Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LA PIOCHE ET LA TRUELLE

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COMBAT ET PRIÈRE

(Exode XVII, 8-13)


Mes Frères,

Parmi tous les périls dans lesquels tomba le peuple de Dieu au désert, et dont il sort il glorieusement, l'un des premiers en date, et des plus grands, fut l'agression des Amalécites. Les circonstances de cette victoire d'Israël sont bien dignes de nos réflexions.

Nous apprenons, en effet, que le combat fut double: dans la plaine et sur la montagne. – Dans la plaine, Josué, avec des guerriers choisis, fait face aux ennemis et lutte par l'épée;

Sur la montagne, voyez un vieillard de plus de 80 ans, les mains levées au ciel dans l'attitude juive de la prière: c'est Moïse, qui soutient avec Dieu, par son ardente supplication, un combat non moins nécessaire, non moins pénible, non moins opiniâtre que celui de Josué.

PAR LE CONCOURS DE CE DOUBLE EFFORT, Amalek fut vaincu, les autres peuples ennemis frappés de terreur, et la route de la terre promise ouverte et libre pour le peuple d'Israël.

Mes frères, voilà la manière, pour tous les enfants de Dieu, de remporter des triomphes. Plaise à Dieu que nous l'employions dans le grand combat que nous avons à soutenir pour l’évangile.


COMBAT PLUS ACHARNÉ que celui d'Israël contre Amalek, car il recommence sans cesse ni trêve tous les jours et à chaque heure; combat plus difficile, car notre ennemi ce n’est point une peuplade barbare et indisciplinée du désert, mais:

Satan lui-même avec ses ruses,

le cœur humain désespérément malin par-dessus toutes choses,

les superstitions d'autrefois,

l'incrédulité d'aujourd'hui

et l’immoralité qui est de tous les temps;

COMBAT PLUS GLORIEUX AUSSI, car il s'agit pour nous, non de la conquête d'un désert, mais du salut du genre humain.

Si nous voulons, dans cette gigantesque bataille pour Jésus-Christ et pour l'évangile, rester dans le rang, faire notre part d'efforts, et remporter notre part d'honneur et de gloire, il nous faut, comme dans la lutte contre les Amalécites, agir vigoureusement de deux côtes: côté des ennemis, côte de Dieu.

Et puisque notre arme de l'un et de l'autre côté, est la parole,

nous parlerons au monde, par la prédication des vérités évangéliques,

et nous parlerons à Dieu par la prière d'intercession.

Nous sommes appelés à ces deux paroles, à ces deux luttes, comme je me propose de vous le montrer avec le secours de Dieu.


I. — Parler aux hommes


Commençons par les hommes.

Il faut, avons-nous dit, parler aux hommes. Mais vous auriez, Mes Frères, bien peu d'expérience de la vie chrétienne, si vous croyiez que pour les éclairer, les arracher au péché, les courber devant la croix du Sauveur, il suffit de quelques paroles banales, sans vie, jetées en passant; car ce n'est pas en combattant mollement qu'Israël put vaincre les Amalécites.


Il faut, Mes Frères, que votre parole soit toute brûlante d'amour, et que votre auditeur sente la ferveur, l'angoisse de la charité.

Si votre parole n'est pas une lutte, et une lutte réelle, elle aura peu d'effet. Les hommes ressemblent à ces pauvres fous qu'il faut d'abord dompter pour pouvoir les guérir.

Et comment pourrions-nous parler avec indifférence, sans amour brûlant, et sans lutte, à nos frères qui périssent, alors qu'ils sont nos frères, les os de nos os et la chair de notre chair?

Je sais qu'il est difficile de regarder les autres comme une partie de soi-même.

Dans notre siècle égoïste, chacun se considère comme un individu isolé, que les souffrances et les hontes des autres ne nous regardent pas. Chacun trace un cercle bien étroit autour de soi, il y enferme tout au plus son père, sa mère, sa femme et ses enfants, et se dit: «Voilà le domaine de mes affections, voilà jusqu'où peut s'étendre pour moi le bonheur ou le malheur, l'honneur ou l'ignominie; qui touche à ceux-ci me touche,»

Et quand on lui parle des maux, ou des joies de ceux que son égoïsme a exclus de son petit cercle, il répond, comme Caïn:


«Suis-je le gardien de mon frère?»


Eh! oui, insensé, tu es son gardien, puisqu'il est une partie de toi même!

Mais laissons là. Mes Frères, les principes de ce monde mauvais, nous sommes ici non pour les accueillir, mais pour les repousser et détruire.

Pour nous, chrétiens, nous savons par la Parole de Dieu, et le monde peut bien aussi savoir par la science, que tous les hommes sont livrés les uns des autres, que nous sommes tous descendus du même père humain, comme du même père divin, et que c'est un même sang qui coule dans nos veines à tous.

Tous ces hommes qui vivent dans les ténèbres, dans l'iniquité, et SE PRÉCIPITENT VERS LA PERDITION, sont nos frères et une partie de nous-mêmes:

ce malheureux accablé de durs travaux et dont le coeur ne connaît jamais ni la consolation ni la céleste espérance, c'est notre frère;

cet impur qui va dégrader et détruire dans la débauche son corps et son âme créés par Dieu pour le ciel, c’est notre frère:

cet homme et cette femme, ruinés par leurs folies, abêtis par leurs vices, rejetés et repoussés de ceux mêmes qui ont excité ou entretenu leurs passions, et moins considérés aujourd'hui que la boue du ruisseau, c'est notre frère, c’est notre soeur; c'est l'os de nos os et la chair de notre chair.


