Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LA PIOCHE ET LA TRUELLE

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L'ÉVANGILE PARTOUT


Solesmes (Nord).

Je viens de finir ma troisième tournée dans cette jolie petite ville de 6,800 habitants environ, chef-lieu de canton de l’arrondissement de Cambrai. Dans mes visites d’une maison à une autre, je ne tardai pas à constater l'extrême pauvreté qui règne parmi la classe ouvrière; de là naissent des difficultés de toutes sortes pour vendre aux ouvriers le Nouveau Testament.

Au cours de mes tournées dans cette ville, il ne s’est rien passé de bien important qui doive intéresser les nombreux lecteurs du journal La Pioche et la Truelle, sauf le langage suivant que me tint un bon et honorable vieillard de 75 ans:

«Il y a 21 ans, dit-il, passait ici un marchand de livres semblables aux vôtres; il vendait en même temps des almanachs; je lui en achetai un; c’était celui de la jeunesse, il me le montra; puis il voulut me vendre la Parole de Dieu, mais je ne voulus pas.

Le colporteur biblique s'en alla; mais il n'était pas plus tôt parti que j’avais un amer regret de ne pas avoir acheté le Nouveau Testament qu’il m’avait offert. Je me consolai assez vite, car je me disais en moi-même: Bah! ce marchand reviendra probablement l'année prochaine, alors je lui achèterai le livre divin. Contrairement à ma pensée, ce colporteur n'est jamais revenu chez moi, et depuis lors, j'attends toujours; on dirait vraiment, ajouta-t-il avec animation, que c’est le Bon Dieu qui vous a envoyé ici afin de me vendre l’Évangile».

Cher lecteur! ferais-je bien de vous cacher que cette petite histoire a produit en moi le même effet que produisent plusieurs tours de clef à une pendule; ça m’a remonté.

Sator.


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Romeries (Nord).

La chaleur devient presque insupportable par moment. Mes voyages en bicyclette me font rudement suer; aussi pour éviter ces sortes de bains, qui n'ont rien du tout d’agréable, je pars de chez moi tous les jours vers quatre heures du matin, et arrive vers six heures au village où je peux travailler pour le Seigneur. À cette heure-là tout le monde est sur pied, il n’y a pas à craindre de manquer sa vente. Après avoir distribué une centaine de circulaires, je commence à faire mes offres.

À Romeries, je plaçai mon premier Nouveau Testament chez un boulanger, qui me dit en l'achetant: «Je le lirai pendant que le pain cuira».

En sortant de là je rencontre le garde champêtre et cause avec lui, m'efforçant de lui faire comprendre la valeur de mes livres; il me répond: «Je vais vous en acheter un; tâchez d’en vendre beaucoup».

Je quitte ce brave représentant de la loi et entre dans la cour d'un château; je me fais annoncer, c'est un jeune maître qui vient me recevoir, avec toute la civilité et la bonne gràce dues à son rang, ainsi qu'à son éducation; puis sans prononcer un seul mot, il visite mes livres et c'est d’un air satistait que le jeune châtelain m’achète un exemplaire du Nouveau Testament.

«Je suis bien pauvre, me dit la brave mère d’une nombreuse famille, mais je vous abandonne de bon cœur 30 centimes sur 50 qui me restent afin de posséder et de lire la vie de Notre-Seigneur Jésus-Christ».

Une autre dame me dit:

«Il n'y a personne ici au village qui voudrait s’amuser à lire vos livres».

«Vous êtes dans une bien grande erreur, madame, lui répondis-je, car il y à Romeries, comme partout ailleurs, des sentiments religieux plus profonds que les vôtres de plus, votre langage suffit à me prouver que vous n’êtes pas heureuse, et que vous ne cherchez pas à rendre vos enfants heureux en leur apprenant à vivre dans la communion de Dieu par Jésus-Christ».

Une dame âgée de 84 ans qui, par suite d’une fracture du fémur, est obligée de demeurer assise ou couchée, m’achète aussi un exemplaire des Saintes Écritures, en disant:

«Mes lunettes me sont encore fidèles, je lirai ce bon livre, et nourrirai mon âme de cette lecture, jusqu’à ce que je meure».

Je fis de mon mieux pour faire comprendre, à cette vénérable dame, l’importance qu’il y a de se confier au Sauveur Jésus-Christ; elle parut contente de recevoir mes exhortations.

L.C. D.


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Roubaix (Nord).

«Ne quittez pas la maison, dit un jeune homme à sa mère, de peur que vous ne soyez pas ici quand ce monsieur passera avec ses livres».

Le lendemain de la visite que la fameuse révolutionnaire Louise Michel fit dans cette ville, un gendarme vint m'arrêter et me demanda mes papiers, s'informa de ma marchandise, la visita et fut bien déçu, car il croyait mettre la main sur un distributeur de livres anarchistes; en bon enfant, il me laissa et s'en alla en souriant.

Mon ami, AI. J. Van-Hooland qui m’accompagne dans mes tournées de colportage dans cette grande ville, distribue une circulaire à un jeune homme de 35 ans environ; malheureusement ce jeune homme ne sait pas lire, mais il se tire d’embarras en demandant à un employé de douane de la lui lire.

Bientôt après mon ami repasse avec ses Nouveaux Testaments et notre jeune homme en achète un. Tout à coup arrive la mère du garçon qui le gronde, en disant:

«Il faut que tu sois un sot pour acheter un livre, puisque tu ne connaîtrais pas une lettre grosse comme une maison.»

Le fils répond:

«Ne vous chagrinez pas, mère, ce livre est destiné à ramener les égarés; je le ferai lire à mes amis, lorsque ceux-ci viendront me voir; puis, qui sait, je me marierai peut-être avec une femme qui saura lire, et alors, pour me faire plaisir elle me lira ce bon livre».

Agricola.

La pioche et la truelle N° 62 (1897)


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