Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LA PIOCHE ET LA TRUELLE

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FAIRE CE QU'ON PEUT


Marie au vase d'albâtre eut une bien bonne inspiration (les bons cœurs sont toujours bien inspirés). Pour avoir oint le Sauveur de son parfum de nard pur, elle s’attira cet éloge: «Elle a fait ce qu’elle a pu» et cette promesse; «Partout où cet Évangile sera prêché, cette action sera rappelée en mémoire d’elle.» (Marc XIV, 3-9.)

Les quatre évangélistes ont pris soin de raconter le fait, de peur que si l’un d’eux pénétrait seul dans une chaumière ou dans un palais, Marie ne reçût pas l'éloge qu’elle mérite et ne fût pas pour le petit un ENCOURAGEMENT, et pour le grand un REPROCHE.

Aujourd’hui, la promesse s'accomplit plus que jamais; l’Évangile est prêché en quatre cents langues différentes (en 1896), et le récit privilégié est imprimé par les presses évangéliques à raison de mille exemplaires par chaque heure du jour et de la nuit.

Notre Maître est donc au comble de la joie, et ne nous marchande ni l’éloge ni la récompense quand nous faisons pour son service ce que nous pouvons.

Cette seule pensée devrait nous enflammer de zèle.

Mais, hélas! nous aimons mieux ne rien faire; et comme toutes nos ingratitudes, toutes nos lâchetés et tous nos vices ont toujours un prétexte, nous prétextons que nous ne pouvons rien faire.

Nous ne pouvons recommencer la vie de saint Paul, qui parcourut le monde en semant des Églises sur ses pas;

nous ne pouvons, à l’exemple de Luther, écrire toute une bibliothèque de livres retentissants qui ébranlent le pape sur son trône, et arrachent des nations entières à la superstition romaine et à la servitude cléricale;

nous ne pouvons monter sur les bûchers comme les martyrs puisqu’il n’y a plus de bûchers;

nous ne pouvons, à la suite des missionnaires, aller appeler à la lumière les peuples païens qui gisent dans la nuit;

nous ne pouvons prêcher en public et attirer à nos sermons le pays tout entier, puisque nous n’en avons pas le don;

nous ne pouvons donner les millions et les milliards nécessaires pour secourir les orphelins et les veuves, soigner les malades, ouvrir une salle de conférences évangéliques dans chaque village, et placer une Bible dans chaque maison.

Nous n’avons ni ces talents, ni ces moyens, ni cette puissance, nous ne pouvons rien.

Mais, mon ami, DIEU SAIT MIEUX QUE TOI QUE TU NE PEUX RIEN FAIRE DE CES
 GRANDES CHOSES, et si tu te mettais en tête de les entreprendre, son premier soin serait de te rabaisser l’orgueil à force d’échecs.

Quelques hommes seulement, et à de rares intervalles, ont en ces sublimes vocations; si tu te les assignes de ton propre chef, ou si tu dédaignes les vocations plus modestes, ton découragement ou ta nullité viennent de ton orgueil.


POUR N’AVOIR PAS VOULU ÊTRE UN PETIT TRAVAILLEUR,

TU SERAS UN GRAND INGRAT ET UN GRAND COUPABLE.


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Faire ce qu’on peut, pour quelques-uns, c’est faire beaucoup; mais le plus souvent, c'est faire peu.

Pour Marie de Béthanie, c’était embaumer les pieds du Sauveur avant la sépulture;

pour la veuve de l'Évangile, ce n’était que mettre dans le tronc du temple ses deux demi-centimes;

pour la veuve de Sarepta, ce n’était que pétrir pour une une maigre galette;

pour les enfants dans le temple le jour des Rameaux, c’était acclamer Jésus.

Tous ceux-là ont fait peu, et ont été beaucoup loués, et leur récompense sera grande.

Et nous de même, si nous n’avons pas les premiers rôles dans l'édification du Royaume de Dieu, contentons-nous des seconds, ou des dixièmes, ou des derniers;


L’IMPORTANT, CE N'EST PAS QUE DE PETITES OU DE GRANDES RESPONSABILITÉS NOUS SOIENT CONFIÉES,

MAIS C’EST D’ÊTRE TROUVÉS FIDÈLES DANS L’ACCOMPLISSEMENT DE NOTRE TÂCHE.


Nous ne pouvons que donner un traité, un journal, une invitation, donnons-les.

Nous ne pouvons que donner un conseil, un bon exemple, une prière, quelques sous, donnons-les.

Travaillons pour notre grand Seigneur et pour le salut de nos frères.

Travaillons selon nos capacités.

Pour bâtir un palais, plusieurs genres de talents sont nécessaires: celui de l’architecte, celui du maçon et celui du manœuvre. Le propriétaire s'indignerait contre le manœuvre qui voudrait faire le travail de l'architecte. Que chacun reste à sa place et y fasse tout ce qu’il peut.

Que l'architecte tire ses plans aussi bien que possible, que le maçon place les pierres de son mieux et que le manœuvre fasse un excellent mortier. Si chacun fait tous ses efforts, l’édifice sera vite construit et admirable.


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De tous les personnages dont nous avons plus haut cité les noms, les uns ont fait de bien grandes choses et les autres de bien petites; mais TOUS SONT ÉGAUX sous un rapport, c’est qu'ils se sont donné beaucoup de peine.

Saint Paul s’est astreint à toutes les fatigues, à toutes les privations, et est mort décapité;

Luther n’a eu qu’une vie de combats et de dangers;

les martyrs ont souffert tout ce qu’il est possible à un corps humain de souffrir;

la veuve de Sarepta a renoncé en temps de disette à son dernier reste de farine, et n’avait plus qu’à s’attendre à mourir de faim, elle et son fils;

celle de l’Évangile a donné tout ce qu’elle avait pour vivre;

Marie de Béthanie a offert tout ce qu’elle avait de plus précieux;

pour les enfants de Jérusalem, ce n’était pas peu de chose que de chanter les louanges de Jésus alors que celui-ci purifiait le temple avec son fouet et appelait sur lui et les siens la vengeance des Pharisiens.


VOILÀ CE QUE L’ÉVANGILE ENTEND PAR FAIRE CE QU'ON PEUT.


Nous aussi, donnons-nous du mal. L’œuvre en vaut la peine.

Jésus aussi s’est donné du mal pour nous; il n’a calculé ni ses services ni son dévouement.

Ne calculons pas. Donnons-nous tout entier, et tout ce que nous avons pour son service et pour le salut du monde.

Philémon Vincent.

La pioche et la truelle N° 48 (1896)


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