Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LA PIOCHE ET LA TRUELLE

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UN PÉCHÉ COMMUN


Qu’est-ce qui est plus pesant que la massue, plus acéré que la flèche, plus aigu que l'épée? (Prov. 25,18; Prov. 12, 18).

Qu'est-ce qui brûle plus que le feu, qui mord plus que la flamme, qui consume plus que les charbons du genet? (Prov. 26, 21; Ps. 120, 4).

Qu’est-ce qui est plus rétif que la bête sauvage, plus indomptable que le reptile, plus mobile que l'oiseau, plus capricieux que le poisson? (Jacq. 3, 7).

Qu'est-ce qui est plus amer que le fiel? (Ps. 64, 3/4).

Qu’est-ce qui allume plus d'incendies que l'étincelle (Jacq. 3, 5)

Qu’est-ce qui est plus meurtrier que la lance? (Prov. 26, 18).

Qu’est-ce qui est plus venimeux que les crochets de la vipère? (Ps. 140, 3/4; Jac. 3, 8).

Qu'est-ce qui égorge mieux que le rasoir? (Ps 52, 2/4).

Réponse:


LA LANGUE DU MÉDISANT


Médire, c'est, par définition, dire du mal de quelqu’un, c'est tenir sur son compte des propos désavantageux et de nature à nuire à sa réputation.

On ne se rend pas compte de la gravité de ce péché: voilà pourquoi nous y tombons avec tant de facilité; il y en a peu cependant qui aient à leur origine autant de sentiments coupables.


La médisance est le fruit:

De la haine. — Celui qui aime un autre n'en dit pas de mal.

De la lâcheté — on ne dit du mal des gens qu'en leur absence.

De l'envie. — on est jaloux de quelqu’un et on le méprise.

De l'orgueil — on en dit du mal pour le rabaisser.

De l'hypocrisie — vous dites d'un homme que vous êtes son ami et par derrière vous le déchirez.

De la vengeance — Vous avez peut-être été victime de quelqu'un et vous cherchez à assouvir votre rancune en lui faisant perdre la considération dont il jouit.

II Y EN A QUI MÉDISENT PAR LÉGÈRETÉ, sans y prendre garde, simplement en raison de leur nature vicieuse, comme une fontaine donne de l'eau parce que c'est sa fonction.

Comment qualifier de telles habitudes?

Quelle jolie distraction que celle-là!

Voici un ouvrier, une femme, une jeune fille. Ils ont besoin de la considération publique pour gagner leur vie, pour trouver une place, pour se marier peut-être. Par vos insinuations perfides, vous semez la défiance autour d'eux;

vous n'êtes pas toujours sûrs de ce que vous avancez; peu importe, il faut un aliment à votre malignité, la conversation languirait peut-être,

il vous faut une victime; tant pis pour eux, vous les déchirerez à belles dents et vous les lâcherez seulement quand il ne restera plus rien de leur pauvre réputation.

Vous êtes radieux, vous avez déployé beaucoup de verve, tout le monde a été sous le charme de votre esprit et moi JE VOUS DIS QUE VOUS ÊTES UN CRIMINEL:

vous avez pris à cet homme, à cette femme, à cette jeune tille vous lui avez pris plus que son or ou son argent, VOUS L'AVEZ DÉPOUILLÉ DE SON HONNEUR:


Aux yeux de la morale éternelle, vous n’êtes qu'un voleur.


* * *


En tout état de cause. qu'il soit poussé par la haine ou la légèreté, par la jalousie ou par l'orgueil, le médisant est toujours:

Un méchant: ne trouve-t-il pas son plaisir à nuire?

Un bavard: où il y a beaucoup de paroles, il va beaucoup de péchés. (Pr. 10, 19)

Et un paresseux: pourquoi perd-il son temps à mal parler des autres? n'a-t-il donc rien à faire? Renvoyez-le à son travail.

Le médisant est la plus cruelle des bêtes féroces, disait le fameux philosophe Diogène; et Pascal, le grand philosophe chrétien, disait à son tour:


«LE DÉMON EST SUR LA LANGUE DE CELUI QUI MÉDIT

ET DANS L’OREILLE DE CELUI QUI L'ÉCOUTE.»


Le mot «Diable» en grec, signifie médisant, dénigreur, accusateur.


* * *


À qui fais-tu du bien par ta médisance?

Est-ce à celui à qui tu dis du mal d'autrui?

Mon ami, quelle erreur est la tienne!

Comment peux-tu avoir la prétention de faire du bien à celui qui t'écoute?

Mais ne sais-tu pas que les mauvaises compagnies corrompent les bonnes moeurs?

Qu'est-ce qu'il a à gagner en ta présence?

Pense un au grand malheur que ce serait si ton auditeur devenait aussi pervers que toi!


Un honnête homme qui a la gale ne serre pas la main à son ami de peur de la lui communiquer.

Avec ton âme lépreuse et ta bouche envenimée, le mieux pour toi, vois-tu, c'est de t'enfuir au désert ou de t'enfermer à double tour: AU MOINS TU NE CONTAMINERAS PERSONNE.

Tu connais bien la loi fatale: le bien engendre le bien et le mal engendre le mal.

Quel est le fond de ton âme, voyons, avoue-le.

