Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LA PIOCHE ET LA TRUELLE

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HENRI HEINE SUR SON LIT DE MORT


Henri Heine, l'un des écrivains les plus distingués dont l’Allemagne puisse se vanter, mais aussi hélas! l’un des plus frivoles et des plus cyniques, naquit à Dusseldorf, en 1797, d’une famille israélite; en 1825, il abjura la religion juive pour le Protestantisme, mais ce changement n’exerça aucune influence morale ou spirituelle sur les dispositions du jeune et brillant auteur, qui continua plus que jamais à répandre l’ironie et le mépris sur les choses saintes en les persiflant toutes, et en faisant montre d’athéisme.

Mais ce que le baptême des hommes n'avait pu faire, la maladie et le malheur l’accomplirent en domptant ce cœur orgueilleux et incrédule. Voici, du reste, ce qu’un de ses amis écrivait dans l’automne de I849, et sur quoi beaucoup d’admirateurs et de disciples de Henri Heine devraient méditer.

J'ai, dit son ami, trouvé Heine à Paris, mais dans quel état! Il était couché sur un matelas étendu par terre au fond d’une chambre étroite mais propre. Le pauvre homme était presque entièrement aveugle et son corps était en proie aux douleurs les plus aiguës. Ses bras amaigris étaient étendues immobiles, il était atteint d’une incurable maladie de l’épine dorsale; son dos, brûlé de place en place par les médecins, n’était qu’une plaie. Il offrait l’image frappante de la souffrance, et pourtant son noble et beau visage avait je ne sais quelle expression de paix et de soumission.

Il me parla de ses souffrances, comme si elles eussent été celles d’un autre. Pendant longtemps, je ne pus m’expliquer tant de paix et de résignation au milieu d’une telle épreuve, et surtout de la part de celui qui s’était montré athée de profession. Il ne tarda pas à m’en donner l’explication.

Le sourire sur les lèvres, il m’entretint quelque temps encore des douleurs horribles qu’il éprouvait et après avoir ajouté qu’il savait fort bien qu’il ne se rétablirait plus, il poursuivit de cette voix ferme et forte qui lui était restée, malgré son extrême faiblesse:

«Mon ami, croyez-moi, c’est Henri Heine qui vous le dit, après y avoir réfléchi pendant des années, et après avoir examiné et sondé mûrement ce qui a été dit et écrit à ce sujet par toutes les nations:

Croyez-le, J’EN SUIS ARRIVÉ À LA CONCLUSION QU’IL Y A UN DIEU QUI JUGE NOS ACTIONS; que notre âme est immortelle, et qu'après cette vie, il y en a une autre où le bien sera récompensé j et le mal puni.


Oui, voilà ce que vous déclare Henri Heine qui a si souvent renié le Saint-Esprit. Si jamais vous avez douté de ces grandes vérités, rejetez loin de vous ces doutes, et apprenez par mon exemple que la foi pure et simple dans la miséricorde du Seigneur peut seule faire supporter sans plainte ni murmure les souffrances les plus atroces. Sans cette foi, convaincu comme je le suis que mon état de santé est désespéré, j’aurai depuis longtemps mis fin à mes jours».

Profondément touché en entendant ces paroles, poursuit l’ami, je saisis avec une grande émotion sa main paralysée, puis il ajouta:

«Il y a des insensés qui après avoir passé leur vie dans l’incrédulité et dans l’erreur, et après avoir renié Dieu par leurs paroles et leurs actions, n’ont pas le courage d’avouer qu’ils s’étaient entièrement trompés.

Quant à moi, j’éprouve le besoin de déclarer que c’est une erreur maudite qui m'a longtemps aveuglé. Maintenant seulement, je vois clair, et celui qui me voit et me connaît doit avouer que si je prononce ces paroles, ce n’est pas que mes facultés intellectuelles soient affaiblies; car jamais mon esprit n’a été plus lucide ni sa force plus grande qu’en ce moment.»

La pioche et la truelle N° 23 (1894)


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