Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LA PIOCHE ET LA TRUELLE

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DANGER DE CRITIQUER LES SERMONS


Ma mère dit que ton père ne prêche pas ainsi bien que l'ancien pasteur.

Tels furent les derniers mots d’une querelle entre deux jeunes garçons au sortir de l'école; le fils du pasteur, blessé au vif, saisit son camarade au collet, le fit basculer sur son genou, et le renversa par terre. Puis, encore exaspéré, il courut à la maison, entra comme un coup de vent dans le cabinet de son père en train de méditer, et lui dit d'un seul trait:

Tu sais papa, madame B. ne l'aime pas, elle dit que tu ne prêches pas aussi bien que l’ancien pasteur.

Et le pauvre enfant fondit en larmes.

Un si gros chagrin étonnait le père. Il prend son fils sur ses genoux:

Voyons, dit-il, en lui caressant la joue, il n'y a pas de quoi pleurer.

C'est Jean qui me l'a dit, continue l'enfant: il m'a tellement mis en colère que je l'ai jeté par terre.


Le père devint sérieux:

«Comment, tu as jeté Jean par terre! Mais je vais être obligé de te punir. Est-ce là rendre le bien pour le mal? Tu vas déshonorer l'Évangile et mon ministère.»

Il chassa son fils, et se mit à arpenter la chambre, se demandant comment réparer le dommage. Il était désolé. Parfois aussi il se demandait si ses prédications n'allaient pas vider l'Église; il savait bien qu'il prêchait moins éloquemment que son prédécesseur, mais il était affligé que la différence fût assez désastreuse pour qu'une personne aussi pieuse que madame B. En fit publiquement la remarque; il était surtout stupéfait que les membres les plus spirituels de l'Église en fussent encore à juger les sermons d'après leur élégance, comme d'autres d'après leur brièveté. Quel bonheur d'avoir Dieu pour refuge dans ces moments de détresse.


Consolé par la prière, il rappela son fils et lui dit de s'apprêter à aller avec lui faire des excuses à madame B. et à Jean.

Il trouva madame B. aussi affligée que lui, mais bien plus confuse; Jean lui avait tout raconté. Ce fut elle qui voulut à tout prix s'excuser la première.

Le pardon fut réciproque; les enfants firent la paix.

À partir de ce jour, le pasteur pria Dieu plus encore que par le passé de suppléer à tout ce qui lui manquait, et madame B. cessa de juger les prédications d'après leur éloquence.

Adapté de l'allemand par Cyrille Riedel.

La pioche et la truelle N° 47 (1896)


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