Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LA PIOCHE ET LA TRUELLE

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LE PARDON DES OFFENSES


C’était en Amérique, dans les montagnes Rocheuses, un chrétien chevauchait paisiblement le long d’un profond ravin.

«Halte-là!» lui crie-t-on tout à coup et, avant qu’il ait le temps de faire un autre pas, un coup de feu retentit, une balle lui fracasse le bras et le renverse de sa monture: mais, au même instant, et à vingt pas de là, le bandit assassin glissant sur une roche humide roulait au fond d’un gouffre!

«Très bien, dira-t-on, devant un tel dénouement, il voulait tuer, il fut tué, ce n’est que juste.»

Écoutez plutôt. Le misérable n’était pas mort.

Quand il revint à lui le chrétien lui lavait son visage ensanglanté et son corps tout couvert de blessures, affreusement déchiré dans sa chute par les rochers.

Oh! mais c'est de la folie, dira l’homme du monde devant une telle action. Quoi! ramener à la vie celui qui aurait essayé de me prendre la mienne! Jamais! oh non, jamais. Pour un coup, j’en rends dix. Malheur à celui qui me touche.


Mais tel n’est pas le langage du chrétien: «Si mon ennemi a faim, dit-il, je lui donne à manger; s’il a soif, je lui donne à boire; lorsqu’il est en danger, je le secours: le mal qu'il me fait, je le lui pardonne avant même qu'il l’ait conçu dans sa pensée.»

Mes amis, de ces deux hommes quel est donc le plus noble?

Lequel de ces deux hommes montre le plus de force et le plus de courage?

N’est-ce pas celui qui maîtrise ses nerfs, son cœur, sa volonté et qui, la joue brillante encore du soufflet qu’il a reçu, dit à son âme: «TU PARDONNERAS!»

N'est-ce pas celui qui, refoulant sa douleur, son désir naturel de vengeance vole au secours de son ennemi en péril et le soigne comme un frère?

Il possède en lui une puissance surnaturelle qui le rend maître de tout: maux et difficultés, et lui permet de rester calme dans les tempêtes de la vie.


Pardonne, dit Jésus, comme tu as été pardonné!

C'est un ordre! Chers amis, ne nous arrive-t-il pas encore de nous fâcher pour un mot pins ou moins blessant, pour une injure, pour une injustice qu’on nous a faite?

N’allons-nous pas jusqu’à rendre injure pour injure, jusqu’à désirer la malédiction du ciel sur ceux qui ne veulent pas penser comme nous, agir comme nous ou qui nous persécutent?

Voyez plutôt le jeune converti!

Lorsque l’Esprit l’a touché ne s'écrie-t-il pas:

«Je pardonne, je pardonne à tous ceux qui m'ont fait quelque mal. Je pardonne tout, tout — je ne veux plus de haine dans mon coeur! plus de rancune!

C’est Dieu seul que je veux en moi — c’est d’amour seul que je veux vivre!»

Et il va de suite se réconcilier avec ses ennemis.

AVONS-NOUS ENCORE CE PREMIER ESPRIT, CE PREMIER AMOUR?

Ah! si nous sommes retournés en arrière, si nous avons reculé, si nous avons fléchi devant les offenses, écoutons ce que Jésus nous dit encore:


«Si vous pardonnez aux hommes leurs offenses,

votre Père céleste vous pardonnera aussi;

MAIS

si vous ne pardonnez pas aux hommes leurs offenses,

votre Père ne vous pardonnera pas non plus les vôtres


Le Pardon est dur, mais obligatoire.

Soyons attentifs et bien attentifs à cet avertissement. Au jour du jugement, qui dira le nombre de chrétiens qui se trouveront rejetés et maudits, pour n’avoir pas pardonné aux hommes leurs offenses, afin d’être pardonnés de l’Éternel, juste Juge et trois fois Saint.

«Refuser de sacrifier A Dieu ses ressentiments, c'est fermer sur nous la porte des miséricordes, ce serait frapper à une porte que l’on aurait soi-même fermée à clef et dont on attrait la clef dans sa poche.»

Prenons garde de conserver dans notre cœur ces ressentiments qui éloignent Dieu et son Esprit.

PARDONNER EST DONC UN ORDRE, mais tout ordre de Dieu suivi, obéi, amène sa bénédiction. Aussi pardonner est une faveur.


L’homme du monde ne sait pas ce que c'est que pardonner et c’est pour cela qu’il n’est jamais heureux, 100 millions d’enfants de Dieu nous le diront: c'est le pardon des offenses qui procure aux chrétiens le plus doux des plaisirs.

PLUS IL PARDONNE, PLUS IL AIME; PLUS IL AIME, PLUS IL EST HEUREUX.

Celui-là seul est heureux dont le cœur est fermé à la vengeance, au mépris, à l’animosité, à la haine et qui ne possède que de la compassion, de la pitié, de la tendresse, de l’amour.

