Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LA PIOCHE ET LA TRUELLE

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LE BUT DE LA VIE


Quel est le but de la vie?

Que sommes-nous venus faire dans ce monde?

Voilà un problème que chacun de nous se pose à son heure, et que la plupart résolvent
 à la légère. Indiquons brièvement quelques réponses des hommes et la réponse de Jésus-Christ.


Les plus irréfléchis disent:

«Vive le plaisir, c’est la seule bonne chose; ce n’est pas la peine de vivre si on ne jouit de rien.»

Et ils se lancent dans tous les excès de l’ivrognerie, de la gourmandise ou de la débauche. Hélas! je vois bien que CES PLAISIRS BRISENT LA VIE, que vous êtes vieux avant l'âge, que VOS EXCÈS VOUS TUENT.


Comment ce qui tue peut-il être le but de la vie?

Vous prenez ce qu’il faut fuir..., pour ce qu’il faut chercher!


D’autres sont plus prudents et plus modérés.

«L’excès nuit en tout, disent-ils: nous voulons un bonheur plus paisible; non l’abus, mais l’usage des sens. Le plaisir modéré n’est dédaigné de personne, c’est le but de l’existence.»

Certes, ce raisonnement est plus sage. Dieu veut que nous usions avec sobriété et reconnaissance de tout ce qu'il a créé. Ce bonheur doux et paisible est digne de notre recherche; il embellit et charme la vie. Mais, si ce bonheur est utile à l’existence, l’existence elle-même, à quoi est-elle utile?

Votre sage raisonnement m’apprend bien l’utilité du bonheur, mais il ne m'apprend pas celle de la vie.


Peut-être quelque savant dira:

«Je me consacre à la science, aux découvertes, qui rendent la vie humaine plus facile et plus confortable.»

Mais, ici encore, je vois bien que la science est utile à la vie, je ne vois pas à quoi la vie elle-même peut servir.

Ou bien répondrez-vous:

«Je fais de la science pour la science, indépendamment de son utilité; je consacre ma vie à la science pure?»

Vous consacrez votre vie à la science pure; c’est là une façon de parler; est-elle bien exacte? Vous trouvez dans la science une jouissance supérieure, une jouissance de l’esprit; votre âme la savoure et s’en délecte; votre vie en est enrichie et ennoblie. Ici encore: LA SCIENCE EST UTILE À LA VIE, MAIS LA VIE, À QUOI SERT-ELLE?


Je ferai les mêmes remarques au sujet de l’art.

«Il élève l’esprit!» me dites-vous.

Et moi je réponds;

«Vers quel sommet?»

«Il agrandit l'âme!» ajoutez-vous.

«En vue de quelle plénitude?»


La gloire, la fortune, que plusieurs recherchent avec tant de passion, embellissent et égayent la vie; mais QUELLE EST L’UTILITÉ DE LA VIE ELLE-MÊME?

Le cultivateur aussi, en fouillant du soc de sa charrue la plaine avare; le cordonnier, en maniant son tranchet ou en tirant son ligneul (Fil enduit de poix); le mineur, le mécanicien, l'homme de peine servent la vie. Mais quelle est donc l'utilité de cette vie au profit de laquelle tant de serviteurs travaillent?


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Remarquez que le but cherché doit convenir à toute vie d’homme. Vous devez l'assigner au malade comme au bien portant, à l'aveugle, au paralytique, à la veuve, à l’orphelin. Et voilà pourquoi, lorsque vous me parlez de la jouissance excessive ou modérée comme du but de la vie, j’éprouve un haut-le-coeur.

Allez donc dire à tous ces affligés, à tous ces souffrants:

«jouissez, mes amis, jouissez; c’est le but de l’existence.»

Il faudra que vous puissiez prêcher votre but au vieillard, à l’ouvrier courbé tout le jour sur sa peine, au mourant jusqu’au dernier souffle de sa vie. Voilà pourquoi la science, l’art et tout ce qui exige des loisirs et de la fortune ne peut être le but de la vie.

