Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LA PIOCHE ET LA TRUELLE

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MASSACRE DE DEUX MISSIONNAIRES FRANÇAIS

À MADAGASCAR


Le monde protestant a été douloureusement impressionné par la nouvelle du massacre de deux missionnaires français, MM. Minault et Escande. Partis, il y a quelques mois à peine, dans la plénitude de la force et de la vaillance, ils ont été assassinés, le 20 mai dernier, par un parti de « fahavalos » (??) en traversant un village en dehors des routes ordinairement suivies. Aucun indigène ne vint à leur secours. Leur crime accompli, la bande insurgée s’éclipsa, laissant à terre les deux cadavres, que l'on vient de recueillir dans le cimetière de Tananarive.

A l’occasion de ce double deuil, la population protestante de Paris était convoquée au temple de l'Oratoire, le 20 de ce mois, et s'v était rendue en foule. Cérémonie fort touchante, où tout respirait une profonde sympathie pour les jeunes veuves et les orphelins, où l’on appelait d'un seul cœur la grâce de Dieu sur la mission éprouvée. MM. Boegner et Mollard firent l’éloge des deux jeunes pasteurs, deux âmes d’élite qui s'étaient mises spontanément au service de la Société de Paris, et dont les rares qualités de fermeté et de prudence, en même temps que la piété ardente et l'éloquence persuasive, avaient déjà porté des fruits bénis. Les voilà tombés sur le champ de bataille, comme écrivait le général Galliéni, gouverneur de Madagascar. Dieu a jugé à propos de leur donner la palme du martyre.

Qui les remplacera?

Grâce à Dieu, on a que l’embarras du choix. À peine la triste nouvelle connue de toutes les parties de la France, de la Suisse, du monde entier, arrivèrent au Comité des Missions, non seulement des télégrammes de sympathie, mais aussi des offres de service — étudiants en théologie, pasteurs, chrétiens de toutes les églises, sollicitaient l’honneur d’être choisis pour remplacer les morts — grand et réconfortant spectacle qui nous console de bien des égoïsmes, de bien des lâchetés contemporaines.

L’homme est autant susceptible de grandeur que de bassesse.

Ce qu’il y eut de plus affreux, on l’a dit, dans l’incendie du Bazar de la Charité, ce n’est pas cette mort horrible assaillant subitement des centaines de personnes en fête, ces cris d’effroi, ces larmes de désespoir, cette course échevelée à travers les flammes à la recherche d’une issue introuvable, — ce qu’il y eut de plus affreux, c’est la lutte des forts contre les faibles, des hommes et des jeunes gens contre les femmes et les enfants, les écrasant, les frappant pour arriver les premiers.

Cependant, l’âme humaine, qui se montrait si vile ici, se révélait bien belle un moment après, chez cette nuée de sauveteurs volontaires qui se précipitèrent dans le brasier, au péril de leur vie, dans l’espoir de sauver quelques victimes.

Après ce grand exemple qui a provoqué l’admiration universelle, voici des jeunes gens qui brûlent d’affronter les fièvres, les sacrifices de toutes sortes, les privations, l'hostilité des sorciers indigènes et la haine des jésuites catholiques, peut-être la mort par le martyre, comme leurs frères Minault et Escande.

Je rends grâces à Dieu de susciter de tels dévouements, et je me dis qu'un pays qui les voit naître n’est pas près de mourir.

S. Vincent.

La pioche et la truelle N° 61 (1897)


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