Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LA PIOCHE ET LA TRUELLE

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ÉTUDES BIBLIQUES

JEAN-BAPTISTE

3° SA PRÉDICATION


La repentance.

L’Évangile de saint Matthieu (III, 2) résume en ces mots toute la prédication de Jean-Baptiste;


«Repentez-vous, car le Royaume des cieux est proche.»


Qu’entendait-il par la repentance, et par le Royaume des cieux?

Nous répondons aujourd'hui à la première question, et réservons la seconde pour la prochaine étude.

L'idée de repentance a cela de commun avec beaucoup d’autres notions évangéliques qu’elle est le plus souvent appauvrie de la meilleure partie de son sens, dans le langage courant. Si vous ouvrez un dictionnaire et cherchez ce mot, vous trouvez:

«Douleur ou regret qu’on a de ses fautes».

Cette définition, toute négative, n'est qu’un faible élément de la vérité. Pour celui qui comprend, dans toute sa plénitude, la repentance évangélique, c'est une des idées les plus riches, et les plus glorieuses de la Nouvelle Alliance.

Un homme qui s’est laissé aller au mensonge, ou au vol, ou à l’intempérance peut regretter sa faute à cause des tristes conséquences qu’elle entraîne pour lui, par exemple la honte, ou la prison, ou la misère.

MAIS CE REGRET N'EST PAS LA REPENTANCE.

Sans doute Dieu nous punit souvent par nos péchés mêmes pour nous amener à un changement de vie, c'est-à-dire à la vraie repentance; mais LA DOULEUR DU CHÂTIMENT N’EST PAS ENCORE LA REPENTANCE.


LA CRAINTE DE L’ENFER N’EST PAS NON PLUS LA REPENTANCE. Elle peut et devrait nous y amener; c'est pour cela que Jean-Baptiste dépeignait en traits si énergiques la colère à venir, et la cognée mise à la racine des arbres stériles, et le feu inextinguible qui brûlera la balle.

Mais cette frayeur n’est pas nécessairement salutaire: l’homme le plus égoïste, le plus orgueilleux, le plus endurci dans le péché, peut très bien l’éprouver sans renoncer pour cela à son caractère et à sa vie. Il n’y a parfois pas un seul atome de désintéressement ni de véritable religion dans une telle crainte. Satan aussi a peur de son enfer; il n’en reste pas moins l'ennemi de Dieu et des hommes. LA REPENTANCE EST PLUS QUE TOUT CELA.

La tristesse causée par les reproches de la conscience, indépendamment de toute idée de récompense ou de châtiment, indique déjà un état moral et religieux supérieur aux précédents. Ce sentiment peut être désintéressé: le mal est haï pour lui-même, abstraction faite de ses conséquences; l’âme sent instinctivement qu’en le pratiquant elle déchoit de sa dignité; elle a honte d’elle-même.


Cette tristesse est un des éléments de la repentance, l'élément négatif; MAIS ELLE N'EST PAS À ELLE SEULE LA REPENTANCE.

Judas éprouva cette tristesse à son plus haut degré, et il alla se pendre.

S’il se fût repenti au sens complet, il eût été sauvé; il eût bénéficié, même lui, de ce fait que là où le péché a abondé, la grâce a surabondé (Rom. V, 20).

Quel est donc l’élément positif essentiel à l'idée évangélique de repentance?


La repentance (selon la signification précise de l'équivalent grec metanoia) est un changement complet de dispositions morales.

Elle consiste sans doute à regretter et à condamner nos tendances et notre vie passées; mais encore plus à PRATIQUER JOYEUSEMENT UNE VIE NOUVELLE.

Par elle nous sommes affligés de nos emportements d'autrefois, mais surtout nous en sommes affranchis et savons tout supporter avec patience;

elle nous humilie au souvenir de nos mensonges passés, mais surtout, elle nous enseigne à dire toujours la vérité.

Regretter d'aimer le monde, ce n’est pas encore la repentance;

Regretter d’avoir aimé le monde, c'est le commencement de la repentance;

Haïr le monde, c’est la repentance complète. 


La repentance commence par la tristesse de la désobéissance,

mais doit finir par la joie de l'obéissance.


Elle est moins une lutte qu’une victoire; elle se complaît dans la pratique effective de la volonté de Dieu; elle porte avec délices le joug du Christ.

Un simple examen des discours de Jean-Baptiste montre que c’était bien là son idée.

Sans doute il exige de ses disciples une vive douleur d’avoir offensé Dieu (élément négatif) et la confession des péchés (Mat. III, 6); mais si cette douleur n’aboutit pas à une réforme complète de la vie (élément positif), il la dédaigne et la repousse.

Les Pharisiens qui venaient à son baptême avaient bien le sentiment qu'une certaine purification leur était nécessaire; ils ressentaient quelques troubles de conscience; mais EN RÉALITÉ NI LEUR COEUR NI LEUR VIE N’ÉTAIENT CHANGÉS, et ils comptaient surtout sur leur descendance d'Abraham pour être acceptés de Dieu. Aussi s’attirent-ils la fameuse apostrophe; «Races de vipères!... Produisez donc du fruit digne de la repentance; et ne prétendez pas dire en vous-mêmes; nous avons pour père Abraham...» (Mat. III, 7-9.)

Le peuple, par contre, est absolument décidé à changer de vie et à servir Dieu. «Que faut-il donc faire!» demandent-ils. (Luc III, 10.)

La réponse de Jean-Baptiste va nous éclairer sur le fond de sa pensée. Il ne leur dit pas: «Affligez-vous sur vos péchés, ou regrettez le passé»; ce serait fixer l’attention sur l'élément le moins important de la repentance.

«Que celui qui a deux tuniques, répond-il, en donne une à celui qui n'en a pas, et que celui qui a de quoi manger fasse de même.»

«Maître, lui demandent les péagers, qu'avons-nous à faire?» — «N'exigez rien au delà du tarif.»

«Et nous, demandent les soldats, que devons-nous faire?» — «Ni extorsion ni chantage envers personne, leur dit-il, et contentez-vous de votre paie.»

Ces passages sont absolument probants; telle est donc la repentance positive: non le regret stérile des péchés commis, mais UN CHANGEMENT RADICAL DE CŒUR ET DE VIE.

La gloire du Nouveau Testament est d'annoncer, dès sa première page, la réalisation de la belle promesse d’Ezéchiel XXXVI, 26:


«Je vous donnerai un cœur nouveau et un esprit nouveau.»


Philémon Vincent.

La pioche et la truelle N° 46 (1896)


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