LA PIOCHE ET LA TRUELLE

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«CE N’EST QU’UN JUIF!»

«Laissez-le se noyer, ce n’est qu'un Juif!» Tels étaient les cris que poussaient, il y a quelque temps, à Cracovie, une foule de gens réunis au bord d'une rivière où, parmi les glaçons, un jeune homme se débattait en vain.

«Laissez-le se noyer, ce n’est qu’un Juif!»

Ce cri résume les sentiments de tout le Moyen-Âge et de beaucoup de soi-disant chrétiens d’aujourd’hui, à l’égard de notre frère «qui n’est qu'un Juif.»

Des bords de la Vistule un nouveau cri s’élève, mêlé à des ricanements: «Il s’enfonce! C’est fini! C'est bienfait!»

Mais un autre jeune homme arrive en courant. Il traverse la foule qui essaie vainement de le retenir. Il plonge dans le fleuve glacé, lutte contre les flots, et après mille efforts, ayant risqué vingt fois sa vie, il ramène sur le rivage le malheureux qui se noyait.

Pour récompense, il n’eut d'abord que les quolibets et les huées des spectateurs. Mais bientôt se produisit un religieux silence: ou s'aperçut que le sauvé n'était pas juif du tout, et que son sauveur l'était.

Notre Sauveur l'était aussi.

Carus

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Vous adorez ce que vous ne connaissez pas;

nous, nous adorons ce que nous connaissons,

car le salut vient des Juifs.

(Jean IV, 22)

La pioche et la truelle N° 60 (1897)