Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LA PIOCHE ET LA TRUELLE

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LE PASTEUR ROWLAND-HILL ET SON DOMESTIQUE


L'histoire assez peu connue du vénérable pasteur Rowland-Hill et de son vieux serviteur, sera la meilleure preuve de ce que peut la bonté du maître pour maintenir un domestique dans le bien, et même pour l‘y ramener.


Il y avait trente ans qu'ils vivaient ensemble, quand le domestique mourut. Rowland-Hill prit le deuil, et, la tête découverte et pleurant, il marcha le premier à la tête du convoi qui conduisait son vieux serviteur au champ du repos. Arrivé à la fosse, il lit l'oraison funèbre de cet homme, que l'égalité, qui commence avec la mort, lui permettait de l’appeler tout haut son ami. Ses dernières paroles excitèrent, dans la nombreuse assemblée qui se trouvait là, une surprise et une émotion que vous allez certainement partager. Les voici:

«La plupart des personnes qui sont ici, dit Rowland-Hill, connaissaient mon pauvre serviteur; elles savent qu'il était laborieux, sobre, honnête, fidèle; eh bien...! Le moment est venu de le dire... : Il y a trente ans, c'était un voleur de grand chemin.

Un soir, il m'avait arrêté et m'avait demandé ma bourse. J'étais jeune comme lui, vigoureux et armé; je le tins à distance et lui adressai des reproches, après m'être nommé.

Mes paroles, peut-être aussi mon caractère de pasteur, firent quelque impression sur lui. Il me répondit qu'il avait été autrefois cocher, et que renvoyé par suite d'une jalousie, ce domestique, sans place, entraîné par la misère et les mauvaises compagnies était arrivé à vivre de mendicité et de vol.

Sans ajouter d'abord une foi entière à ce qu'il me racontait, je l'exhortai à rentrer dans la voie du bien et je lui assurai que, s'il venait me voir, je lui trouverais une place. Quelque temps après, à ma grande surprise, il se présenta chez moi.

Je cherchai d'abord comment je pourrais bien lui être utile, et je m'aperçus que j'avais pris un engagement difficile.

Où le placer? Dans un atelier? Dans une maison riche?

Mais mon devoir était de faire connaître au fabricant ou au chef de famille les antécédents de mon protégé. Et si l'on eut consenti à le recevoir, aurait-on eu la prudence et le scrupule de ne jamais lui laisser entrevoir ce qu'on savait de sa vie passée? Ne se serait-on pas laissé aller trop vite à la défiance et aux soupçons?


Au milieu de ces perplexités, j'offris à cet homme de le garder à mon service; il l'accepta. Depuis ce moment jusqu'à son dernier soupir, il ne s'est pas rendu coupable de la moindre faute, de la moindre infidélité.

Je l'ai vu, au contraire, de jour en jour, devenir meilleur, plus dévoué à tous ses devoirs; une tristesse qui s'était d'abord saisie de lui, s'est insensiblement dissipée sous l'influence des sentiments religieux.

Il avait confiance en moi; il savait que je ne trahirais point son secret: lui vivant, je ne l'ai révélé à personne, pas même à son meilleur ami. Si je romps le silence aujourd'hui, c'est que, dans ma conviction, la révélation que je viens de faire est le plus grand éloge que je puisse faire du défunt et qu'il n'est point sans utilité de proclamer un tel exemple.»

La pioche et la truelle N° 9 (1891?)


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