NOS ENNEMIS.
On demandait une fois à un homme âgé pourquoi il lui arrivait si souvent de se plaindre le soir de la fatigue.
«Hélas! répondit-il, j’ai tant à faire tout le jour et tous les jours!
– J'ai deux faucons à apprivoiser,
– deux lièvres à empêcher de m’échapper,
– deux éperviers à surveiller,
– un serpent à enfermer,
– un lion à enchaîner
– et avec tout cela, un malade à soigner.
Vous plaisantez, dit l'ami qui l’interrogeait. Personne ne peut avoir à faire tant de choses à la fois.
«Je ne plaisante pas en vérité, reprit le vieillard. Ce que je vous ai dit est la triste mais pure vérité.
– Les deux faucons, ce sont mes deux yeux que je dois surveiller de près;
– les deux lièvres, ce sont mes deux pieds auxquels je ne dois pas permettre de marcher dans les voies du péché;
– les deux éperviers ce sont mes deux mains auxquelles je dois enseigner le travail afin qu'elles puissent pourvoir à mes besoins et à ceux de mes frères indigents;
– le serpent, c'est ma langue que je dois sans cesse retenir;
– le lion, c’est mon cœur que je dois combattre continuellement pour le dompter,
– et le malade... c’est mon corps qui demande des soins continuels.
Voilà ce qui chaque jour absorbe et épuise mes forces.»
A.-T. Pierson.
La pioche et la truelle N° 25 (1894)
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