LA PIOCHE ET LA TRUELLE

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LES POMMES VOLÉES

Une petite fille avait vu sa mère arranger sa provision de pommes dans le grenier, et son mauvais cœur lui inspira la pensée d'aller en manger en cachette. Chaque matin, elle montait l'escalier tout doucement et prenait une pomme. Elle ne se souvenait pas que Dieu la voyait, lui qui a dit que les voleurs n'hériteront point le royaume des cieux. Mais, si elle ne craignait pas l'oeil de Dieu qui voit tout, elle redoutait les deux grands yeux d’un vieux portrait qui se trouvait relégué au grenier. Tout en mangeant sa pomme, elle lui tournait le dos et une voix secrète lui disait:

«Ces yeux te voient et seront la cause que l’on saura tout.»

Enfin, ennuyée et effrayée, elle prit une grande résolution, celle de crever avec un couteau ces deux grands vilains yeux qui lui faisaient tant de peur.

Mais alors, les deux trous noirs qui se trouvaient béants à leur place, la regardèrent plus fixement et redoublèrent sa terreur. Elle ne pouvait plus manger sa pomme sans se retourner vers l’horrible figure qui la menaçait.

Le jour vint où sa mère monta au grenier et vit le portrait défiguré. Elle appela les enfants, s’informa et finit par découvrir toute l'histoire. Elle punit la coupable et elle fit bien, n'est-ce pas, les enfants?

Ne fallait-il pas lui enseigner que prendre en cachette une pomme ou toute autre chose, c'est voler, c'est désobéir à Dieu et à ses parents?

Il fallait aussi lui faire comprendre que l’œil de Dieu nous voit partout, même dans les endroits les plus cachés.

Mme Lambert.

La pioche et la truelle N° 55 (1897)