Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LA PIOCHE ET LA TRUELLE

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IL N'ÉTAIT PLUS TEMPS!

ANECDOTE AUTHENTIQUE PAR CÉSAR MALAN


Il y a quelques années, je me trouvais sur un cimetière au moment où deux robustes fossoyeurs creusaient une tombe, qui allait se recouvrir bientôt. Les débris des générations précédentes, déjà tant de fois remués, étaient jetés pêle-mêle. De longs et forts ossements gisaient à côté des os fragiles d'un faible enfant; le crâne d'un maître autrefois superbe se heurtait à celui d'un valet, qui n’avait connu que la crainte et les dédains.

Je contemplais cette scène si éloquente, en me demandant si ce ne serait pas bientôt que ce même sol se refermerait sur moi. Puis, reportant les yeux sur les fossoyeurs, je me dis:

«Qu'ils doivent être sérieux dans leurs pensées et attentifs, à leurs voies, ceux qui remuent ainsi la poussière des générations, qui entendent à toute heure des gémissements et des sanglots!

Oh! combien doit leur être désirable LA PAROLE DU SAUVEUR TOUT-PUISSANT, QUI A PRONONCÉ QUE LA VICTOIRE DU SÉPULCRE DOIT ÊTRE ANÉANTIE!»


Je m'avançai alors vers les ouvriers, et je me disposais à leur communiquer mes sentiments, lorsque l'un d'eux, faisant rouler un crâne avec son pied, dit à son camarade, assez haut pour que je l'entendisse et en regardant en dessous:

«Pour celui-ci, il est bien mort, et il ne se relèvera pas de sitôt, si jamais il le fait.»

Je regardai fixement cet incrédule, ce moqueur, et je reconnus en lui le père d'une malheureuse femme à qui j'avais tendu quelques secours de charité.

Thomas! lui dis-je en m'approchant, le blasphème que vous venez de proférer, et je pense pour que je l'entendisse, est-il sorti de votre cœur ou seulement de votre bouche?

Ah! Monsieur, répondit ce mécréant en baissant la tête, je n’en sais pas tant que vous, et pour moi il me semble que ces gros et ces petits morceaux auront bien de la peine à se rejoindre, et que quand on est mort... on est bien mort.

C'est-à-dire, repris-je, que le Seigneur Jésus, le Fils de Dieu, a menti lorsqu'il a dit: «JE SUIS LA RÉSURRECTION ET LA VIE,» et lorsqu'il a déclaré que «tous ceux qui sont dans les sépulcres en ressortiront pour être jugés selon leurs oeuvres!»

Cela peut arriver, répliqua l'incrédule en haussant les épaules, mais pour moi je n'y compte guère.

Je lui eusse parlé plus longtemps, si je n'eusse aperçu que son camarade et lui souriaient avec ironie. Je me retirai donc sans prononcer un mot de plus, de peur d'exposer les choses saintes au mépris des profanes.


Quatre ans après cette époque, comme je me promenais dans mon jardin, j'y vis entrer un homme vêtu comme un ouvrier, et qui marchait pesamment appuyé sur un bâton.

C'était le moqueur du cimetière. Mais dans quel triste état paraissait-il! Son visage et tout son corps étaient bouffis, ses yeux, presque éteints, semblaient égarés, et de sa bouche livide et pendante découlait une bave qu'il ne pouvait retenir.

Je le fis asseoir, et il demeura longtemps sans pouvoir calmer l'asthme qui l'oppressait. Enfin, il put m'écouter, et je lui demandai ce qui l'amenait auprès de moi. Mais ce ne fut qu'avec beaucoup de peine que je pus comprendre, par les mots qu'il essayait d'articuler, que sa fille l'envoyait vers moi pour que je lui parlasse de religion, parce que, disait-il, il était très malade et qu'il avait besoin d'être consolé.

Avez-vous donc peur du jugement de Dieu? lui dis-je en plaignant son infortune. Craignez-vous la mort et la colère à venir?

Il me fit entendre que non; mais par plusieurs questions je m’assurai qu’il était dans la même incrédulité qu'il m'avait si fièrement montrée au cimetière.

J'essayai donc de lui faire comprendre ce que Dieu dit sur la vie à venir, et sur la promesse de grâce qui est en Jésus.

Je lui parlais lentement, par degrés et avec patience, et j'espérais que cette instruction était reçue, du moins à quelque égard, vu qu'il me regardait avec l’expression d'un homme attentif et intéressé.

Mais lorsque, au bout d’une longue explication de ce que le Seigneur Jésus a fait pour le salut de son peuple, je demandai à Thomas s’il m'avait compris, il me répondit d'un air hébété:

Je n'ai plus de mémoire et je ne sais plus ce qu'on me dit. De quoi m’avez-vous parlé?

Je repris donc, avec plus de lenteur encore et dans toute la simplicité possible, l'exposition de la vérité divine; mais CET HOMME, DEVENU STUPIDE PAR UN JUGEMENT DE SON CRÉATEUR QU'IL AVAIT OUTRAGÉ, demeura la bouche béante et le regard fixe sans donner aucun signe d'intelligence.


Il n'était plus temps pour cette âme, même d'entendre les mots de la bonne nouvelle, et les dernières paroles que je reçus de cet infortuné, lorsqu'il me quitta, furent celles-ci:

«Je crois que bientôt je serai mort et qu’ainsi tout sera fini pour moi.»

Peu de temps après, en effet, tout fut fini pour lui quant à ce monde.

Ce malheureux, hélas! tomba dans le sépulcre comme la bête qui ne sait pas même qu'elle est vivante, et qui meurt entièrement.


MAIS QUE DEVINT L'ÂME

DE CELUI QUI S'ÉTAIT RAILLÉ DE LA PAROLE DE L'ÉTERNEL?


Peut-être le corps de cet incrédule fut-il recouvert de la pesante terre par celui même qui, avec lui, se jouait naguère de la mort et de l'éternité.

Peut-être encore celui-ci, loin de recevoir instruction de cet effrayant jugement de Dieu qui ne peut être moqué impunément, répéta-t-il en appuyant son pied sur le tertre funèbre de son compagnon: «Thomas! tu ne te relèveras puis de sitôt, si jamais tu le fais.»

Du moins pour cet homme-là, s'il chemine parmi les vivants et si, dans son esprit, il n'est pas devenu comme la brute, il est temps encore de s'humilier et de croire au témoignage que Dieu a rendu de son Fils.


* * *


Plusieurs de ceux qui dorment dans la poussière de la terre se réveilleront,

Les uns pour la vie éternelle,

Et les autres pour l’opprobre, pour la honte éternelle.

(Daniel XII, 2)


La pioche et la truelle N° 56 (1897)


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