Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LA PIOCHE ET LA TRUELLE

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CHAQUE JOUR SUFFIT SA PEINE


Au ciel, dit l’Écriture, il n'y aura point de nuit (Ap. XXII, 5).

En attendant, bénissons Dieu de ce que sur la terre il y en ait une.

Pendant le sommeil de la nuit, que de peines, de difficultés, de deuils disparaissent: plus d’orphelins, plus d’opprimés, plus de désespérés; chacun oublie son mal, et puise dans le repos réparateur une nouvelle force pour porter la croix du lendemain. Dieu a ainsi morcelé notre vie en journées pour que notre faible corps et notre faible esprit se reposassent; puis, comme nous sommes assez stupides pour ajouter, par nos inquiétudes, à notre fardeau d'aujourd’hui celui de demain, il prend encore la peine de nous avertir que le lendemain aura souci de ce qui le regarde, et qu’à chaque jour suffit sa peine (Mat. VI, 34).


Heureux celui qui laisse à Dieu le soin du lendemain!

Il aura ses épreuves, mais ce seront LES ÉPREUVES DE LA JOURNÉE SEULEMENT; pourvu qu’il atteigne le soir sans murmure et dans la fidélité, il remplira son rôle de chrétien.

«Dois-je souffrir longtemps encore?» demandait un malade à son médecin.

«Un jour à la fois», répondit celui-ci.

Un jour à la fois; la tâche n'est-elle pas plus facile?

Voilà le fardeau d’aujourd’hui allégé de celui de demain:

Voilà l'épreuve de Dieu diminuée de celle de l’homme;

Voilà la douleur utile amoindrie de la douleur inutile ou coupable.

Et que les ennemis de Dieu ne disent pas que cette foi en lui, en bannissant toute inquiétude pour le pain du lendemain, bannit du même coup la prudence, le travail, l'économie, la sobriété, et que le chrétien, confiné dans le moment présent, dépensera sottement tout son bien en un seul jour.


La foi a des ressources que l'incrédulité ne peut connaître.

Si vous avez la certitude que tout vous vient de Dieu au jour le jour: santé, travail, argent, vêtements, pain, comme vous devenez prudents dans l’usage que vous faites de toute chose!

Cette santé, il faut la ménager, c’est la santé de Dieu;
Ce travail, il faut le faire bien, c'est le travail de Dieu;
Ces vêtements, il faut les laver et les raccommoder, car ce sont les vêtements de Dieu;
Ce pain, il faut, à l’exemple de Jésus, en ramasser les miettes, c’est du pain sacré, du vrai pain béni, le pain de Dieu;
Chacun de nos petits sous vient de Dieu, ne les employons pas à des babioles.

La même foi qui nous enseigne à ne plus nous soucier du lendemain est encore le meilleur maître pour nous apprendre à bien vivre aujourd'hui. 



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Dans les choses spirituelles aussi, à chaque jour suffit sa peine; et d’abord, mon ami, pourquoi charger le lendemain des péchés d'aujourd'hui et d’hier, quand tu peux aujourd’hui les déposer au pied de la croix de Jésus?

Demain devra déjà porter son poids de luttes et de devoirs, N'Y TRANSPORTE PAS ENCORE L'IMPUR FARDEAU DES FAUTES PASSÉES.

Surtout ne va pas le charrier jusqu'au jour de la mort qui est déjà assez chargé de lui-même.

Combien il serait plus sage de se débarrasser de cette affaire AUJOURD’HUI puisque ton Dieu le dit; «C’est aujourd'hui le jour du salut» (2 Cor. VI, 2).


Ne remet tous pas à demain ce que nous devons faire aujourd'hui;

mais

ne nous tourmentons pas non plus aujourd’hui en prévision des devoirs de demain.


Bien des chrétiens voudraient se sentir continuellement en possession de toutes les grâces de Dieu. Ils se demandent s'ils pourraient accepter sans murmurer la mort de leur femme et de leurs enfants; s’ils seraient capables, le cas échéant, de s’expatrier comme les missionnaires et d'aller vivre chez les sauvages; ou comme les martyrs, de se laisser brûler vifs sur les bûchers.

Se trouvant incapables de faire toutes ces choses, que Dieu ne leur commande pas, ils en concluent qu’ils sont tout aussi incapables de faire ce qu'il leur commande; ils se découragent, se plaignent de leur faiblesse, et arrivent bientôt en effet au dernier degré de la faiblesse.

Eh! mon frère, à chaque jour suffit sa peine!

AUJOURD'HUI Dieu ne te demande que de pardonner à ton ennemi, ou de prier pour ton voisin; sois sûr qu’il te donne aujourd’hui la grâce nécessaire pour le devoir d'aujourd’hui: mets-toi vite à l’œuvre!

DEMAIN, ton devoir sera peut-être plus glorieux; mais le lendemain aura soin de ce qui le regarde:


LA GRÂCE QUE DIEU T’ACCORDERA DEMAIN

SERA EN PARFAIT RAPPORT AVEC TON NOUVEAU DEVOIR.


Ton Père Céleste, qui sait de quoi tu as besoin avant que tu ne le lui demandes, te mettra toujours à la hauteur des circonstances, POURVU QUE TOI, TU SACHES TE CONFIER EN LUI AU JOUR LE JOUR.

Un millionnaire n’a pas besoin de réaliser toute sa fortune et de la porter avec lui à chacune de ses emplettes. Il a son coffre fort. A-t-il besoin de pain aujourd'hui, il y trouve des sous: a-t-il besoin d'un meuble demain, il y trouve des louis; a-t-il besoin d’une terre après-demain, il y trouve des billets de mille.

De même nous avons Jésus, et toutes choses pleinement en lui (Col. II, 10)

S'agit-il pour nous de supporter une injure, il nous fournit la patience;

s'agit il de confesser son nom, il nous donne la hardiesse;

pour élever nos enfants, la sagesse;

pour accepter un reproche, l'humilité;

pour mourir pour lui, l’héroïsme;

mais chaque chose en son temps, et pour chaque devoir la grâce appropriée.


Dans nos tentations, quand les passions de la chair se réveillent, soyons fidèles un jour à la fois; dans nos ateliers, en butte aux railleries ou aux sollicitations des mondains, restons fermes un jour à la fois.

Demeurons dans la douce communion de Jésus un jour à la fois; il est capable de nous garder dans sa paix pendant tout un jour, de nous rappeler le lendemain matin que nous sommes à lui, et de nous faire sentir sa présence jour après jour jusqu'à la fin.

Le chrétien est appelé, lui aussi, à marcher sur les eaux un pas après l'autre. Mais dans cet exercice sa confiance en son Sauveur se fortifie journellement, si bien qu’il ne pense plus à l’avenir que pour dire avec saint Paul;

«Le Seigneur me délivrera de toute œuvre mauvaise, et me sauvera dans son royaume céleste. À lui soit la gloire aux siècles des siècles.» (Il Tim. IV, 18.)

Philémon Vincent.

La pioche et la truelle N° 46 (1896)


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