Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LA PIOCHE ET LA TRUELLE

----------

LA JOIE CHRÉTIENNE


Que de gens se figurent que la religion rend triste! Pour eux, gaieté et piété s’excluent réciproquement.

Un homme pieux est un homme grave, austère, juste et bon; mais gai, souriant, jovial, pour le sûr, non!

Son aspect est plutôt sombre et mélancolique; il a le genre sentencieux, l'abord froid, le caractère très réservé: les qualités de l’homme sociable lui font défaut.

Voilà le jugement que dans le monde on porte sur la religion et sur les chrétiens. Je n’en veux pour preuve que cette annonce, relevée à la 4e page d'un journal:


«On demande, pour faire l’éducation de jeunes enfants, une demoiselle pieuse, MAIS AIMABLE.»

Pieuse, mais aimable! Ces deux choses sont-elles vraiment opposées l'une à l'autre!

Mais alors, c’est la condamnation sans appel de la religion de certains chrétiens!

DISONS PLUTÔT que c'est la condamnation sans appel de LA RELIGION DE CERTAINS CHRÉTIENS.


Oui, il y a des chrétiens moroses, à l’esprit inquiet, sur les lèvres desquels passe rarement un sourire, toujours prêts à lancer une sentence ou une condamnation, qui confondent le sérieux avec la raideur, et l'austérité de la vie avec une certaine sécheresse d'âme; DES CHRÉTIENS TRISTES ET PEU AIMABLES, en un mot, qui font détester plutôt qu'aimer la religion et repoussent les âmes plus qu'ils ne les attirent.

Mais, à qui la faute, je vous le demande, s'il y a de tels chrétiens dans le monde

À la religion de l'Évangile? Non, certes. Elle n'est pas plus responsable des fausses interprétations auxquelles elle donne lieu que des violences et des crimes accomplis en son nom.


Malgré tout, elle reste la religion de la joie comme la religion de la charité.

Rappelez-vous la parole de l’ange aux bergers de Bethléem:

«Je vous annonce une grande joie.»


Voilà la caractéristique du christianisme:

IL EST UNE JOIE PARCE QU'IL EST LA BONNE NOUVELLE

DE LA DÉLIVRANCE ET DU SALUT.


Cela est si vrai que dans son discours sur la montagne Jésus exhorte ses disciples à se réjouir même dans les persécutions, en attendant la grande récompense du ciel. Et avant de mourir, dans un des derniers entretiens avec ses disciples, il marque le caractère de son enseignement et le but de son oeuvre par ces paroles:

«Je vous ai dit ces choses afin que vous ayez la joie.»

Après Jésus, c’est Saint Paul qui, s'adressant aux chrétiens, leur dit:

«Réjouissez-vous, toujours en notre Seigneur. Je vous le dis encore: Réjouissez-vous», ou bien: «Soyez toujours joyeux.»


Il va sans dire que la joie dont il est ici question n’est pas cette joie bruyante et cette gaieté folle qu’éprouvent parfois les gens du monde et qui recouvre le vide ou l’amertume de l'âme et est suivie d'amers regrets ou de sombres désespoirs.

Quels tristes lendemains ont certains jours de fêle!

La joie chrétienne au contraire est une joie intérieure faite de douceur, de calme, de sérénité. Aussi la Bible l’appelle-t-elle souvent la paix.

C’est qu’en effet, la conscience, l'esprit et le coeur éprouvent un grand apaisement. L’âme ressemble à une nacelle qui sort d’une effroyable tempête; aux vents, à la foudre, à la nuit et aux mortelles angoisses a succédé la douce brise qui ride à peine la surface des eaux, le ciel pur et serein.

La perspective d'une heureuse traversée: que dis-je, les douces certitudes du salut.

Cette joie pure et profonde est le fruit naturel de la piété vraie; comment n’en serait-il pas ainsi puisque l'Évangile satisfait à tous les besoins de l'homme: besoin de pardon, d’amour, d’espérance, de vie, et lui permet d’accomplir ses glorieuses destinées!


Ce qui cause nos tourments, c’est le désordre qui règne dans le monde, dans nos esprits et dans nos coeurs: c’est le désaccord qui existe entre nos désirs, nos aspirations, nos véritables intérêts et la réalité. Que l’ordre soit rétabli, et aussitôt la tristesse fera place à la joie, le trouble et l’angoisse à la sécurité et à la paix.

