Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

EN AVANT

ET

CRI DE GUERRE

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UNE SCÈNE DE BAS-FONDS À GRENOBLE 


L’estrade salutiste donnait, dimanche soir, le spectacle d’une scène de bas-fonds. D'ordinaire si radieuse, elle devint tout à coup l’image frappante de la misère et du péché....

Les gaz s’éteignent, obscurité... silence... Le rideau se tire lentement et, à la faible clarté d’une bougie plantée dans le goulot d’une bouteille, apparaît un misérable taudis: table embarrassée d’objets fracassés pêle-mêle, poêle dégingandé, guenilles pendues, chiffons d’ici de là courant après des bribes de vaisselle sur un sale plancher.

La mère coud sur un banc, les enfants se traînent autour du père accroupi sur sa chaise, et, dans le fond, sur un grabat, gît un pauvre vieillard infirme, la tête empaquetée dans un linge en lambeaux.

L’un souffre sans mot dire, l’autre comprime sa colère. Sous leur silence grognon on sent l’orage de la dispute prêt à éclater à la moindre contrariété. Le péché manipule à son gré ces pauvres cœurs raidis et si tristement esclaves, tandis que dans la pièce voisine (ô contraste) on entend la guitare et les joyeux chants salutistes s’élever comme un triomphe de liberté et de bonheur. Mais ici la querelle commence et avec elle... les injures, les cris, TOUT CE QUE LA MISÈRE INSPIRE AUX CŒURS AIGRIS.

Tout à-coup, du milieu de ce désordre, apparaissent deux officières de bas-fonds. Mal reçues, presque menacées, elles persistent à rester et répondent aux grossièretés par des paroles de paix et de douceur, en même temps que, sur l’autorisation de la mère, elles rangent les effets, balayent, lavent les enfants, pansent le vieillard. Les gens ne veulent rien entendre, puis bientôt s’accusent l’un l’autre d’être l’auteur de tous ces maux.

Mais «L’AUTEUR DE VOTRE MISÈRE C’EST LE PÉCHÉ, c’est la boisson, la paresse, l’animosité», dit une officière, et peu à peu chacun finit par en convenir; tous promettent de venir aux réunions de l’Armée du Salut, ils consentent à entendre une prière et l’on se sépare avec un vague rayon d’espérance.


La deuxième scène représente alors la même famille transformée, née de nouveau. Tout est propre et lumière dans leur appartement; tout est rayonnement de sympathie et de joie sur leur visage. LA VIE A REMPLACÉ LA MORT; le dégoût a fait place à un généreux enthousiasme, et chacun ne contenant plus son bonheur rend un témoignage plein de force à la Lumière de l’Esprit.

Quelques auditeurs ne pouvaient en croire leurs oreilles que les acteurs de la première scène fussent pris parmi les soldats salutistes. C’est que nos braves déguenillés étalaient un échantillon assorti de leur ancienne existence et jouaient un rôle qu’ils avaient jadis trop bien rempli.

La deuxième scène fut coupée par un incident des plus caractéristiques pour la circonstance. Au moment des témoignages, on vit apparaître au fond de la salle, dans la porte entr’ouverte, la tête d’un individu tort courroucé, lançant contre sa femme, pour l’inviter à sortir une série d’épithètes et d’imprécations qui rappelaient à merveille la précédente histoire du taudis. Cette aventure — pour de bon — semblait dire à chacun: Voyez, on ne vous a montré que la simple vérité


Cette scène de bas-fonds a touché les cœurs et éclairé le public sur l’œuvre et le but de l’Armée du Salut. Un tableau, surtout lorsqu’il est parlant, dit parfois en un instant plus que de gros livres, de grands articles ou de longs discours. L'homme affairé a peu le temps de lire des livres qui, d’ailleurs, résistent souvent à la lecture; il médite moins encore et passe souvent sa vie dans une condition morale misérable sans que rien lui révèle clairement le moyen de sortir de son état de trouble et d’agitation.

Et puisque c’est la volonté de Dieu que l’homme soit amené par l’homme à la connaissance de la Vérité, usons aussi de tous les moyens possibles, sans négliger les plus rapides.

Le Diable en use, il a de nombreux clichés très remarquablement séducteurs dans les théâtres, les casinos, la presse pornographique, les vitrines et les rues... Il est bon de nous rappeler un peu que les enfants de ce siècle sont parfois plus intelligents que nous au service de leur Maître.

Cette vérité n’est pas nouvelle et c’est pour cette raison qu’elle a besoin d’être rafraîchie.


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Adieux de la Lieutenante Exbrayat.

Le cœur a beaucoup de peine à accepter les séparations... Toutefois, nous nous souvenons que DIEU DIRIGE NOS VIES et... NOUS OBÉISSONS et acceptons à cause de Lui.

La chère Lieutenante Exbrayat que j’ai eu l’occasion d’avoir pour camarade de guerre faisait dimanche soir ses adieux à Grenoble. Elle aimait, nous dit-elle, beaucoup l’œuvre dans cette ville, mais néanmoins, elle est appelée à la quitter pour aller porter plus loin la joie et l’amour.

Allez, chère Lieutenante, et soyez toujours assurée que nos prières vous accompagneront.

Votre bien affectionnée,

Enseigne L.-E. Huguemim.

En avant 1899 05 13


 

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