Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LA PIOCHE ET LA TRUELLE

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UN RÊVE

MOURIR SANS DIEU... C’EST QUELQUE CHOSE DE TERRIBLE!


J'étais sur mon lit de mort. Les ardeurs de la fièvre enflammaient mon cerveau et des frissons glacés parcouraient mon corps. Quelques membres de ma famille, rassemblés autour de mon lit, me contemplaient avec des visages consternés: à leur expression, on voyait qu'ils me considéraient comme perdu.

Incapable de me remuer, je me trouvais en revanche dans une excitation d’esprit telle que je n'en avais jamais éprouvé. La fosse, ouverte devant moi, se présentait avec toutes ses horreurs, et pourtant j'essayais de philosopher.

Au delà des croisées de ma chambre, je pouvais voir le bâtiment du Casino. C’était six heures du soir, juste l'heure habituelle où je m'y rendais pour aller CHERCHER DES DISTRACTIONS DANS LE JEU ET LA BOISSON; je voyais s'agiter, au souffle de la brise, les rideaux derrière lesquels mes camarades et mes amis sans doute buvaient en chantant, tandis que moi, je marchais tristement au-devant de la mort...


Mourir! C’est quelque chose de terrible!

Penser que demain on te portera au cimetière!

Que demain tu seras jeté dans une fosse;

Que le bruit des pelletées de terre retentira sur ton cercueil;

et que, tandis que tes amis, venus à ton convoi, se retireront, tu demeureras seul, couché entre quatre planches, au milieu des tombes du cimetière!...

Une pensée consolante traversa tout à coup mon esprit: savoir que le corps seul devait être détruit et que, par la mort, toute souffrance physique avait disparu.

Et l'âme? Ah! il n’y en a pas! Que de fois les plus érudits parmi mes amis ne l'ont-ils pas affirmé; et moi, le libre-penseur, je pourrais craindre?

C'est cependant chose bien différente que de discuter sur ces choses pendant qu'on est bien portant ou d'éprouver la vérité de son assertion quand la mort frappe à notre porte. Aussi, fus-je bientôt assailli d’une quantité de doutes, relativement à la vie morale considérée seulement comme une activité nerveuse et s'éteignant avec la destruction du corps. Bien! mais si c’était une erreur, si dans l’enveloppe mortelle se trouvait un germe indestructible de vie ayant tout à craindre ou à espérer de l’avenir éternel!

À mon grand effroi, je m'aperçus que toutes sortes de bonnes raisons, auxquelles je n’avais pas pensé lorsque j'étais en santé, se présentaient pour affirmer cette dernière hypothèse.

La vie me parut sous son vrai jour: une lumière subite éclaira mes ténèbres et une voix menaçante me criait:


«OUI, TU AS UNE ÂME, UNE ÂME IMMORTELLE;

il y a donc aussi un monde au delà et... un juge...»


À l'exception des premières années de mon enfance, je n'avais jamais pensé sérieusement à Dieu:

on aurait eu honte de parler de Lui dans mon entourage;

on évitait toute conversation qui pût avoir un parfum de «mômerie».

J’étais loin cependant de me poser en matérialiste ou en incrédule: JE LAISSAIS ALLER LES CHOSES SANS TROP M'EN INQUIÉTER.


Mais, en présence de la mort, tout m’apparut sous un nouveau jour.

L’ordre établi dans la nature s’offrit sous une clarté effrayante.

De déductions en déductions, j’en arrivai à comprendre qu'il y a un Créateur, dont la voix s’est fait entendre au sein du chaos.

«OUI, OUI, murmurait mon âme. IL Y A UN DIEU! Mais, est-ce le Dieu de la Bible? Et la Bible, contient-elle la vérité absolue?»

«Bêtise! disait une voix perfide; avec toutes ses contradictions et ses erreurs, comment serait-elle la vérité?»