Saint Paul disait aux Corinthiens: Vous devriez bien plutôt pardonner au coupable et le consoler, je vous exhorte donc à faire acte de charité envers lui; et aux Romains: «Bénissez ceux qui vous persécutent et vous outragent;» et Jésus:

«Aimez vos ennemis! Vous serez heureux quand à cause de moi on vous dira des injures, ou vous persécutera. Réjouissez-vous, dis-je, et soyez dans l’allégresse, parce que votre récompense sera grande dans les cieux.»

Mais «malheur à celui qui ne sait pardonner, l’Éternel ne lui pardonnera pas non plus ses fautes et il sera jeté au lieu où il y a des pleurs et des grincements de dents.»

Le pardon doit devenir naturel au chrétien, ce doit être pour lui une chose acquise que toute offense qui lui est faite est pardonnée d’avance.

Un esprit nouveau habite en lui, c’est l’esprit de Dieu, son vieil homme plein de haine doit avoir été complètement anéanti, et ce chrétien n’en a que le nom qui garde quelque animosité contre qui que ce soit.

Oeil pour oeil, dent pour dent, dit l’inconverti.

PARDONNE, dit Jésus.

Combien? Une fois? 2 fois?

70 fois 7 fois, répondit-il — PARDONNE TOUJOURS. — Fais plus, surmonte le mal par le bien.

Si tu dis: Je lui pardonne, mais je ne veux plus le voir! — je lui pardonne, mais qu’il ne recommence plus, qu’il ne vienne pas me demander de lui rendre un service, etc. — Est-ce cela pardonner?

Le pardon doit être cordial,

Le pardon doit être sans réserve,

Le pardon doit être sincère,

Le pardon doit être persévérant.

Quand Henri IV entra dans Paris, il fit afficher une déclaration par laquelle il pardonnait à tous ceux qui avaient tenté de lui nuire. Il disait:

«Je reconnais que toutes mes victoires viennent de Dieu qui étend sur moi beaucoup de sortes de miséricorde, encore que j’en sois tout à fait indigne. Et comme il me pardonne, aussi veux-je pardonner, en oubliant les fautes de mon peuple et être encore plus clément et miséricordieux envers lui que je ne l’ai été.»

Proclamation digne d’un roi — que sera celle des enfants du Très-Haut! — Le Pardon fut la Loi du Sauveur — ce doit être la nôtre.

Celui-là seul verra Dieu, nous dit l’Écriture, qui a le cœur pur. — Sachons le bien! et rien ne tache un cœur comme la haine....


Nous sommes quelques années après la mort du Sauveur. Jérusalem est en émoi. Pourquoi ces cris, ces attroupements! En voilà qui gesticulent en vociférant et d’autres qui poussent devant eux, eu lui crachant an visage, un jeune homme aux traits impassibles.

Qu'a-t-il fait?

Il a commis un meurtre sans doute et la foule indignée veut lui faire expier son crime à l’instant?

Non, c'est un Juif qui dit croire en Jésus de Nazareth — et c'est tout.... mais c’est assez. — On l'entoure, on l'entraîne hors des murs de la ville de David — on va le lapider. Voyez, on lui arrache ses vêtements et on s’éloigne de quelques pas pour mieux frapper!

Oh! que se passe-t-il dans l’âme du jeune martyr? Va-t-il appeler le feu du ciel sur ses ennemis:

Non, car il sourit!

Ecoutez, on l’insulte une dernière fois et les hommes pâles de fureur ramassent leurs pierres dans leurs robes.

Il sourit toujours et semble être indifférent aux préparatifs de ses bourreaux.

Renie, lui crie-t-on!

Il n'entend pas — et les pierres tombent, tombent et son sang coule!

Oh! regardez-le! il sourit toujours, et ses yeux et son visage brillent d’un éclat inconnu.

Son corps n'est bientôt plus qu’une plaie, — son front est maintenant ouvert et des flots de sang coulent par la blessure béante, —, mais il sourit toujours. — Puis levant ce front meurtri vers le ciel, l’entendez-vous? «Père, pardonne-leur!» dit-il à Dieu — et il roule à terre en expirant.


Chrétiens, mes frères, nous admirons cet amour divin et nous admirons et nous certifions que mourir pour notre Sauveur serait pour nous un plaisir. — nous jurons même que nous pardonnerions avec joie à nos bourreaux !

D'où vient donc que nous ne savons pas pardonner un mot blessant, un léger manquement, une légère offense?

Nous sommes prêts à mourir pour notre foi, mais nous ne sommes pas prêts à faire le plus petit sacrifice à notre amour-propre.

Oh! veillons, prions, pardonnons!

Et, au commencement de cette année, je souhaite que chacun de nous puisse dire devant Dieu, de tout son cœur et de toute son âme et jour après jour:


«Père, pardonne-nous nos offenses

COMME,

nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés.»


Carus.

La pioche et la truelle N° 20 (1894)


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