L'APPARITION AUX BERGERS
La nuit d'Orient est sereine.
Auprès des troupeaux endormis
Rêvent les bergers assoupis.
Pas un murmure dans la plaine.
Au lointain, les bruits affaiblis
Du clair torrent, où la brebis,
Au matin, aime qu'on la mène.
Mais quel est ce battement d'aile?
Quel est l’être mystérieux
Qui, dans la profondeur des cieux,
Plane plus haut que l'hirondelle?
Il fend, d'un vol prestigieux,
L’air, et son sillon glorieux
Est brillant comme l’étincelle.
Bel archange au front de lumière,
Blanc séraphin du Dieu d'amour,
Quel heureux message, en ce jour,
Apportez-vous à notre terre?
Votre doux sourire parcourt
Les champs de Bethléem, séjour
Habituel de la prière.
Il est là, chérubin splendide,
Repliant ses ailes de feu.
Les bergers tremblent. Au milieu
De leur épouvante livide,
Paisible est le troupeau du lieu:
Les bêtes n’ont pas peur de Dieu
Parce que leur âme est limpide.
«Je proclame la délivrance
Qui va mettre au large les cœurs.
Rassurez-vous, humbles pasteurs,
Dit l’ange. C’est jour d’espérance.
Christ est né! Terre des douleurs,
Ô martyre, sèche tes pleurs,
Voilà ton salut qui commence.»
En cet instant, le ciel s’embrase,
Les bergers voient s’ouvrir, ravis,
Les portes d’or des saints parvis,
Dans un flamboiement de topaze.
Et les anges du paradis.
Entonnant leurs chœurs inouïs,
Augmentent encor leur extase.
«A Dieu soit la gloire éternelle!
Sur la terre descend la paix.
Ô pécheurs, courbés sous le faix
De votre misère cruelle,
Relevez le front! Désormais,
Satan est vaincu pour jamais.
Christ est né! Le ciel vous appelle!»
S. Vincent.
La pioche et la truelle N° 42 (1891?)
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