Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LA PIOCHE ET LA TRUELLE

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JEAN L’IVROGNE


Le vieux Jean, le marchand de poissons de L..., était un «caractère» remarquable, mais remarquablement mauvais, si mauvais en réalité qu'il semblait que personne, homme ou Dieu, n’eût pu le réformer. On le connaissait et on ne le connaissait que sous le nom de «Jean l'ivrogne, le marchand de poissons.»

Un soir, il s’aventura, à moitié ivre, dans une salle où l’évangile était prêché. Ébloui, il s’assit, ayant toujours naturellement le bonnet sur la tête.

Il était là depuis quelque temps, quand il sentit une main s’appuyer sur son épaule et entendit quelqu'un lui parler avec affection. Jean est surpris; il repousse la main qui le touche; ce n’est pas qu’il est mécontent, mais il croit qu’une main propre ne doit pas toucher son épaule, qui n’est couverte que de quelques haillons crasseux.

Cependant, le prédicateur, car c’est lui qui se tient là près du pauvre pécheur, l’homme de Dieu, avec tout l’amour de son Maître, regarde Jean un instant, et voyant sa misère, son triste état, se sent ému de compassion pour lui. Il remet la main sur l’épaule du malheureux ivrogne et lui parle de l’amour de Dieu:

«Mon ami, lui dit-il, Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu'il ait la vie éternelle!»


Un travail se fait chez le pauvre homme; il voit son péché, il a peur, il se sent dégrisé, puis la vérité pénètre dans son âme.

«Dieu, Dieu, DIEU! pense-t-il, a tant aimé le monde! ALORS IL AIME LE PAUVRE JEAN, Jean l'ivrogne, car, ivrogne et misérable comme je suis, je fais partie du monde, il n'y a pas de doute là-dessus!»

Ses yeux s’ouvrent, il aperçoit les bras de Dieu tout grands ouverts, ouverts pour recevoir le monde, pour le recevoir lui-même. Son cœur se fond, de grosses larmes chaudes sillonnent sa figure, ii comprend tout:


Il comprend que ses péchés le condamnaient et qu'il méritait d'être châtié,

mais que le Fils de Dieu est mort à sa place.


Ce soir même, le pauvre vieux Jean reçut ce Sauveur envoyé de Dieu et fut sauvé, car:


«À tous ceux qui l'ont reçu, il a donné le droit de devenir enfants de Dieu


Jean s'en alla chez lui un nouvel homme.

N'est-il pas écrit: «Si un homme est en Christ, il est une nouvelle créature?» Plein de joie et de paix, il s’en revint dans la misérable cave qui était sa demeure. Oh! quelle demeure! Faut-il décrire la demeure de l’ivrogne?

En entrant dans le lieu où se tenaient sa femme et son fils, ses premiers mots furent: «SARAH, JE SUIS CONVERTI!»

Ils savaient aussi peu que lui-même, avant ce soir-là, ce qu'était la conversion, aussi murmurent-ils: «Ivre, comme d’habitude!» Après quelques instants, sa femme fait remarquer qu’il est grand temps d’aller se reposer.

«Oh! mais Sarah, dit Jean, je suis converti, et, avant d'aller se coucher, il faut faire la prière!»

«Bon! pensent-ils, voilà une nouvelle histoire!»

Enfin ils acceptent de s'agenouiller près de Jean, mais à la condition qu’il prie lui-même. Ils s'agenouillent donc, mais voilà le pauvre Jean tout confus. Jamais, auparavant, il n’avait essayé de prier. Il ne sait comment s’y prendre; son cœur est plein de bonheur, comment l'exprimer? Il se souvient bientôt de la manière dont il exprimait sa joie quand il était au milieu du monde, et, faisant tourner son vieux bonnet de pêcheur deux ou trois fois au-dessus de sa tête, il crie de toutes ses forces:

«Hip, hip, hourra! Vive Jésus-Christ!» Trois fois il fait la même chose et crie, toujours plus fort: «Hip, hip. Hourra! Vive Jésus-Christ!»

Telle fut la première prière de Jean. Elle était sortie de son cœur débordant de reconnaissance. Jésus en était le commencement, le milieu, la fin, et, en son nom, elle dut monter jusqu'au trône de Dieu.


La nouvelle de la conversion du marchand de poissons se répandit bientôt, et les femmes de l'endroit l’entouraient dans la rue, les unes pour lui acheter quelque chose, mais la plupart pour voir quelle figure faisait Jean maintenant qu'il était converti.

Pour sûr, il y a un grand changement chez lui, disait l'une.

Il n'est pas ivre du tout, remarquait une autre.

Il ne jure plus, disait une troisième.

Et Jean, le vieux Jean, était là, la figure rayonnante, vendant son poisson et répétant à tous: «Dieu a tellement aimé le monde qu'il a donné son Fils unique!» Il ne pouvait s’empêcher de le dire. Ça montait du cœur à sa langue.

Beaucoup pensaient: «Nous allons bien voir combien de temps ça va durer!» Mais
il devint bientôt évident pour tous que Jean était un nouvel homme.

«Père, dit un jour son fils, père, si tu dois rester converti, nous ne ferions pas mal de chercher un meilleur logis!»

Jean ne dit rien, mais, peu après, voyant une jolie maison à louer dans une rue très respectable, il alla en voir le propriétaire et lui dit:

Vous avez une maison à louer dans telle rue, monsieur?

Oui. Qui est-ce qui la désire?

Moi.

Vous?

Oui, c'est moi qui la désire.»

Le propriétaire, indigné:

«Croyez-vous que je vais donner une de mes maisons à..... vous?

Vous ne me connaissez pas, monsieur,

Oh! que si, je vous connais parfaitement bien.

Vous vous trompez.

Oh! non, alors! je ne me trompe pas! Vous êtes le vieil ivrogne Jean, le marchand de poissons!

Ah! monsieur, je pensais bien que vous vous trompiez. Le vieux Jean est mort. Je suis le nouveau Jean, car Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné Son Fils, afin que quiconque croit en Lui ne périsse point, mais qu’il ait la vie éternelle. Puis, mettant la main à la poche, il en tira quelques pièces d'or et dit: «Si vous craignez, monsieur, de ne pas recevoir votre argent, je puis payer d'avance.»

Le propriétaire n'avait plus rien à dire. Jean obtint la maison et y vécut longtemps, racontant à tous les grandes choses que Dieu avait faites pour son âme.

Traduit par Carus.

La pioche et la truelle N° 60 (1897)


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