Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LA PIOCHE ET LA TRUELLE

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PARENTS FAIBLES


«Vous aimez vos enfants; vous les aimez beaucoup. Au point de vue de l'intensité de votre tendresse, vous ne méritez que des éloges. Mais, les aimez-vous bien?»

Telle est la question que pose aux parents un écrivain de la Vie chrétienne, et à laquelle il répond en «traçant quelques silhouettes de parents d'humeur et de tempéraments divers», mais qu’il tient tous pour DES PARENTS FAIBLES.

L'éducation des enfants est chose si délicate et si sérieuse, que les bons conseils ne sont jamais de trop; c’est pourquoi nous résumerons pour nos lecteurs, les excellentes observations de M. Enjalbert:


Voici d’abord le père bourru. Certes, on serait mal venu de lui dire:

«Vous gâtez vos enfants», car il leur parle toujours sur un ton rogue (revêche, bourru) et presque irrité. À tous propos, une morale, et quelle morale! Pour les moindres bagatelles, les épithètes les plus accablantes, les plus exagérées!

A-t-il fait un peu de bruit ou renversé une chaise? On fait appel à sa conscience, à son affection filiale, on se désole... À ces objurgations (reproches), faites d’un ton suraigu, le coupable courbe la tête, mais un sourire moqueur soulève le coin de sa lèvre.

La grande affaire, pour lui, est de laisse passer l'orage, et à chaque nouvelle accusation, il murmure tout bas: «Sera-ce bientôt fini?»

Le lendemain, commet-il une faute grave, l’admonestation paternelle, qui a déjà atteint, à propos de rien, les dernières limites de la gravité, ne fait plus d'impression.

L’enfant, acclimaté à ce bruyant régime, attend impatiemment la fin du tapage: ça l'ennuie simplement. Il sait que toutes ces menaces seront sans effet, et il spécule sur une faiblesse qu’il connaît bien:

«Quand papa se lâche, c’est qu’il va m’accorder tout ce que je veux!»


Chez d’autres parents, le geste suit de près la parole. Comment les accuser de faiblesse? Ils frappent, ils frappent fort et souvent.

Ce n’est plus de la sévérité, c’est de la violence, et la violence n’est souvent que la contrefaçon de la justice. On ne frappe pas pour corriger, on frappe par impatience, pour soulager sa bile.

Le mouvement d’humeur passé, comme le père aime son fils, comme il ne peut, de sang-froid, voir couler ses larmes, sa brutalité fait place à la tendresse: c’est lui qui, maintenant, veut se faire pardonner, et pour ce, il fera toutes les concessions, toutes les promesses, raisonnables ou non.

L’enfant ne tarde pas à se rendre compte de tout le terrain qu’il vient de gagner; il s’acclimate aux coups en supputant les bénéfices qu’il en retire, et il devient un enfant battu et gâté; aussi gâté que battu, aussi battu que gâté.


Voici maintenant les parents raisonneurs. Ils ont pour principe de ne jamais punir l'enfant coupable avant de l’avoir convaincu;

1° de la laideur de sa faute;

2° de l’utilité du châtiment qui va lui être infligé (!).

Un tel programme dénote, à coup sûr, de bonnes intentions; mais on ne peut s’en faire l’esclave, sans de sérieux inconvénients.

L’enfant n’est pas toujours à même de comprendre les motifs de tel commandement ou de telle interdiction. Que faire alors?

Tout simplement exiger de lui qu’il obéisse parce que tel est son devoir, l’habituer à incliner sa volonté devant celle des parents. Sinon, l’enfant s’habitue à raisonner ou à déraisonner sur tout; il découvre toujours quelques moyens de réfuter les motifs de soumission qu’on lui donne à discuter. Et alors, comme il se rengorge, comme il triomphe, comme il tranche tout du haut de sa supériorité!

Cette suffisance, non seulement le rend insupportable, mais le prépare bien mal aux luttes de la vie.


Il est enfin des parents faibles par principe, le sachant et le voulant. Ils n’ont qu’un désir, qu’une préoccupation: voir leur enfant satisfait. Aussi, lui passent-ils tous ses caprices, cèdent-ils ù toutes ses fantaisies.

Bientôt, après avoir demandé le possible, blasé par la facilité avec laquelle on le lui a accordé, exigera l’impossible, — la lune ou les étoiles, — et sera très malheureux de ne pouvoir les obtenir.

Habitué, dès longtemps, à n’avoir d’autre règle que sa fantaisie, à voir chacun s’y plier, le jeune homme entrera dans la vie comme une personne susceptible et incapable de surmonter la moindre difficulté et de soutenir l’inévitable combat.

Les épreuves, les déceptions aigriront son caractère et le rendront misanthrope et acariâtre...; ou bien, peut-être, profitera-t-il de sa première émancipation pour lâcher bride à toutes ses passions.

Où aurait-il appris l’empire sur soi-même? Mais alors, c’est, à courte échéance, au milieu des emportements d’une existence affolée, la triple ruine de la fortune, du corps et de l'âme! ....


Parents, aimez-vous (réellement) bien vos enfants?


J. C.

La pioche et la truelle N° 40 (1891?)


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