Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LA PIOCHE ET LA TRUELLE

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LES VIPÈRES


Un paysan faisait métier de prendre des vipères qu'il envoyait à un pharmacien de la ville, pour en faire de la thériaque (sorte d’onguent). Une après-midi, il en prit un nombre considérable; mais de retour à la maison, il se sentit si las qu'il se bâta de monter à sa chambre. Il mit, selon sa coutume, ses vipères vivantes dans un baril, et il se coucha.

Malheureusement, il n’avait pas pris soin de fermer complètement le baril, et la nuit tandis qu'il dormait, les vipères sortiront de leur prison, et, cherchant la chaleur, elles allèrent entre ses draps et l’enveloppèrent de toutes parts, sans qu’il s’éveillât et sentît rien.

Le jour venu, il s'éveille et ne tarde pas à s'apercevoir que ses bras sont entourés de vipères «Ah! dit-il, je suis un homme perdu! les vipères se sont échappées!»

Cependant il ne perdit pas la tête; et bien qu’il sentît des vipères entortillées autour de ses membres, il eut la prudence de ne point se remuer. IL SE RECOMMANDA À DIEU, et sans bouger de sa place il appela sa servante.


«N'entrez pas, lui dit-il, quand elle eut ouvert la porte de sa chambre; redescendez et prenez vite le grand chaudron, remplissez-le à moitié de lait, et faites chauffer ce lait en sorte qu’il ne soit que tiède. Vous m’apporterez ce chaudron, et vous le mettrez au milieu de ma chambre le plus doucement que vous pourrez. Allez et ne perdez pas un instant.»

Quand le chaudron fut dans la chambre, les vipères, sentant l’odeur du lait qu'elles aiment beaucoup, commencèrent à lâcher prise. Il vit celles de ses bras se détortiller et se retirer; il entendit passer celles de son cou, il sentit que ses jambes se dégageaient et que tout son corps était libre. Quelle joie!

Il se posséda néanmoins, il ne se pressa pas et donna le temps à toutes les vipères de sortir. Elles sortirent toutes, et allèrent se jeter dans le chaudron, de sorte qu'il n'en restera pas une dans le lit.

Notre homme alors se leva, et voyant les vipères presque noyées dans le lait, assoupies et comme enivrées, il les tira avec des pinces, l'une après l'autre et leur coupa la tête. Puis aussitôt, s'étant mis à genoux, IL REMERCIA DIEU DE TOUT SON CŒUR de l'avoir délivré d’un si grand danger

Il descendit ensuite de sa chambre et raconta ce qui venait de lui arriver. Son récit fit frémir tout le monde, et il frémissait lui-même en le racontant.

Il envoya ses vipères à l'apothicaire, lui faisant dire de n'en plus attendre de sa part. En effet, il renonça au métier, et il prit en si grande aversion les vipères, qu’il n’en pouvait pas souffrir non seulement la vue, mais même le nom et la pensée.


* * *


Cette terrible histoire nous représente fort bien celle de l’homme qui se voit tout couvert de ses péchés, et qui en est délivré par la grâce de Dieu...

Quand on pense à ce paysan entouré de vipères et dormant, on frémit.


Hélas! combien de gens qui dorment aussi sans s'inquiéter des péchés de toute espèce dont ils sont couverts.

Le paysan, une fois éveillé, se garda bien de se rendormir. Et si quelqu'un était venu lui dire: N’ayez pas peur, ce n’est rien, dormez encore, dormez sans crainte... l’aurait-il écouté?

NE NOUS ENDORMONS DONC PAS NON PLUS, APRÈS AVOIR SENTI NOS PÉCHÉS. Gardons-nous de fermer nos yeux au péril, cherchons à nous en délivrer.

Imitons la prudence et le courage du preneur de vipères. Il ne dit pas: mon danger est trop grand, il n’y a pas de remède; non! Il eut recours au seul expédient qui pût lui réussir.


Recourons de même au remède souverain préparé, qui est de nous recommander au Sauveur mourant pour nos offenses.

Imitons encore le paysan dans sa résolution.

Il détruisit les vipères une à une et renonça à son funeste métier.


PRENONS UNE À UNE NOS MAUVAISES INCLINATIONS,

POUR LES COMBATTRE ET LES ÉTOUFFER.


Alors, si la joie de cet homme a été grande, la nôtre sera plus grande encore.

La pioche et la truelle N° 39 (1891?)


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