MISÈRE!
Dans ce monde, grand désert mort,
Mer houleuse, océan sans port,
Misère!
Domaine de la sombre nuit.
Tout est redoutable, tout nuit,
Misère!
Le bien qui l'habitait jadis
L’a quitté pour le paradis.
Misère!
— Et toi, bonheur, où donc es-tu?
— Au ciel, j’ai suivi la vertu.
Misère!
La haine a chassé l’amitié
Il faut s'égorger sans pitié.
Misère!
Homme, femme, vieillard, enfant,
Chacun contre tous se défend.
Misère!
Pour des riens fatals, imprévus.
Peuples sans s'être jamais vus.
Misère!
Au signal d’un homme puissant.
S'écrasent dans des flots de sang.
Misère!
En haut, jouissance sans fin,
En bas, les pleurs, le froid, la faim.
Misère!
La fortune est au plus adroit
Et la force prime le droit.
Misère!
Pour vivre, il faut se pervertir.
Pour réussir, il faut mentir.
Misère!
Il faut rejeter loin de soi
La vieille loque de la foi,
Misère!
Sur tous les points, dans tous les lieux,
Par l'égoïsme, hydre odieux,
Misère!
Les meurt-de-faim et les repus
Sont également corrompus.
Misère!
La conscience, vil lambeau
Est, comme un chien,
jetée à l'eau.
Misère!
Et sur l’or trouble l’on peut voir
Flotter l’épave du devoir.
Misère!
Vois, terre, à l'horizon lointain
L’aurore d'un nouveau malin,
Espère!
Ton jour de malheur va finir,
Au Christ appartient l'avenir....
Lumière!
B. Ledin.
La pioche et la truelle N° 10 (1891?)
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