«Pourtant... pourquoi tel et tel y auraient-ils trouvé la paix et le salut? Pourquoi tant de bénédictions apportées par le Saint Livre? Comment, en dépit de tant d’opposition et de mépris, la Bible est-elle encore efficace et vivante? Aurais-tu donc dépensé inutilement ta vie jusqu’aux portes du tombeau?»


Les douleurs de mon cerveau devenaient de plus en plus violentes; tout
 mon être frémissait; une voix me disait: «CRIE AU SEIGNEUR!»

Mais je ne le fis pas. L’obscurité m’enveloppa. Un des miens dit alors:

«C'est une crise qui va passer».

Les insensés! mes souffrances les plus vives commençaient seulement! Je distinguais une main étendue vers moi: c'était celle de mon père; mais je la repoussai en disant: «Il délire!»


Une douleur aiguë, terrible, parcourut tout mon être. J’étais mort!!

Que m’arriva-t-il alors? Je me sentis! tout à coup libre; et pourtant lié: je me croyais vivant et j’étais mort... là! là reposait mon cadavre... Quelle triste! dépouille!

Mes parents s’éloignaient les uns après les autres.

Semblable à la chrysalide d’un papillon ou comme un vêtement usé et mis de côté, ce qui avait été mon corps gisait là sans vie.

Une sorte de tristesse profonde me retenait sur le seuil de ma patrie terrestre.

J’entendis alors des sanglots: c’était mon brave Jacob, mon domestique, qui se jetait en pleurant sur ma dépouille; il ferma ma paupière.

«Jacob! Jacob!» essayai-je de crier, mais inutilement. Une force invincible m'entraîna, et, pour la dernière fois, j'avais contemplé la terre des vivants... Je descendis dans les profondeurs, je me trouvai enveloppé d’une obscurité en face de laquelle celle du monde présent paraîtrait une lumière éclatante.

Autour de moi, sur moi, à côté de moi, des milliers de morts descendaient aussi. Quels êtres! Quelles figures! et, parmi elles, la mienne m’apparut avec horreur.

LES PÉCHÉS DE MON ÂME Y ÉTAIENT EMPREINTS ET VISIBLES POUR TOUS.

Mon amour de l’argent y était écrit et me semblait absurde; car, dans l'abîme, pas question d’argent.

Mon orgueil, mon goût dépravé pour les boissons, pour le jeu, pour les plaisirs de toutes sortes, tout cela était distinctement exprimé sur mes traits. Oh! je le voyais maintenant, j’étais perdu, j’étais damné!

L'entends-tu, ô homme! damné éternellement! Je ne savais plus qu’une chose: j'étais perdu pour toujours, pour le temps et l'éternité. Je hurlai de douleur, et, avec moi, hurlèrent tous ceux qui tombèrent dans l’enfer.

Mais, n’y a-t-il pas de salut possible?

Si du moins le nom de Jésus éveillait en moi un sentiment de joie, je serais sauvé! Que ne puis-je verser une larme, une seule larme! Que ne puis-je pleurer sur mes péchés! Mais non. C’est inutile!

Si quelqu'un, jadis, se fût avisé de me dire: «TU DOIS TE REPENTIR DE TES PÉCHÉS», j’aurais trouvé cela ridicule. Je m’en souciais peu de mes péchés! J’étais connu comme honnête homme, je m’habillais comme il convient à un fonctionnaire respectable: j’avais de l’argent, une bonne table, des caves bien fournies...


Mais, aujourd’hui, se dresse devant moi la multitude de mes transgressions: autour de moi retentissent les malédictions de ceux qui ont été entraînés au mal par moi.

Ici, dans l'enfer, la honte est inconnue; la colère brutale, les blasphèmes, les jurements sauvages, les obscénités bestiales, se mêlent aux hurlements et aux grincements de dents, que ne peut-on prier un moment, un instant! J’essaye, je commence: «Notre Père...» Je ne puis aller plus loin, je ne puis que vociférer...

