Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LA PIOCHE ET LA TRUELLE

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LE VENIN

(SOUS TOUTES SES FORMES?)


Le 11 octobre dernier, j’achevais mes treize jours de service militaire. Le lendemain je me rendis à Upie, petit village du département de la Drôme, à dix-sept kilomètres de Valence. Upie est un petit pays charmant au bas d’une montagne: il est tout fier de posséder, du côté nord-ouest, une plaine extrêmement fertile. Je descendis à l’hôtel, et demandai à parler à M. G.

M. G., me répondit l'hôtelier, n'a pas eu de chance cette année; tout dernièrement il a été piqué par une vipère et s'est vu à deux doigts de la mort. Mais nous allons le faire venir. Jeanne, dit-il à sa petite fille, va dire à M. G. qu’on le demande.

Il arrive presque aussitôt. C'est un homme qui doit avoir dépassé la soixantaine. Après lui avoir serré la main, je lui demande des nouvelles de sa santé, des explications plus complètes au sujet de la vipère, et comment il avait pu échapper à une mort certaine.

Monsieur, me dit-il, je voulais prendre cette vipère vivante, comme j'en avais pris tant d'autres précédemment; je m’imaginais que ces reptiles finissaient par me respecter; car le danger rend fataliste; mais tant va la cruche à l’eau, qu'à la fin elle se casse. Cette fois je me suis laissé pincer; comme j'avançais la main pour la saisir, elle me piqua le doigt que voici. Et il me montre son index droit enveloppé d'un linge. Il le débande et je vois une horrible plaie qui n’est pas encore cicatrisée.

Dès que j'eus senti la piqûre, ajouta-t-il, je me suis dit ça y est! Je présentai mon chapeau à la vipère afin qu'elle le piquât aussi, mais elle n'en a pas voulu. Je regarde mon doigt avec une épouvantable horreur, car je sais très bien que le venin ne badine pas.

Voilà que le sang coule de la blessure aussi noir que de l’encre.

L'enflure commence.

Je n'ai pas un moment à perdre, je le sens.

Vite, je prends mon mouchoir, j’attache mon bras afin d'arrêter la circulation et je prends immédiatement le chemin du village.

Mais bientôt je me sens faiblir. Je ne puis plus marcher. Je m'arrête. Je suis paralysé. La maison voisine a bien voulu m'offrir l'hospitalité. On appelle en toute hâte le docteur qui s’empresse de venir. Il m'a fait au moins cinquante piqûres sur le côté paralysé, dans chacune desquelles il a injecté un liquide antivenimeux. Grâce aux soins énergiques j'ai pu échapper à la mort.


Comme le marin après la tempête et le soldat après la bataille racontent, non sans émotion, les périls qu’ils ont courus et leur délivrance miraculeuse, tel était mon narrateur avec son horrible vipère.

Pendant que j'écoutais avec une vraie anxiété le récit de ce brave homme, je faisais dans mon esprit plusieurs réflexions:


JE PENSAIS À TOUTES SORTES DE PÉCHÉS

QUI SONT À L'ÂME CE QUE LE VENIN D'UNE VIPÈRE EST AU CORPS.


Voici, par exemple, un vaniteux. Il se moque de tout le monde. Personne n'est aussi sage que lui. Qu’on ne lui parle d’aucune intelligence d’élite, il est à trois cents mètres au-dessus. — Pauvre insensé, lui dit la parole de Dieu, ne sais-tu pas que l'orgueil précède la chute? (Prov. XVI, 18) Prends conscience de ton état désespéré; l'horrible vipère t'a piqué.

Écoutez ce que la Bible dit à l’ivrogne; «Ne regarde point le vin quand il est rouge, quand il fait voir sa couleur dans la coupe et qu'il coule aisément; il mord par derrière comme un serpent et pique comme un basilic» (Prov. XXIII, 31-32).

Tous ceux qui s'adonnent à l'impureté, à l’avarice, à la médisance, à la calomnie, à la colère, au mensonge, sans parler du vol et du crime, portent en eux-mêmes un venin mortel.


MAINTENANT POUR TOUTES CES VICTIMES N’Y A-T-IL AUCUN REMÈDE?

Grâce à Dieu nous avons un remède excellent. Écouter, et lisez:

«Comme Moïse éleva le serpent dans le désert, de même il faut que le Fils de l'homme soit élevé, afin que quiconque croit en lui ne périsse point mais qu'il ail la vie éternelle.»

Ce remède a guéri sans aucune exception tous ceux qui en ont usé; tous ceux qui ont voulu se passer du remède sont morts dans leur misère.


Je reviens au père G. Mais pourquoi lui demandai-je, ne laissiez-vous pas tranquilles ces reptiles? Vous savez bien qu'il ne faut pas jouer avec le feu

J'y étais tellement habitué que je croyais qu'aucun mal ne m’arriverait jamais. Je les prenais avec la main, je les mettais dans mon sein et les apportais ainsi à la maison. J'en faisais parfois des surprises à ma femme et m'amusais de sa frayeur.

Allez-vous continuer maintenant?

Il me regarda avec un frisson d’horreur:

Je ne pourrais plus, dit-il. Aujourd'hui un simple ver de terre m’épouvante.»

E. Maneval.

La pioche et la truelle N° 57 (1897)


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