Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LA PIOCHE ET LA TRUELLE

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SUJETS DE GLOIRE



Chacun, en ce bas monde, a son sujet de gloire: tels jeunes gens, dans leurs conversations, rivalisent à qui dira la plus vile plaisanterie et mettent leur honneur à se surpasser les uns les autres en grossièreté.

Alexandre le Grand, dans un banquet, défia tous les convives de boire plus que lui, vida d’un seul trait un immense cratère et roula mort sous la table.


«Ceux-là, disait Saint Paul, mettent leur gloire dans ce qui est leur honte.»

(Philip., III. 19).


Ce peintre et ce sculpteur ont un plus noble sujet de gloire; aussi s’imposent-ils plus de peine. Ils étudient les chefs-d’œuvre et la manière de leurs devanciers, ils font mille essais divers de leur talent, ils s’ingénient à faire vivre la nature sur un tableau ou dans le marbre.

Voici un penseur qui veut contribuer à l’éducation spirituelle de l’humanité;

voici un savant à l’affût d’une loi naturelle encore inconnue, ou d’une invention qui centuplera la force de l’homme: sans trêve ni répit, ils consument tous leurs jours dans un labeur opiniâtre, depuis le matin avant l’aube jusque bien avant dans la nuit. Mais, s’ils réussissent quel magnifique sujet de gloire!

Le général met sa gloire à gagner la bataille, et le soldat à enlever un drapeau.


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Tous ceux-là, de différentes façons, CHERCHENT LEUR PROPRE GLOIRE;

LE CHRÉTIEN CHERCHE LA GLOIRE D'UN AUTRE.

Étrange homme! Il voudrait, si c’était possible, vivre caché, sans que son nom fût prononcé par personne, sans qu’on s’aperçût qu’il fût là, et pourtant, avec plus d’ingéniosité que l’artiste, avec plus de ténacité que le savant, avec plus de dévouement que le soldat, TRAVAILLER À LA GLOIRE DE SON MAÎTRE.

Il voudrait:

donner du pain à tous les pauvres,

vêtir tous ceux qui sont nus,

secourir tous les malades,

recueillir tous les orphelins,

appeler tous les pécheurs à la repentance et au salut,

mais faire ce travail gigantesque de telle façon que le monde ne pense qu’à la charité de Jésus, ne voie que les compassions de Jésus et ne dise merci qu’à Jésus.

Il voudrait non seulement être oublié des autres, mais encore et surtout s’oublier soi-même, pour n’aimer, ne satisfaire, NE GLORIFIER QUE JÉSUS. Oui, que Jésus soit glorifié, nous n’avons besoin ni d’une autre joie ni d’une autre couronne!



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Mais c’est encore Jésus lui-même qui a le sujet de gloire le plus beau et le plus étrange: souvent il faut longtemps, même au chrétien, pour bien apprendre où Jésus-Christ met sa seule gloire.

Que moi, faible, impur, je fasse abnégation de ma propre gloire pour travailler à celle du Tout-Puissant, de l’Être souverainement saint et aimable, ce n’est que juste et naturel; le contraire serait bien ridicule et bien coupable.

Mais que ce Puissant, qu’adorent les anges; que ce Dieu, trois fois saint, devant qui les chérubins du ciel inclinent et voilent leurs faces, mette toute sa gloire à faire le bonheur d’un pécheur rebelle, voilà où mon imagination est confondue!

Et pourtant, c’est la vérité, je n’en puis douter.

Jésus a mis sa gloire:

à aimer un ennemi,

à mourir pour un indigne,

à donner son ciel à un ingrat.

Sa charité persévérante a triomphé de mon obstination et me voici pardonné, converti, sauvé!

Mais sa gloire n’est point encore satisfaite.

Ô Jésus, je n’y puis songer sans que mon cœur se gonfle d’amour. Qui m’eut dit que pour mieux me bénir tu serais venu t’établir près de moi, et qu’après m’avoir racheté au prix de ton sang, tu mettrais encore ta gloire à me faire goûter toujours plus et à m’accroître de jour en jour ma félicité!

Tu as vu mon âme si craintive et si défiante, et tu as mis ta gloire à me faire sentir que tu es là, avec ton amour si rassurant.

Tu as reconnu que mon caractère emporté faisait mon malheur et celui des miens, et tu as mis ta gloire à me donner ta propre patience.

Tu mets ta gloire:

à me faire jouir de ta communion,

à me protéger comme un rempart contre les assauts du péché,

à me combler de joie au sein des épreuves,

à rendre efficace mon témoignage pour la conversion des âmes perdues,

à remplir d’amour mon pauvre cœur, autrefois flétri par la haine et par l’égoïsme,

à pourvoir même à tous les besoins de mon corps.

Ô Jésus, si jamais celui qui s’attend à toi manquait de pain, tu te croirais déshonoré!

Dans l’éternité, mon âme, qui avait accumulé sur elle un monceau de souillures avec lesquelles elles devaient être consumée au feu ardent de la colère de Dieu, sera au ciel un monument élevé à la mémoire de Jésus-Christ.

Quand les anges voudront admirer l’abnégation absolue, l’amour; éternel, la puissance sanctifiante, la sagesse infiniment riche en ressources de Jésus mon Sauveur, ils se réuniront autour de moi, ils verront mon bonheur et ma reconnaissance, et ils se mettront de nouveau à chanter leur cantique:


«L’Agneau qui a été immolé est digne de recevoir puissance,

et richesse, et sagesse, et force,

et honneur, et gloire, et louange.»

(Apoc., V., 12.)


Philémon Vincent.

La pioche et la truelle N° 1 (1890)


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