Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LA PIOCHE ET LA TRUELLE

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LA COMPASSION DE MOÏSE


Si la divine compassion de Jésus paraît trop au-dessus de la nature humaine pour être imitée, qu’on veuille bien considérer la compassion de Moïse pour son peuple dans l'affaire du veau d’or.

Pendant qu’il recevait des mains de Dieu, sur la montagne du Sinaï, les deux tables de la loi, les Israélites, dans la plaine, se faisaient un veau d’or, et l’adoraient par des chants et des danses.

Moïse s’indigne d’abord à l’ouïe d'un crime si inattendu, puis il s’épouvante à la pensée du châtiment mérité, et se met aussitôt à implorer avec angoisse le pardon de Dieu:

«Hélas, s’écrie-t-il, ce peuple a commis un grand péché en se faisant des dieux d’or. Cependant, je te prie, Ô Éternel, pardonne leur péché.»


Mais la colère de Dieu s’est embrasée contre ces rebelles qu’il a comblés de toutes les faveurs et qui, tout en mangeant la manne qu’il leur envoie du ciel jour après jour, vont se prosterner devant un dieu de fonte:

«J’ai regardé ce peuple, répondit-il à Moïse; c’est un peuple de col roide. Laisse-moi faire, je m’en vais le consumer.»


Que va faire Moïse?

Il chérit son peuple pourtant si dur à gouverner. La menace de Dieu lui déchire le cœur. Quoi, ceux qu’il regarde comme ses frères, comme ses enfants, comme les os de ses os et la chair de sa chair, périraient? Il ne peut supporter cette pensée; alors, sa prière devient une lutte et un sanglot. Il tend vers Dieu ses deux mains suppliantes: «Ô Éternel! s’écrie-t-il, reviens de ta colère. Souviens-toi d’Abraham, le père de ce peuple; souviens-toi de la promesse; pourquoi les Égyptiens diraient-ils: Jéhovah les a conduits au désert pour les y faire périr?»

Mais Dieu semble avoir arrêté ses résolutions. Il ne se laisse pas fléchir:

«Laisse agir ma colère, dit-il à son serviteur; mais, pour remplacer ce peuple rebelle, je ferai de toi une grande nation; la gloire d’Abraham sera la tienne; il sortira de toi une postérité qui sera mon héritage, et en faveur de qui j’accomplirai toutes les promesses faites à tes pères

Ici, le meilleur d’entre nous eût cédé sans doute. La colère de Dieu n’était-elle pas légitime? Dieu ne sait-il pas bien ce qu'il a à faire? Nous eussions abandonné ces ingrats et ces idolâtres, et accepté la promesse personnelle. Mais Moïse ne connaît ni nos hésitations ni nos calculs. Il n’y a pas pour lui de bonheur possible si ses frères n’en ont leur part; et sans s’arrêter ni à discuter ni même à repousser la promesse de Dieu, il fait jaillir de son cœur bouleversé ce cri digne de Jésus lui-même:

«Pardonne-leur maintenant, sinon, efface mon nom de ton livre de vie

Voilà ce qu’a pu dire, pour le salut de son peuple, un homme enflammé d’amour.

Quand le même Esprit nous animera, nos prières d'intercession seront efficaces, et nos actes aussi seront salutaires aux pauvres pécheurs.

Philémon Vincent.

La pioche et la truelle N° 59 (1897)


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