Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LA PIOCHE ET LA TRUELLE

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LA CORRUPTION DES MEILLEURS EST LA PIRE

(CORRUPTIO OPTIMI PESSIMA)


La fin de l’année aura été attristée par l’horrible drame de la rue Vaneau: cet enfant de deux ans, abandonné à l’agonie par des parents dénaturés, jeté dans une allée obscure par une nuit glaciale d’hiver, après un martyre de plusieurs mois.

L’émotion a été générale. Chez ce peuple de Paris si léger, si vicié même, le cœur est resté sensible et vraiment humain. Ce fut une explosion de sympathie pour la victime, un rugissement de colère contre le bourreau. Cependant chaque jour révèle des faits du même genre.

L’attention publique, une fois éveillée dans ce sens, prête l’oreille, entend des soupirs, précipite les enquêtes, surprend des coupables: de tous côtés des accusateurs se lèvent.


On croyait qu’il ne se trouvait qu’un monstre pour être capable d’un crime pareil:

il se nomme légion,

il n’y a pas de quartier qui n’ait son petit martyr.


Chaque matin, le journal nous apporte des crimes identiques. Le parquet est sur les dents. Après le respect de la loi, la crainte de Dieu et l’obéissance aux parents, la tendresse paternelle disparaît à son tour! TRISTE PRÉSAGE!


* * *


La Bible, pour nous faire croire à l’amour de Dieu, nous parle de l’amour du père.

La page la plus populaire du Saint Livre est l’histoire de l’enfant prodigue, où il est question d’un père qui pardonne les offenses de son fils dans la joie de le retrouver. Jésus-Christ, pour nous inciter à la prière de la foi, disait:

Qui est le père d’entre vous qui donne à son fils une pierre lorsqu’il lui demande du pain, ou s’il lui demande du poisson, lui donnera-t-il un serpent, au lieu d’un poisson? Ou s’il lui demande un œuf, lui donnera-t-il un scorpion? Vous êtes mauvais, ajoutait-il, mais à vos enfants vous donnez de bonnes choses!

La mère oublierait-elle l’enfant qu’elle allaite? Quand même une mère oublierait l’enfant qu’elle allaite, moi, l’Éternel, je ne t'abandonnerai point.


Il n’est pas besoin d’être un être moral pour aimer ses petits; il suffit de rester dans la nature. L’animal le plus grossier, le moins développé, manifeste de l’attachement pour sa progéniture, veille sur elle, la défend au péril de sa vie.

L’amour maternel fait un héros d’un être frêle comme l’oiseau-mouche, qui défend ses œufs avec acharnement contre le serpent.

De même la poule, si timide, se révèle intrépide quand sa couvée est en péril.

L'homme aurait-il le privilège, lui qui peut s’élever jusqu'au sublime dans le sacrifice volontaire et joyeux à une noble cause de pouvoir aussi s'abaisser au-dessous de la brute?

Hélas! il y a longtemps que les faits ont répondu. Corruptio optimi pessima.


Des crimes comme le martyre du petit Grégoire sont un signe des temps.

Nous touchons à ces heures dernières dont il est parlé à la fin de l’Apocalypse:

«que celui qui est injuste soit encore injuste, et que celui qui est souillé se souille davantage.»

D’un côté, les efforts exceptionnels des chrétiens pour se sanctifier,

de l’autre la méchanceté humaine à son comble;

il me semble que la prophétie va s’accomplir.

Chrétiens, mes frères. Jésus pourrait bien apparaître cette année sur les nuées du ciel!

Samuel Vincent.

La pioche et la truelle N° 55 (1897)


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