Je te l'ai dit tout à l'heure:

C'est la lâcheté, la haine, l'envie, l'orgueil, l'hypocrisie, la vengeance, la légèreté, la méchanceté, une intempérance effrénée de la langue, la paresse.


Comment veux-tu faire du bien à quelqu'un avec une telle collection de vices?

Tu ne peux donner que ce que tu as.

Crois-moi, mon ami, reste chez toi: tu ne ferais que des victimes!


* * *


Fais-tu du bien à la personne dont tu médis?

Poser la question, c'est la résoudre.

Ce n'est pas du bien que tu lui fais, mais du mal et un mal horrible, et, CIRCONSTANCE AGGRAVANTE, tu le fais de propos délibéré.

Tu n'as donc jamais senti ton coeur se serrer et la fièvre brûler artères dans tes longues nuits d'insomnies — alors que tu avais appris les bruits répandus sur ton compte et que tu te sentais enlacé dans un réseau de paroles malveillantes, de soupçons injurieux, de dédains à peine dissimulés?

C'est peut-être parce que tu as connu ces tortures que tu veux les faire partager aux autres?

Mais sais-tu que ta médisance va atteindre non seulement ton ennemi, mais aussi sa femme, ses parents, ses amis, toute sa famille?

La flèche acérée dont tu veux lui percer le coeur va ricocher sur deux sur trois, sur dix personnes. Est-il juste que l'innocent paie pour le coupable?

Est-ce là le but que tu veux atteindre?


Sers-tu bien avancé lorsque par ta médisance tu auras répandu le deuil autour de toi.


Quelle belle mission que de jeter le trouble dans la société,

de désunir les amitiés les plus douces

et de semer dans tous les coins la défiance, le soupçon, la rancune et le mépris!


Viens avec moi, mon frère, je te montrerai un spectacle qui te désarmera peut-être.

Vois-tu cet homme qu'on est en train de clouer sur une croix?

Approche-toi, il faut que tu entendes au moins une parole de sa bouche. Comme il souffre! ses blessures saignent, la couronne d'épines lui déchire le front: il va expirer, mais son martyre n'apaise pas ses ennemis; ils l'insultent, ils redoublent de rage.


«PÈRE, s'écrie Jésus, PÈRE, PARDONNE-LEURS, ILS NE SAVENT CE QU'ILS FONT.»


As-tu entendu, mon frère?

Il est accablé d'outrages, il meurt sous les huées, il meurt innocent et pourtant il excuse ses bourreaux, il prie pour eux. Le peu de force qui lui restait, il le dépense à intercéder pour ses ennemis.

Si tu es insensible à une telle miséricorde, mon frère, je ne sais pas si quelque chose peut encore vibrer en toi. — Mais si cette magnanimité te touche, va maintenant et fais la même

chose.


* * *


Est-ce à toi que la médisance fait du bien?

Tu te trompes encore. La première victime de ta médisance, c'est toi.

Tu médis auprès d’un homme qui est ton ami aujourd'hui et qui te promet le secret: mais demain il sera ton ennemi et rapportera tout ce que tu as dit.


En médisant, tu ruines ton autorité auprès de celui qui t'écoute.

Veux-tu savoir ce qu'il pense pendant que tu parles: il se dit en lui-même: Méfions-nous, c'est une mauvaise langue! Tu te déshonores à ses yeux.


DE PLUS, N'OUBLIE PAS, TU PERDS TON ÂME.


Ton rôle au sein de l'humanité ne consiste pas à faire du mal à ton semblable, mais à lui faire du bien. Si tu y manques, Dieu te frappera.

Je hais les lèvres perfides, dit l'Éternel, elles me sont en abomination. (Pr. 6, 17: Pr. 12, 22).

Je retrancherai celui qui médit: Je le déracinerai de la terre des vivants, (Ps. 101, 5; 52, 4/6-7).

Ô bouche perverse, Dieu t'arrachera la langue. (Pr. 10, 31).

Les médisants n'hériteront point le Royaume des cieux. (1 Cor. 6, 9-10).


* * *


Un dernier mot.

Ceux qui écoutent les médisances sont aussi coupables que ceux qui les profèrent.

En effet, s'il n'y avait personne pour les écouter, les médisants seraient obligés de se taire.

C’est parce qu'ils trouvent des oreilles complaisantes que les médisants sont si nombreux et les oreilles ne sont si complaisantes que parce que le coeur est aussi mauvais.

L'auditeur est le receleur du médisant, et, en bonne justice, le recéleur est condamné aussi sévèrement que le voleur.

Prends donc garde à toi, ami lecteur.

Fuis le médisant comme la peste, il est ton pire ennemi: tu n'as rien à gagner à sa conversation, au contraire:


À TOI, IL DIT DU MAL DES AUTRES;

AUX AUTRES, IL DIT DU MAL DE TOI.


* * *


Je veillerai à ne pas pécher avec ma bouche, je garderai ma bouche avec un frein. (Ps. 39,1-2)

Que toute médisance soit bannie du milieu de nous. (Eph. 4, 31; Col. 3, 8; 2 Cor. 12, 20; 1Pie. 2, 1)

Vincent.

La pioche et la truelle N° 10 (1891?)


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