LA PIOCHE ET LA TRUELLE

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LA VENGEANCE D’UN CHRÉTIEN

Autant la vengeance nous rabaisse, autant le pardon nous élève. Le pardon nous rend semblables à Dieu même qui pardonne à ses créatures rebelles, et a envoyé son Fils les chercher et les, sauver.

Le Tasse, l'auteur de la Jérusalem délivrée, né à Sorente (Italie); en 1544, ne fut pas moins bon chrétien qu'illustre poète.

Il eut un grand nombre d'envieux et de jaloux qui ne se bornaient pas à cabaler contre ses écrits, mais encore diffamaient son caractère, et le calomniaient auprès de ses protecteurs. Salviati se montra le plus acharné de tous: il réussit à force d’intrigues à faire mettre le Tasse en prison.

L'occasion de se venger ne tarda pas. Un jour, le Tasse voit entrer dans sa prison plusieurs de ses amis qui, d'un ton empressé et triomphant, lui racontent que Salviali vient de commettre une action qui peut Ie perdre à son tour: il n'y a qu'à la publier, et c'en est fait à toujours, de la réputation et du crédit du persécuteur.

Mais le Tasse réfléchit quelques instants; il pensa à Jésus-Christ pardonnant à ses bourreaux, puis il répondit:

«Je ne veux ôter à cet homme ni l’honneur ni la vie; il n'y a qu'une chose que je voudrais lui ôter, c’est la volonté de faire le mal.»

H. Dejonghe.

La pioche et la truelle N° 46 (1896)