Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LA PIOCHE ET LA TRUELLE

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HISTOIRE D'UN TAILLEUR DE PIERRES

LE CIEL A REMPLACÉ L’ENFER.


Dans ma jeunesse, je me plaisais à tourmenter mes camarades, à tel point que j’étais devenu leur terreur. À 15 ou 10 ans, j'appris le métier de tailleur de pierres. J'avais un patron débauché; il nous arrivait de laisser là le travail pour aller faire la noce. C’était parfois des noces qui commençaient le dimanche et duraient une partie de la semaine. Lorsque l’argent du patron était dépensé, nous dépensions le mien.

Une fois, entre autres, le patron me devait 90 fr., lorsqu'il m'eut payé, il lui en restait environ 200. Nous allons à Saint-Maixent, puis à Niort, et mangeons tout, sauf un sou! Quelle vie nous avons menée! En revenant, comme nous traversions St-Gelais, un coq chantait. Je me mets à lui crier: «Tu dis que je n'ai pas le sou, tu en as menti!» et je jette mon dernier sou dans sa direction.


À 20 ans, le jour de la Toussaint — je m'en souviens comme si c'était d'hier, — je fis à Augé une terrible «noce». Je me battis, je crois, et n’allai pas coucher chez mes parents.

Le lendemain, au lieu de retourner chez mon patron, je vais à St-Maixent. Là, ne sachant que faire, je me rends chez le «marchand d’hommes» et je me vends comme remplaçant.

Lorsque mon père et ma mère apprennent cela, ils viennent me supplier de ne pas partir. Je ne les écoute pas et me mets à «faire la noce» avec l'argent que j’avais reçu, louant des voitures et leur calant les roues avec des pains de sucre et des bouteilles.de liqueurs. Je fis même monter avec moi un enfant qui jetait des dragées en criant: «Cette vie ne durera pas toujours.»

Le jour du départ arrivé je prends avec moi un ami, et après l'avoir habillé à neuf, je lui paie son voyage jusqu’à Paris. À la gare de Niort, je trouve mon père tout attristé, «Marche doux, lui dis-je, je ne suis pas perdu pour cela, la bête n'est pas si fragile...» Il nous accompagne jusqu'à Saint-Maixent.

Avant de le quitter, je lui remets cependant 400 francs qu’on m'a conseillé de lui donner. Arrivés à Paris, nous menons pendant huit jours, mon compagnon et moi, la dernière des existences.

Je me décide enfin à rejoindre mon régiment, le 6e cuirassier, à Beauvais. Là encore, avant de rentrer au quartier, je me livre pendant une semaine à toutes sortes d’excès.

J'étais donc militaire, assez bon soldat, mais vicieux, et couchant souvent sur la planche. — Quand mon argent fut dépensé, j’écrivis à mon père et à une soeur que j'avais à La Roche-sur-Yon, disant à l'un et à l’autre que j’avais cassé ma lame de sabre et que, s'ils ne m'envoyaient pas 25 fr.. je passais au conseil de guerre. Mon mensonge réussit, et, le même jour, je reçus 50 fr. qui me permirent de prolonger mes excès.


Mon service fini, je revins au pays et me mariai.

On devine facilement quel époux je pouvais faire et quelles souffrances j'ai fait endurer à ma pauvre femme.

Après 4 ou 5 ans, nous avons quitté le pays. J'ai travaillé sur les chemins de fer et au port de Saint-Nazaire. Dans cette dernière ville nous avons logé des ouvriers. Je buvais avec eux de l’eau-de-vie en cachette. Si ma femme parlait, elle était maltraitée, surtout quand j'étais ivre.

Fatiguée de toutes ces contrariétés, ma femme retourne au pays avec ses deux petites filles. Je reste à Saint-Nazaire sans jamais lui envoyer un malheureux sou. À la fin même, je me trouvais dans un tel état que j'étais incapable de gagner ma vie.


Quand plus tard j'ai rejoint ma famille au pays, je n'ai guère changé de conduite. Gagnant beaucoup d’argent j'en enlevais le plus que je pouvais en mentant à ma femme; je continuais à me battre de temps à autre dans les auberges. Cela a duré jusqu'à ces derniers temps, jusqu'au moment où une chère dame, Mme Vernier, de Moucoutant, est venue à Augé.

Dieu s'est servi de son moyen pour me montrer le puissant Libérateur. J'ai trouvé en Christ celui qui m'a délivré des chaînes du diable; grâce à Dieu, ce passé est bien passé. J’ai commencé une nouvelle vie.

Oh! que tout est changé dans mon coeur et dans ma maison! LE CIEL A REMPLACÉ L’ENFER.

Ma chère femme aussi a appris à connaître le Sauveur, auquel je veux rester attaché jusqu'à la mort.

Que ceux qui lisent ces lignes et qui vivent dans le péché viennent comme moi à Jésus Christ, c'est là ce que je demande pour eux. Si j'ai voulu que ces choses si tristes pour moi fussent connues, c'est afin de LEUR MONTRER LE CHEMIN DE LA DÉLIVRANCE.

Clément Revranche, tailleur de pierres à Augé (Deux-Sèvres).

La pioche et la truelle N° 62 (1897)


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