Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

EN AVANT

ET

CRI DE GUERRE

----------

C’EST PLUS FORT QUE MOI


VIVE LA LIBERTÉ! C’est facile à dire et cela sonne bien aux oreilles. Aussi ce cri est-il plus que jamais à la mode. Tous les partis le poussent à qui mieux mieux, et, au point de vue de l’égoïsme humain, c’est parfaitement sincère, car chacun réclame la liberté de tout faire — au moins pour soi-même — avec une entière bonne foi.

Si l’on s’en tenait à ces apparences, on pourrait croire que le monde est composé de gens libres; mais combien différente est la réalité! Observons-bien, et nous verrons, au contraire, qu’il est rempli d’esclaves. Voulez-vous vous en rendre compte?

Démontrez à ce Monsieur que l’habitude de fumer est une fort mauvaise habitude, coûteuse, malpropre, sans aucun avantage pour le corps ni pour l’intelligence, au contraire. Il vous écoutera, il comprendra, il reconnaîtra que c’est vrai, mais il ajoutera, avec un geste de terreur: «Me passer de ma cigarette! me priver de ma pipe!... Jamais de la vie! Tout ce que vous voudrez, mais pas cela. J’aimerais autant mourir tout de suite. Je sais que vous avez cent fois raison. Mais que voulez-vous? «C'EST PLUS FORT QUE MOI!»

Ainsi, voilà qui est bien entendu. Le fumeur passionné n’oppose pas à notre principe d’hygiène et de morale un autre principe ni une volonté raisonnée. Il avoue tout simplement qu’il ne peut pas s’y conformer parce qu’il y a quelque chose qui le maîtrise. Autrement dit, IL EST ESCLAVE, TOUT CE QU’IL Y A DE PLUS ESCLAVE, lors même qu’il crierait: Vive la liberté! à pleins poumons, chaque année, au 14 juillet.


Son tyran n’est pas un homme, c’est une passion, ce qui est bien pire encore.

L’homme-tyran, on peut encore s’en débarrasser; mais la passion, elle est dans la plaie, au cœur même de l’individu; partie intégrante de l’être, seconde nature, elle fait corps avec lui et grandit à ses dépens, devenait chaque jour plus absorbante, plus dominatrice. En voulez-vous encore une preuve?

Allez à cet autre esclave, un buveur, celui-là. Il pourra se faire, d’ailleurs, que ce ne soit pas nécessaire de passer à un autre, le même patient pouvant fort bien être affligé des deux maladies à la fois.

Avec celui-là, hélas! vous aurez beau jeu. Il vous sera facile de lui présenter un très sombre tableau de tous les désastres qu’entraîne l’ivrognerie. Si l’homme a quelque franchise, s’il est encore capable de raisonner sainement, il reconnaîtra avec désespoir que vous avez raison et que sa maudite passion le mène à l’abîme. Puis, quand votre morale sera finie, il entrera au cabaret en se répétant à lui-même le fatal refrain: «Qu’y pourrais-je faire! «C'EST PLUS FORT QUE MOI!»

Et il a raison, c’est plus fort que lui; il est esclave, le pauvre homme! Mais le triomphe de l’aberration, c’est d’attribuer une idée de force et d’émancipation virile à ce qui n’est que faiblesse, déchéance morale.

J’ai supposé des hommes assez loyaux pour reconnaître leur propre servitude quand on la leur fait toucher du doigt; mais la plupart du temps, il n’en est pas ainsi:


ON EST ESCLAVE, ET ON SE CROIT TRÈS FORT.


Voyez cet adolescent: quand il boit son premier verre d’absinthe, quand il prononce son premier juron, quand il commence à se laisser entraîner par les mauvaises compagnies sur la pente du mal — alors, mais alors seulement, il se croit un homme.

Tout à l’heure, n’ayant pas encore bu à la coupe impure, il n’était qu'un enfant; maintenant qu’il se souille à toutes les boues du monde, le voilà grandi à ses propres yeux. Arrière tous les assujettissements de la religion et de la morale; désormais il fait ce qu’il veut, il est libre! Libre... pauvre enfant! Dis plutôt que tu entres dans le noir cachot des passions ennemies de ton âme. Elles vont s’emparer de toi, pieuvres monstrueuses, te serrer de près, toujours, toujours plus près, jusqu’à étouffer en ton être tout ce qu’il y a de noble et de pur, ta conscience, ton cœur, qui finiront par se taire, car le propre de la passion est de matérialiser tout ce qu’elle touche. Tu as voulu te pencher vers la matière pour l’adorer: tu deviendras matière toi-même, et tu éprouveras déjà sur cette terre que le salaire du péché, c’est la mort.


N’est-il donc pas possible de sortir de cet antre?

Oui, cela est glorieusement possible, car IL Y A UN SAUVEUR QUI APPORTE AUX CAPTIFS LA DÉLIVRANCE.

Il est venu sur notre terre pour accomplir cette œuvre-là, et C’EST POUR CELA QU’IL A DONNÉ SA VIE.

Oh! l’infernale erreur qui veut que Jésus soit apparu pour instituer ce qu’on appelle une religion, des dogmes, des rites, une caste sacerdotale, que sais-je? Crions-le bien haut, prêchons-le sur les toits:


JÉSUS EST VENU NOUS DONNER LA LIBERTÉ;

IL EST LE RÉDEMPTEUR.


Son œuvre est universelle. Son amour ne connaît point de limites; il passe par-dessus toutes les séparations, toutes les barrières humaines. Il ne connaît ni riche ni pauvre, ni civilisé ni barbare, ni savant ni ignorant, ni catholique, juif ou bouddhiste.

La bergerie de ses brebis, c’est l’humanité tout entière, la pauvre humanité souffrante, prisonnière de ses propres passions.

Il est venu, le Christ, lui annoncer l’affranchissement. Au moment du sacrifice suprême, quand son précieux sang coulait de toutes ses blessures, dans un grand geste d’amour, il étendit ses bras sur la croix pour embrasser tous les hommes, ses frères, dans une même étreinte, une même rédemption.


Mais il faut vouloir la liberté; ceux qui se complaisent dans l’esclavage n’en seront JAMAIS délivrés.

À ceux qui le cherchent, Jésus se donne.

Le cherchez-vous?

Qui que vous soyez, quel que soit votre passé, rappelez-vous qu’il ne met jamais dehors ceux qui viennent à lui. Et que c’est beau, la liberté de l’âme! elle est à l’épreuve de tout, rien n’est plus fort qu’elle. Avec elle l’homme se possède, parce qu’il est possédé par Dieu. Il est calme au milieu de la tempête, il sourit aux difficultés; si la brutalité du méchant s’attaque à lui, il en triomphe dans la paix, par l’amour. Cela ne vaut-il pas mieux que l’esclavage du péché?

Ah! si on comprenait combien est belle la perle de grand prix, on renoncerait à tout pour la posséder. «Si vous gardez ma parole, dit notre Sauveur, vous serez vraiment mes disciples; vous connaîtrez la Vérité, et la Vérité vous rendra libres.»

Ch. Fleury.

En avant 1899 05 13


 

Table des matières