Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LA PIOCHE ET LA TRUELLE

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LES CHRÉTIENS FAIBLES


Nous connaissons tous diverses sortes de chrétiens; quelques-uns sont pleins de foi et de reconnaissance, joyeux, zélés, vaillants; ils sont à la tête de toutes les bonnes oeuvres, ou y participent activement; ils stimulent leurs frères, encouragent leur pasteur, font un constant usage de leurs genoux et de leur Bible.

Nous leur trouvons bien à redire sur certains points, mais au fond, c’est par jalousie et nous ne demanderions pas mieux que de leur ressembler. CE SONT LES FORTS.


D’AUTRES SONT LES FAIBLES; ils ne commettent pas de scandales, mais leur vie n’est pas exemplaire:

on les voit plus préoccupés d’eux-mêmes que de la grâce de Dieu;

ils se plaignent de leur incapacité qui les empêche de rendre témoignage à Jésus-Christ,

de leur pauvreté qui les empêche de donner beaucoup pour l’évangélisation,

de leur froideur qui les empêche de se réjouir avec les autres,

de leur peu de foi qui sert d’excuse à leur paresse et à leurs péchés;

ils se plaignent aussi de leurs frères qui les ont scandalisés à telle époque, et parfois même de Dieu qui ne leur envoie pas les mêmes bénédictions qu’aux autres.


Quelle différence fondamentale y a-t-il entre les forts et les faibles?

C’est que les uns ont déjà reçu d’immenses grâces spirituelles de la part de Dieu, et que les autres peuvent les recevoir aujourd'hui. Car le même Esprit de Dieu qui a enrichi les autres leur reste offert.

Dieu n’abandonne pas les faibles.

«Comme un berger, dit le prophète Ésaïe, il paîtra son troupeau; il prendra les agneaux dans ses bras et les portera dans son sein, il conduira les brebis qui allaitent (Es. XL, 11)».

Et de Jésus-Christ il dit encore: «II ne brisera pas le roseau froissé, et n’éteindra pas le lumignon qui fume encore (Mat. XII, 20

Qu'y a-t-il de plus désagréable qu’un lumignon fumeux?

Il refuse la lumière qu'on lui demande, et prodigue la mauvaise odeur dont on n’a que faire; l’ouvrier aux mains calleuses l’écrase entre ses doigts.

De même le chrétien faible, au lieu de glorifier son Maître par la joie et l’entrain de son service, le déshonore par sa tristesse et ses plaintes, et paralyse l’Église plus que cent pécheurs endurcis dans le reste de la ville.

Jésus, par prudence devrait, semble-t-il, se débarrasser de lui, et le rejeter dans le monde. Mais non, s’il a pitié de ceux que notre infidélité contribue à perdre, il a aussi pitié de nous; il n’a qu'une seule pensée à notre égard, c’est de rallumer notre flambeau éteint, et s’il se peut, de faire de nous, dans les ténèbres de ce monde, des soleils de première grandeur.


Dans une famille, s’il y a parmi plusieurs enfants un estropié ou un malingre, c’est à lui que ses parents témoignent le plus de tendresse. Sa mère lui met d’abord dans son assiette le morceau le plus délicat de la table; la couverture la plus moelleuse et la plus chaude est pour son lit; la chaise du coin du feu est la sienne. Et que ses frères ne s’avisent pas de le rudoyer ou de lui parler durement: on leur fera honte de leur mauvais cœur et on les corrigera II en est absolument de même dans la famille de Dieu.

«Nous qui sommes forts, dit saint Paul aux Romains, nous devons supporter les faiblesses de ceux qui ne le sont pas, et ne pas nous complaire en nous-mêmes. (Rom. XV. 1

Dieu veut que les forts se sacrifient pour les autres, et s’ils ne le font pas, écoutez ces reproches:

«Vous n’avez pas fortifié les brebis faibles, ni guéri les malades, ni pansé les blessées, ni ramené les égarées, ni cherché les perdues (Ez. XXXIV, 4);» et s’ils le font mal, écoutez le prophète Jérémie; «Ils pansent à la légère la plaie de la fille de mon peuple. (Jérémie VIII. 11)» Que nous révèlent toutes ces paroles, sinon que Dieu a pitié du petit chrétien, qu’il veut que TOUS en aient pitié, et que tous travaillent comme lui-même à le fortifier.