DANS LEUR DÉGRADATION, IL LEUR RESTE ENCORE,

COMME À NOUS,

UN COEUR POUR SOUFFRIR, ET UNE ÂME À SAUVER.


Et si le péché, l'égoïsme, ne nous avait envahis, corrompus, et pervertis jusqu'aux moelles, nous les aimerions comme nous-mêmes, nous ressentirions leurs maux comme les nôtres, nous pleurerions sur leur perdition comme sur la nôtre, nous sentirions la même soif de lumières et de consolations brûler leurs coeurs comme les nôtres: les soulager serait nous soulager: les évangéliser serait nous évangéliser, et les sauver nous sauver.

Ceci vous paraît-il étrange? Eh! bien, considérez Jésus-Christ l'homme idéal.

Voyez-le au milieu des hommes, étendant son être, par la charité, pour aller vivre de la vie de tous, sentir leurs maux, pleurer de leurs douleurs, gémir de leurs péchés.

«Il a pris nos douleurs, dit S. Matthieu, et il s'est chargé de nos maladies

Il embrasse et réunit dans sa vie et dans son coeur, la vie, les tristesses, les joies, les espérances, les craintes, les péchés de tous les hommes.

Nous sommes parfois étonnés des paroles qu'il prononcera au jour du jugement: «J'ai eu faim et vous m'avez donné à manger; j'ai eu soif et vous m'avez donné à boire», mais notre étonnement ne prouve que notre égoïsme invétéré: car si nous avions la charité véritable, bien loin de nous étonner de ces paroles, nous les prononcerions nous-mêmes.

Ressentant les maux de ceux que nous aimerions comme nous-mêmes, nous ne pourrions être soulagés que de leur soulagement; et nous nous hâterions de les soulager pour être nous-mêmes soulagés.


Vous le voyez. Mes Frères, notre nature véritable nous fait voir dans notre prochain une partie de nous-mêmes, et notre conscience s'accorde sur ce point avec l'Écriture.

«Dieu, dit Saint Paul aux Athéniens, a fait d'un seul sang toutes les races des hommes.» (Act. 17, 26)

Voilà pourquoi notre parole doit être un cri d'alarme, et un appel pressant;

Voilà pourquoi nous devons faire passer dans nos exhortations aux pécheurs toute la flamme de notre coeur;

Voilà pourquoi notre prédication doit être une lutte et un combat de charité.

Mais douteriez-vous encore, Mes frères, que les pécheurs qui vous entourent sont une partie de vous-mêmes?

Eh! bien, sachez que Dieu n'en doute pas, et que même il en est tellement convaincu, qu'ii a lié en grande partie votre propre salut à leur salut.

Voici. Mes Frères, la grande déception des égoïstes et des paresseux! c'est que leur salut est intimement lié au salut de ceux qu'ils refusent ou dédaignent d'évangéliser.

Quelqu'un parmi vous, Mes Frères, pourrait-il croire que Dieu reçoive jamais dans son ciel les égoïstes qui auront laissé périr leurs semblables sans essayer de les sauver? — Mais dans une question si capitale j'aime mieux me borner à vous citer la Parole de Dieu:

«Fils de l'homme, s'écrie le prophète Ezéchiel, au nom même de Dieu, je t'ai établi comme sentinelle sur la maison d'Israël! écoute donc la parole de ma bouche, et porte-la-leur de ma part.

Lorsque je dis au méchant:

«Méchant, tu mourras certainement.» si tu ne parles pas pour détourner le méchant de sa voie, ce méchant mourra à cause de son iniquité, MAIS JE TE REDEMANDERAI SON SANG.»

Vous l'entendez. chrétiens, si vous n'avertissez pas le monde, si vous ne jetez pas dans le monde le cri d’alarme de la sentinelle, le monde périra dans son iniquité, mais:


DIEU VOUS DEMANDERA COMPTE DE SON ÉTERNELLE PERDITION.


Et pourquoi donc, je vous le demande, ne proclameriez-vous pas l'évangile de toute votre énergie?

Pourquoi laisseriez-vous vos frères se perdre?

Est-ce par honte? — Ah! dans ce cas, vous serez perdus avec eux, car Jésus a déclaré que si nous avons honte de lui devant le monde, il aura honte de nous devant son Père et devant ses anges.

Ou bien, est-ce par indifférence pour Jésus-Christ que vous laissez perdre vos frères?

Mais ici encore, vous voilà perdus avec eux, car l’Évangile dit:

«Si quelqu'un n'aime pas le Seigneur Jésus, qu'il soit anathème.»

Ou bien encore, est-ce par indifférence pour vos frères que vous les laissez perdre?

Mais ici encore, vous êtes perdus et rejetés de Dieu avec eux, car il dit:

«Celui qui n'aime pas son livre demeure dans la mort.»

Vous voyez, si vous ne cherchez à sauver les autres, vous n'échapperez pas vous-mêmes.

(À suivre.)

P. Vincent.

La pioche et la truelle N° 9 (1891?)


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