Nous coudoyons à chaque instant, dans notre siècle, des découragés, des désespérés. Autrefois ils étaient pleins d’entrain, d’énergie. Mais les événements leur ont été impitoyables; ils se sont heurtés à l’injustice des hommes; ou bien, à un certain moment, ils se sont fourvoyés, et ILS RESTENT COURBÉS SOUS LE FARDEAU ÉCRASANT D’UNE PREMIÈRE FAUTE.

Comment leur parler, à ceux-là, de la gloire ou de la fortune comme du but de la vie?



* * *


Qui prononcera le mot de l’énigme?

Qui viendra illuminer d’un rayon céleste nos épaisses ténèbres?

Pour révéler avec une autorité souveraine le but de la vie, il ne fallait rien moins que le Créateur même de la vie.

Le Verbe éternel est venu à nous, et il nous a tout appris en deux sentences;

«Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de toute ta pensée; c’est le premier et le plus grand commandement; et voici le second qui lui est semblable: Tu aimeras ton prochain comme toi-même».

Aime Dieu, aime tes frères;

sers Dieu, sers tes frères;

sers Dieu dans la personne de tes frères.

VOILÀ LE BUT ASSIGNÉ À LA VIE.


Il ne peut y en avoir de plus grand, ni d’une évidence plus immédiate pour toute conscience humaine. Le but de l’homme est l’universelle harmonie, l’amour partout:

comme Dieu aime les hommes et se dépense pour eux, les hommes doivent aimer Dieu et s’aimer entre eux, afin que tout ce qu’il y a d’êtres intelligents et libres au ciel et sur la terre soient consommés dans l’unité et dans la charité.

Jésus, le premier, a prêché l’exemple. Il a aimé, il a secouru, il s’est dévoué. IL EST MORT POUR DIEU ET POUR NOUS, AFIN DE RÉCONCILIER LE PÈRE ET LES ENFANTS. Il a servi Dieu dans ses frères.

Nous avons maintenant un précepte et un exemple. Nous avons plus encore; Jésus, ressuscité, vient par son esprit inspirer et soutenir l’âme avide de l'imiter, et il lui communique avec son amour pour Dieu et pour le prochain, la volonté constante et indomptable de les servir.


ICI, IL Y A DU TRAVAIL POUR TOUS ET POUR CHACUN.


Le savant sert Dieu et ses frères en qualité de savant: Newton n’entendit jamais prononcer le nom du Créateur sans se découvrir, et il enseigna aux hommes la loi la plus générale qui régit l’univers physique.

L'ignorant sert Dieu en qualité d'ignorant, en proclamant la science suprême que l’Évangile donne aux humbles et aux enfants.

Le riche sert Dieu en qualité de riche: j’en sais bon nombre qui se considèrent seulement comme les économes de Dieu pour le soulagement de ses pauvres et la diffusion de son Saint Évangile.

Le pauvre sert Dieu en qualité de pauvre; il glorifie son Père par sa confiance, et montre aux hommes qu’il sait, à l’occasion, et mieux même que le riche, payer de sa personne et souvent de son argent, pour améliorer le sort de son compagnon de misère.

Le malade, le paralytique, le mourant, peuvent louer Dieu de leur éternel salut, être pour leurs frères des exemples de patience et de soumission, et faire descendre sur nous, par leurs prières, toutes les bénédictions du ciel.

Les déçus, les désespérés, qui ne savent plus que faire d’eux-mêmes sont appelés à réaliser une vie plus utile, et par conséquent plus noble, plus grandiose que celle qu’ils ont jamais rêvée; ils se relèvent, et recommencent, pleins d'espoir, une nouvelle existence.

En dehors de ce but, la vie de tout homme, même la mieux remplie, lui paraît vide, sans portée, plus insignifiante que le néant même. C'est ce but qui donne leur vraie utilité et leur vraie grandeur à la science, à l’art, à l’industrie, à l’agriculture, à la richesse, à toute chose.

Travaillez, ô hommes, assujettissez-vous toutes les forces vives de la nature; puis comme des princes, auprès de leur Suzerain, comme des enfants auprès de leur Père, venez faire hommage de toutes vos conquêtes au Roi des Rois, et mettez-les ensuite à profit pour vous aider et vous grandir mutuellement.

Philémon Vincent.

La pioche et la truelle N° 56 (1897)


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