Et si les hommes font défaut, eh bien! DIEU NE FERA PAS DÉFAUT, CAR SA COMPASSION N’EST JAMAIS OISIVE.

Le Dieu que nous adorons est un Dieu travailleur. «Il besogne», disait Calvin; c’est le mot de Jésus: «Mon Père agit jusqu’à présent, et j’agis aussi. (Jean V, 17

Mais en faveur de qui agit-il, sinon en faveur de ceux qu'il aime?

C’est déjà pour ces chrétiens faibles qu’il a donné son Fils unique et l’a livré à la mort de la croix. Quand il nous a appelés à profiter, par la repentance et la foi, du sacrifice de Jésus par l’expiation de nos péchés, il prévoyait pourtant notre langueur et notre ingratitude d’aujourd’hui; mais il prévoyait en même temps que son amour a lui, ne se lasserait pas, et qu’il arriverait, par les ressources infiniment variées de sa sagesse (Eph. III, 10), à nous rendre aussi purs et saints que Jésus-Christ lui-même (Rom. VIII, 29). Et alors il se mit à travailler sans relâche.

Il commence par relever notre courage par sa Parole; «Je t’ai choisi, je ne te rejette point (Es. XLI, 9)» Il stimule notre confiance: «Ne crains point, vermisseau de Jacob, je viens à ton secours, dit l’Éternel. (Es. XLI. 14


Mais il ne se borne point aux paroles; il a passé aux actes depuis longtemps.

Il tient dans ses doigts les fils de tous les événements qui vous entourent; rien n'échappe à sa sagacité, et à sa direction, ni les choses ni les hommes:

tantôt il vous fait arriver une joie,

tantôt une épreuve;

tantôt un motif d’actions de grâces,

tantôt un sujet de prières;

tantôt une pensée encourageante;

tantôt une réflexion troublante;

tantôt un appel direct dans votre conscience;

tantôt l’exhortation d’un pasteur en chaire;

tantôt le conseil d’un ami;

tantôt un traité;

tantôt un journal évangélique

Outre vos expériences, il vous accorde encore d’être témoin de celles des autres. Jamais il ne vous abandonne; jamais il ne s’éloigne; jamais il ne sommeille (Ps. CXXI, 4); il fait concourir toutes choses à votre bien (Rom. VIII, 28).


SI VOUS VOULIEZ DEVENIR FORTS, CE SERAIT BIENTÔT FAIT.


Que Dieu vous voie un peu consentir enfin à abandonner cette maladie qui vous mine, ce péché, cette habitude, cette affection charnelle qui vous consument; qu'il vous entende lui dire à genoux: «J’ai assez souffert et je t'ai assez fait souffrir; pardonne-moi ma longue infidélité. Je renonce à ce qui a fait mon malheur, celui de l'Église et le tien; donne-moi la force de te servir avec constance désormais;»

S'il reconnaît en vous un atome de sincérité, vous ferez de suite l’expérience qu'il ne donne pas une pierre à son fils quand il lui demande du pain (Mat. VII, 9).

Hâtons-nous de faire une semblable prière.

Pourquoi d’autres seraient-ils la gloire de Jésus-Christ (2 Cor. VIII, 23) et nous sa honte?

Pourquoi d'autres passeraient-ils leur vie à lui faire plaisir, et nous de la peine?

Et surtout, prenons garde de lui préparer une peine plus grande encore!

Parfois les enfants meurent malgré l’amour et les soins de leurs parents: la maladie peut se guérir, le médecin ne se trompe pas, le remède est infaillible; mais l'enfant refuse ou crache le remède, et le pauvre père, au désespoir, voit l’enfant périr si stupidement entre ses bras.

Pour nous aussi, chrétiens malades (du péché), refuser la santé, c’est refuser la vie; mépriser la grâce qui fortifie, c’est mépriser la grâce qui sauve; à force de laisser Dieu nous prodiguer tous ses soins en pure perte, nous pourrions bien finir par la mort éternelle.

Philémon Vincent

La pioche et la truelle N° 52 (1896)


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