgatoire.

Il continua:

ELLE FAIT SON DEVOIR. Si tu estimes n'avoir aucun éloge à lui donner, loue-la au moins par pitié. Elle ne s'y attend pas; mais cela lui fera du bien et à toi aussi!

André n'y comprenait rien; ces lignes semblaient écrites exprès pour lui. C’est vrai, se dit-il, que tu ne lui as jamais dit un merci ni un mot d’encouragement.

À ce moment, sa femme venait s’asseoir à la table avec son ouvrage, une chemise qu'elle cousait pour son mari.

Que tu fais cela joliment, Marie! hasarda-t-il au bout d’un instant. Il lui sembla que l'expression de sa femme se détendait — Mes chemises sont plus belles que celles de tous les autres employés.

Vraiment? dit la femme qui n’en cousait que de plus belle.

La glace, cette fois, était rompue.

Oui, Marie, reprit-il avec un accent de tendresse, on m’a souvent dit que je devais avoir une bien bonne femme! À ces mots elle leva les yeux.

Et toi, le penses-tu aussi? fit-elle d’un ton sec.

Quelle question, Marie, quelle question! répondit-il en s’approchant.

Le penses-tu aussi? Répéta-t-elle sur le même ton.

Mais oui, chère amie, dit-il avec un accent de profonde tendresse. Comment peux-tu me demander une pareille chose? Et se penchant sur elle il l'embrassa.

Si tu voulais seulement me le dire plus souvent, André, que cela me ferait du bien!

Et, se levant, elle vint appuyer sa tête sur l’épaule de son mari et se mit à pleurer doucement. Alors la lumière se fit dans l’esprit d’André. Il comprit que sa compagne fidèle à laquelle il n’avait jamais témoigné de reconnaissance, jamais dit un mot d’amitié, en était venue à douter qu’il l’aimât et qu’elle en était toute triste.

Tu es une bonne femme, Marie, lui dit-il. Je t’aime et je n’ai pas de plus grand désir que de te sentir heureuse. Quand je te vois contente, la maison me semble un paradis.

Quel bonheur de t’entendre parler ainsi, André! répondit-elle en souriant à travers ses larmes. Il me semble que je ne pourrai plus jamais être triste.

Et c’est ainsi que, sans beaucoup de peine, André dissipa les nuages qui assombrissaient son foyer.


SOYEZ BONS LES UNS ENVERS LES AUTRES

(Eph.IV, 32).


En avant 1899 03 25


 

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