Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LA PIOCHE ET LA TRUELLE

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LA COMPARAISON EST DURE


«J’aime l’ouvrier! chacun le sait,» disait un jour dans une réunion populaire une vieille dame bien connue à Londres, qui va recherchant des ivrognes et des femmes de mauvaise vie pour les relever.

Et en plus d’un coin de la salle mainte voix murmurait tout bas; «Pour sur! On le sait bien et le bon Dieu la bénisse! Qui donc a mis la paix à la maison en persuadant à mon homme de signer la promesse de ne plus boire, et en venant voir jusqu'à trois fois par semaine s'il avait eu soin de la tenir?...

Pour sûr dit une autre voix, ou n'oubliera pas de sitôt ses visites à l’hôpital et ses prières et ses secours quand on s'était cassé la jambe en dégringolant de l'échafaudage!... »

«J'aime l'ouvrier, continua-t-elle, et je n'ai jamais eu qu’à me louer de mes rapports avec lui. (Longs applaudissements.)

... J'ai dit jamais, je me suis trompée! Il est un lieu où l'ouvrier oublie totalement ce qu’il doit à Dieu, aux hommes et à lui-même: c'est le cabaret!

Voyez cet homme attablé, vidant sa deuxième ou sa troisième chope!... Cet homme, ai-je dit!... Mais non, il n'est plus un homme, c’est une brute, rien de plus! Et si j'étais vous, mes amis, je ne voudrais plus repasser le seuil de ces maisons où le meilleur d'entre vous devient une brute!»


L’orateur se tut; les applaudissements avaient cessé. Un docteur à tête grise se leva:

«La comparaison est un peu dure!» dit-il.

Sur quoi, tous ceux qui avaient baissé la tête la relevèrent avec une satisfaction évidente.

Le docteur promena sur son auditoire un regard quelque peu malicieux; puis, après un silence intentionnel et de sa voix la plus naturelle: «J'ai voulu dire dure... pour la brute, entendons-nous!»

Plus d’un sourcil se fronça.

Avez-vous jamais oui parler, reprit-il, d'une brute d'espèce quelconque allant au cabaret?... ou buvant un verre de trop?

Par dessus tout, avez-vous jamais oui parler d'une brute, fût-elle âne ou singe, rentrant au domicile conjugal et maltraitant son aînesse, ou sa guenon?... »

À ces mots, un éclat de rire universel dérida les fronts les plus rembrunis, et ce même soir, neuf des auditeurs, récalcitrants jusque-là vinrent signer la promesse de «s’abstenir, avec l’aide de Dieu, de toute boisson alcoolique.»


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Pour qui les ah? pour qui les hélas?

Pour qui les disputes?

Pour qui les plaintes?

Pour qui les blessures sans raison?

Pour qui les yeux rouges?


Pour ceux qui s’attardent auprès du vin,

Pour ceux qui vont déguster du vin mêlé.


Ne regarde pas le vin qui paraît d’un beau rouge, Qui fait des perles dans la coupe, Et qui coule aisément.

Il finit par mordre comme un serpent, Et par piquer comme un basilic.

Tes yeux se porteront sur des étrangères, Et ton coeur parlera d’une manière perverse.

Tu seras comme un homme couché au milieu de la mer, Comme un homme couché sur le sommet d’un mât:

On m’a frappé,... je n’ai point de mal!... On m’a battu,... je ne sens rien!...

Quand me réveillerai-je?... J’EN VEUX ENCORE!

(Prov. 23, 29-35)

La pioche et la truelle N° 30 (1894)


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