Il fut un jour dans l’histoire de l’humanité où l’harmonie et la paix régnèrent sur la terre. L’homme venait de sortir des mains de Dieu innocent et pur.

Son âme vierge s’ouvrait à Lui comme la fleur s’ouvre au matin aux rayons du soleil. Rien ne troublait celle intime communion du coeur de l’homme et du coeur de Dieu, du père et du fils. Aussi la joie était-elle dans le paradis terrestre. On pouvait la lire, sans doute, dans le regard clair et brillant d’Adam et d’Ève, sur leur front sans ride, dans leurs chants d’adoration et d'amour.

Mais ce bienheureux état ne fut pas de longue durée.

Un jour on vit l'homme inquiet et troublé se cacher parmi les arbres du jardin, fuir le regard de Dieu, et trembler devant sa juste colère:


Le péché venait de rompre cette douce intimité

et jeter le désordre dans les rapports du Créateur avec sa créature.


Voilà la cause de tous les crimes, de toutes les guerres, de toutes les larmes, de toutes les douleurs. L’homme séparé de Dieu est comme une fleur sans rosée, sans soleil qui, avant de mourir, penche tristement sa corolle vers la terre: il meurt d’ennui.


EH BIEN! JÉSUS EST VENU RÉTABLIR L'ORDRE TROUBLÉ PAR LE PÉCHÉ

EN EXPIANT ET EN DÉTRUISANT CELUI-CI.


Il est venu replacer l’âme humaine dans sa relation normale avec Dieu. Désormais l’harmonie règne entre la volonté divine et LA VOLONTÉ DE L’HOMME RACHETÉ et l’amour du Père céleste éveille un puissant écho dans l'âme de son enfant. Et alors, de cette âme inondée de lumière s’élève un cri de joie, un chant de reconnaissance et d'adoration.

Le christianisme c’est la joie! Et on peut poser en principe que PLUS UN HOMME EST CHRÉTIEN PLUS IL EST HEUREUX. Et cela, malgré les travaux, les luttes et les épreuves de la vie; en dépit même des injustices, des persécutions et de la haine des hommes.

Souvenez-vous de Saint Paul secouant ses chaînes dans le prétoire, et disant à ses juges:

«Je voudrais que vous fussiez semblables à moi, à l’exception de ses liens», ou bien dans la prison en compagnie de Silas au milieu de la nuit, quand il faisait monter vers le ciel des chants de louange.

Rappelez-vous ces martyrs de la foi affrontant les plus affreux supplices le sourire aux lèvres, et exhalant leur dernier souffle dans un cantique ou une prière, le regard fixé sur les glorieuses perspectives du monde invisible.

Telle fut, par exemple, la mort de Jeanne d’Arc, notre grande héroïne nationale, cette inspirée de Dieu qui sauva la patrie française et que la France ne sut pas sauver à son tour.

Abandonnée de tous, soumise aux plus dures épreuves morales et enfin brûlée vive, elle meurt en paix en prononçant le nom de Jésus.

Que de chrétiens aussi au sein de la maladie et de la souffrance présentent le spectacle étrange d’âmes paisibles, sereines, joyeuses!

Au milieu du murmure, c’est la louange qu’ils font entendre; et au lieu de la tristesse, c’est la paix qui s’exprime sur leurs traits amaigris et donne à leur visage une expression céleste.


Qu'on ne dise plus que la piété rend triste.

Au contraire elle rend joyeux et d’autant plus joyeux que cette piété est plus profonde et nous fait pénétrer plus avant dans la communion divine.

Le grand Pascal exprimait son bonheur d'être chrétien par ces mots significatifs: «Joie, joie, pleurs de joie!»

«Docteur Martin, vous êtes un homme heureux.» disait un jour le Grand Électeur de Saxe Frédéric, à Luther.

«Altesse, répartit celui-ci, AIMEZ JÉSUS ET VOUS AUSSI VOUS SEREZ HEUREUX, TOUJOURS HEUREUX.»

Ami lecteur, méditez cette réponse.

O. Foulquier.

La pioche et la truelle N° 21 (1894)


Table des matières