Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LA PIOCHE ET LA TRUELLE

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J’AI FAIT PLUS DE BIEN QUE DE MAL


Quand nous parlons de repentance et de jugement dernier, et que nous pressons tous les hommes sans aucune exception de se convertir, un interlocuteur nous répond parfois:

«Vous dites que je suis pécheur; sans doute! Eh! qui ne l’est pas? Mais entendons-nous: il y a pécheur et pécheur.

Yxyx VOUS N’ALLEZ PAS ME COMPARER À UN REPRIS DE JUSTICE, ou à tel autre qui devrait l’être. J’ai commis des péchés comme tout le monde, et même moins que la plupart; mais j’ai aussi fait du bien. J’AI FAIT PLUS DE BIEN QUE DE MAL; et puisque d’après vous Dieu est juste, il m'en tiendra compte.»

Il y a, dans ce raisonnement qui paraît si logique à tant de monde, des vérités et des erreurs.

Voyons les vérités, et voyons les erreurs.


* * *


Une première vérité que je reconnais loyalement, c’est que vous êtes un homme de bien. Toutes les personnes qui vous entourent font votre éloge. Vous êtes sobre, rangé, bon époux, bon père, bon travailleur, bon citoyen. Vous ne devez rien à personne, et vous avez rendu bien des services à plusieurs. Si tout le monde vous ressemblait sous tous ces rapports, on serait plus heureux sur la terre.

Une autre vérité, c’est qu’aux yeux de Dieu comme à vos yeux, il y a pécheurs et pécheurs.

Il y a ceux qu’il ne peut pas supporter plus longtemps, comme les habitants de Sodome et de Gomorrhe,

et il y a ceux dont il espère encore le retour vers lui et à qui il accorde un délai.

Quelques-uns, nous dit Jésus, «seront battus de plus de coups», et quelques autres «de moins de coups».

Pourtant, déjà ici, prenons bien garde; Dieu est bien plus impartial que nous; il fait entrer en ligne de compte, dans son jugement, plusieurs considérations auxquelles nous n’avons pas l’habitude de penser; il évalue la responsabilité des pécheurs, non pas seulement d’après le mal qu’ils ont fait, mais encore d’après les lumières ou d’autres avantages qu’ils ont reçus, comme l’éducation, les bons exemples, le milieu social supérieur, le contact avec des chrétiens authentiques, les appels entendus, la connaissance de la vérité évangélique.

Tel homme qui a fait beaucoup plus de mal qu’un autre se trouvera, en fin de compte, moins coupable, parce qu’il n’en savait pas plus. C’est par ce principe que Jésus-Christ disait: «Le sort des idolâtres de Tyr et de Sidon sera plus supportable au jour du jugement que celui des Israélites de Chorazin, de Bethsaïde, de Capernaüm et des villes que j’ai inutilement évangélisées».

Tel forçat sur son banc de galérien nous aurait peut-être dépassés en honnêteté et en sainteté, s’il était né dans notre famille, s’il avait reçu notre éducation, ou vécu dans notre milieu social. Cette seule pensée doit nous faire douter de nos mérites, et nous tenir dans une profonde humilité devant Dieu et devant les hommes.


* * *


Nous avons reconnu dans votre raisonnement deux vérités; voici maintenant deux erreurs.

La première vient de ce que vous oubliez ce que c’est qu’un jugement. Pour être absous en justice, il faut avoir observé toutes les prescriptions de la loi sans en omettre une seule.

Un homme est traîné devant le tribunal pour vol; il est reconnu coupable et forcé d’avouer.

Supposez maintenant que comme vous, il dise pour sa défense:

«Il y a cent ou deux cents crimes ou délits qu’il est possible à un Français de commettre; on ne m’a convaincu que sur un point, un seul; je suis donc 199 fois plus honnête que malhonnête, et au lieu de punition je demande une récompense!»

Que penserez-vous de ce joli raisonnement?

