Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LA PIOCHE ET LA TRUELLE

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LA MORT DE L’INCONVERTI


Voilà un homme que la maladie a saisi brusquement à la fleur de l’âge, au
 milieu de tous ses travaux et de ses projets, et qu’elle traîne sans pitié à la mort.

Il est là, couché sur son lit: il a vu de jour en jour sa force s'abattre: les remèdes n'ont pas produit l'effet attendu: il a déjà remarqué avec étonnement le silence du médecin: il remarque maintenant les larmes furtives, les sanglots étouffés de sa pauvre femme; pour la première fois, la terrible réalité se présente à son esprit.

Alors le voilà hagard; ses yeux fixes indiquent un cerveau étreint par une idée fixe.

Il n’y a plus d’espoir: IL FAUT TOUT QUITTER:

famille aimante,

travaux inachevés,

affaires embrouillées dont lui seul tient le fil,

projets bien conçus,

tout s'effondre; le coeur entier se vide d’un seul coup.


Le malheureux reste seul avec son âme.

Ce silence inconnu l’épouvante; il se sent emporté sans bruit, par le cours du temps, comme à la dérobée, seul, et sans résistance possible, vers l'éternité. Il n’a pas même, le désir de crier; il se demande ce qui peut lui rester d’instants avant d’arriver.


Avant d’arriver où!

Il voyage dans la nuit, et le port est inconnu. SI DU MOINS IL AVAIT TOUJOURS OBÉI À SA CONSCIENCE, pense-t-il, il n’aurait, quoi qu’il arrive, rien à craindre; mais quelques fautes spéciales lui reviennent à l’esprit avec persistance.

Si encore il avait réfléchi plus tôt qu’il pouvait mourir:

il aurait vécu plus sérieusement:

il aurait réparé ses fautes;

il aurait cherché ce qu’il faut croire de Dieu et de l’éternité;

mais il est averti trop tard.


Il est trop tard pour préparer à sa pauvre âme le céleste refuge.

Maintenant, il ne peut plus s'en occuper, car il se sentir mourir; il n’a plus de force que pour s’épouvanter; il pense à son pouls qui s'affaiblit, à sa poitrine qui ne se soulève plus, aux minutes qui le séparent encore, et en même temps le rapprochent de plus en plus de la fatale échéance.

Son âme frémit et voudrait reculer d’horreur; mais le temps l’emporte, toujours égal. C’est un combat affreux qui ne retarde rien: une attente angoissée, où le désespéré meurt cent fois avant de mourir.

Enfin les dernières forces s'éteignent: vaincu, il se laisse aller, et se réveille devant son juge avec une nouvelle épouvante.

Ph. Vincent.


* * *


Il est réservé aux hommes de mourir une seule fois,

après quoi vient le jugement

(Héb. 9, 27)


La pioche et la truelle N° 29 (1894)


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