Ô vous qui cheminez encore sur la terre des mortels, oh! priez... priez... priez! Quel honneur pour l'homme d’oser s'approcher de la majesté du Roi des Cieux et de Lui parler comme on parle à son père.

«Quand mon père et ma mère m'abandonneraient toutefois l'Éternel me recueillera», dit le psalmiste.

Je comprends aujourd'hui le sens de ce verset: «Si vous ne changez et ne devenez comme des enfants, vous n'entrerez point dans le Royaume des Cieux.»

Un enfant croit son père: il est confiant, ouvert: il aime son père. Le Seigneur voulait que nous fussions ainsi envers Lui, et nous, insensés, nous ne l'avons pas voulu. Le Seigneur nous tendait du haut du Ciel sa main pleine de grâces. Il a étendu pour nous ses bras sur la croix. Il nous criait:

«Venez à moi, vous tous qui êtes travaillés et chargés, et je vous donnerai le repos à vos âmes»

Et nous, nous nous sommes moqués de Lui!

Pour quelques heures de fausses joies, nous avons méprisé la félicité éternelle.


Ne t’imagine pas, ô homme! que l’âme puisse être purifiée après la mort:

TEL QUE TE TROUVE LA MORT, TEL SERAS-TU LÀ-HAUT!

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Perdu au moment de la mort,

tu te réveilleras, en enfer avec tous tes péchés et tes transgressions.


Ce qui augmente les souffrances de l’enfer, c'est la vue du Ciel et des bienheureux couronnés de gloire, resplendissant comme le soleil. Là est mon père, puis ma fiancée, ravie de bonne heure à mes affections. Quelle paix, quelle joie se lit dans tout leur être!

Derrière eux s’avance une autre figure.

Je la reconnais: c’est Jacob, mon ancien domestique. Que de fois ne l’ai-je pas traité avec hauteur et aujourd’hui... oh! quelle humiliation pour moi!

J’appelle ma mère, je ne la vois point.

«Mère, mère! où es-tu? — Ici!» gémit une voix.

Une main froide me touche; c’était elle. Oh! quelle douleur!

«Mon fils, dit-elle, j’étais pieuse selon le monde: le Seigneur juge les choses autrement que nous. Me rendre à l’Église en vêtements noirs, me munir de mon livre de cantiques, suivre ponctuellement les services religieux, donner aux pauvres, voilà à quoi se bornait ma piété; mais:


DIEU, LE SEIGNEUR, VEUT LE CŒUR, TOUT LE CŒUR.


JE NE LUI EN DONNAIS QU'UNE PARTIE, c'est pourquoi J'AI TOUT PERDU; le bien que je faisais aux autres n’était qu’un effet de compassion naturelle, et ce que je donnais n’était que de mon superflu.»

NON, la piété d'apparence ne conduit pas au Ciel: dans le «royaume des morts» la plupart des réprouvés ont été «d’honnêtes gens» sur la terre.


RIEN N’A DE VALEUR POUR DIEU QUE CE QUI EST LE FRUIT DE LA FOI.


Que de milliers d'âmes qui, après avoir traversé une vie pleine de soucis, de joies et de souffrances, sont surprises par la mort et doivent rendre compte de leurs fautes devant le Juge suprême, parce qu’elles n’ont pas saisi la grâce en Jésus-Christ.

Il en était de même pour moi: et maintenant c’est trop tard... trop tard!...

Je criai alors de toutes mes forces:

«Trop tard!» et puis je m'éveillai. Est-ce possible?

Je vis encore! je ne suis pas encore mort! j'ai rêvé!...

Je promenai mes regards autour de moi. Ma mère était là et pleurait: j’étais dans ma chambre, j'étais vivant!

«Mon fils, mon fils!... » s’écria ma mère en sanglotant.

Elle avait tout entendu!

Après ma guérison, nous entrâmes tous deux dans une autre existence: dans la paix que goûte l'âme sauvée.

Ami lecteur, l'as-tu trouvée?

La pioche et la truelle N° 27 (1894)


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