Qu’en penseront les juges?

On lui répondra:

«Mon ami, en ne tuant pas, en n’incendiant pas, en n’estropiant personne, vous avez fait tout petitement ce que vous étiez obligé de faire, et nul ne vous doit rien. Mais il ne s’agit pas de cela: vous êtes convaincu de vol, et vous irez en prison.»

Il en est de même au tribunal de Dieu. Vous n’avez pas violé tous les commandements, dites vous, mais seulement quelques-uns.


C’EST POUR CES QUELQUES-UNS QUE VOUS SEREZ CONDAMNÉ.


Autre exemple plus frappant encore: voici un comptable chargé de noter les 1000 articles qui entrent chaque jour dans l’usine, ou qui en sortent. Il n’en note que 999. Son patron s’en aperçoit et lui fait une réprimande. Le lendemain le malheureux néglige encore exactement le même article; nouvelle réprimande. Supposez la même négligence le troisième jour: son maître ne le chassera-t-il pas impitoyablement? Il aura beau protester qu’il est 999 fois plus fidèle qu’infidèle, il ne convaincra personne.

De même Dieu vous a fixé votre service à accomplir. Si vous vous êtes laissé aller au mensonge, ou à la médisance, ou à la rancune, ou à l’avarice, ou à la colère, ou à l’orgueil, vous voilà transgresseur; et si ce même péché que votre
 conscience vous reproche, que l’Évangile condamne, vous l’avez commis non une seule fois, mais dix et cent fois, mais chaque jour, comment échapperez-vous au juste châtiment?


Après avoir provoqué Dieu par la répétition de votre faute,

comment pouvez-vous encore espérer d’avoir le ciel pour récompense?


N’est-il pas étonnant que les hommes jugent si sainement les affaires de cette vie, et si follement de celles de la vie éternelle?


* * *


La seconde erreur de l’homme qui prétend avoir fait plus de bien que de mal, vient de ce qu’en réalité il méconnaît la loi de Dieu.

A-t-il réfléchi que LE PLUS GRAND COMMANDEMENT nous ordonne d’aimer Dieu de tout notre cœur, et LE SECOND, d’aimer notre prochain comme nous-mêmes?

Or, aimer son prochain comme soi-même ne consiste pas à s’abstenir de lui faire du mal; mais plutôt à l’aider selon nos moyens, à le secourir, à l’éclairer, à lui pardonner même s’il nous a fait le plus grand tort et à nous dévouer pour lui comme nous voudrions que l’on se dévouât pour nous.


Aimer Dieu.ce n’est pas croire à son existence et avoir de lui une certaine crainte:

c’est plutôt éprouver pour lui une affection vive et toujours consciente;

c’est remarquer tous les bienfaits dont il nous entoure et en être ému;

c’est reconnaître qu’il fait tout concourir à notre bien, et lui rendre grâces de tout ce qui nous arrive;

c’est régler notre conduite, nos paroles et nos pensées, et faire toutes choses par considération pour lui plaire, pour le glorifier ici-bas, ou simplement pour lui montrer notre amour.

Aimer Dieu:

c’est encore croire à son amour, à son dévouement pour nous au don de son Fils unique pour l’expiation de nos péchés;

c’est accepter Jésus comme notre indispensable et parfait Rédempteur;

c’est se vouer à Dieu corps et âme par reconnaissance pour un si grand sacrifice.

Au lieu de relever nos mérites, humilions-nous devant Dieu; reconnaissons que pendant tout le cours de notre vie, nous n’avons payé que d’indifférence et de froideur un Père si dévoué; que nous l’avons offensé chaque jour par nos péchés.

Agenouillons-nous à ses pieds, DEMANDONS-LUI NOTRE GRÂCE.


Il ne tardera pas à nous donner l’assurance que

par la mort de Jésus sur la croix,

tous nos péchés nous sont pardonnés.


Philemon Vincent.

La pioche et la truelle N° 44 (1896)


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