Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LA PIOCHE ET LA TRUELLE

----------

NOS ENFANTS

(Une morale à deux vitesses?)


On revient souvent, dans notre cher journal, sur cette question d’une importance vitale pour nos familles: l’éducation de nos enfants.

C’est là un sujet toujours plein d'intérêt et d'actualité que nous ne saurions trop envisager avec sérieux, car la tâche est difficile, et grande notre responsabilité.

Ces petits êtres gracieux qui égayent nos foyers par leurs sourires et leur doux babil, ne nous ont pas été seulement donnés pour la joie de nos cœurs et l'orgueil de nos yeux; nous le savons, ils sont infiniment plus que cela.

Ce sont des âmes précieuses confiées à nos soins, à notre vigilance. Nous sommes trop tentés de considérer nos enfants comme notre propriété et comme devant être une source de bonheur personnel pour nous.

Habituons-nous davantage à voir en eux un trésor que nous avons à faire valoir:


DES ÂMES IMMORTELLES DONT NOUS AURONS À RENDRE COMPTE.


Avec une pensée aussi solennelle présente à notre esprit et à notre cœur, combien ne serons-nous pas plus forts pour lutter contre les tendances mauvaises de nos enfants: égoïsme, colère, mensonge, défauts légers pour des parents frivoles, mais dont nous, chrétiens, avons appris à connaître la gravité aux yeux de Dieu.

Mais que de fois, au lieu de donner des leçons à cet égard, n’en avons-nous pas plutôt reçu nous-mêmes de ces petits au cœur simple et vrai, sur lesquels un monde corrompu et trompeur n'a pas encore déteint.

Ce sont parfois de sévères éducateurs que ces petits êtres charmants. Rien n'échappe à leur pénétration, à leur observation naïve et profonde. N'avez-vous jamais rencontré le regard limpide de votre enfant fixé sur vous avec surprise, alors qu'une parole vive, un mouvement d'impatience vous échappait?

Ce regard qui vous observait, qui vous jugeait sévèrement peut-être, n'a-t-il pas été pour vous un reproche muet arrêtant connue par miracle sur vos lèvres les mots blessants qui s’y pressaient?

Une autre fois, c'est une médisance que vous alliez prononcer, mais dont vous avez redouté l'effet moral sur cette jeune âme: ou bien c'est un mot équivoque, une exagération retenue à temps pour ne pas donner de mauvais exemples.

L'enfant nous met ainsi dans la nécessité, d'être conséquents avec nous-mêmes. Sa logique est d'une rigueur implacable et nous soumet parfois à une rude discipline.

Si vous lui enseignez qu’une chose est mal, il le croit et sait au besoin vous reprocher de la faire. Sa petite voix claire nous dénonce toutes nos misères sans pitié ni ménagement.


Mais, papa, tu me défends de me mettre en colère et tu viens encore de t’y mettre contre Rosalie.

Mais, maman, tu as dit à madame B. que sa toilette était charmante et après, que tu ne connaissais personne pour s'habiller si mal!

Et ainsi de suite.

Que répondre à ces remarques qui nous font rougir?

Irons-nous arguer d'une morale autre pour eux et nous?

Ce serait une méthode dangereuse.


Vous connaissez peut-être l’histoire du petit Jacques dont le malheureux père jurait et blasphémait. Naturellement l'enfant en fit bientôt autant, et comme sa mère le reprenait, il répondit:

Papa le dit bien, lui.

TON PÈRE EST UN HOMME, CE N'EST PAS LA MÊME CHOSE, disait la maman.

Corrigé à cette occasion, un jour que le mot prononcé avait été par trop grossier, l'enfant se le tint pour dit; mais à quelque temps de là, il fit sa première communion (!) et au retour de la cérémonie, sa grand-mère l'embrassant lui dit:

TU ES UN HOMME MAINTENANT!

Mot imprudent, qui fut comme le brevet d’émancipation du petit garçon. Le même jour il se remit à jurer comme auparavant.

Mais, malheureux, s’écrie la maman terrifiée, que dis-tu là?

Eh bien, répond Jacques avec candeur, JE FAIS COMME PAPA; JE SUIS UN HOMME MAINTENANT.

Jeanne Vincent.



La pioche et la truelle N° 45 (1896)


Table des matières