Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LA PIOCHE ET LA TRUELLE

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ÇA NE FAIT RIEN....: L’ÉVIDENCE DE LA «MAUVAISE FOI»


Neuvilly, Nord. — Je viens de terminer ma seconde tournée dans cette commune de 2.000 âmes environ, où, grâce à Dieu, j’ai pu placer 48 exemplaires du Nouveau Testament.

Ce matin, comme j’entrais chez un fermier, pour lui offrir la Parole de Dieu, ô surprise! c'est un prêtre qui me reçoit; je le salue, ensuite, je lui présente le Nouveau Testament qu'il examine attentivement, et, au bout de quelques minutes, il me dit:

Monsieur, je ne puis donner le mauvais exemple en vous achetant ce livre, car j’ai beau y chercher l'approbation de l'Église, elle n’y est pas.

Monsieur, lui répliquai-je aussitôt, je connais la version du Nouveau Testament de Le Maistre de Sacy, avec les approbations, je vous assure que c'est absolument la même que celle-ci, sauf quelques variantes dans Sacy, que l'on ne rencontre pas dans le texte original.

Ça ne fait rien, me répondit-il, nous ne pouvons lire d'autres Nouveaux Testaments que les versions reçues par l'Église, par conséquent, votre Nouveau Testament est mis à l'index.

Monsieur, lui dis-je alors, je crois que MM. les Évêques ont fait cette défense avec un pur esprit d'opposition, et non en vue d'activer l'avancement du règne de Dieu; d'ailleurs, pour boire de l’eau pure, ne doit-on pas la prendre à sa source, monsieur?

Mais oui, parfaitement, dit-il.

Ne doit-il pas en être de même lorsqu'il s'agit de la Sainte Écriture?

C'est encore parfaitement vrai!

Eh bien! lui dis-je, M. le Curé, pour ce qui est des versions reçues par l’Église, telles que Sacy, Gratry et autres du même genre, elles ont été toutes traduites sur la Vulgate.

Je sais bien cela, m'interrompit-il.

Vous savez donc aussi que la Vulgate n’est, elle-même, qu'une traduction des originaux grec et hébreux?

Oui, c'est vrai, dit-il, et après?

Après, peut-être ignorez-vous que la version du Nouveau Testament que je vous présente est traduite sur les originaux; conséquemment, elle offre bien moins de chances d'erreur que les versions catholiques qui ne sont que les traductions d’une traduction.

Ça ne fait rien, me dit-il encore, on ne doit pas mettre vos livres dans les mains du commun peuple, car chacun l'interprétera à sa façon, et fera dire au livre ce qu'il ne dit pas.

Je crois que vous êtes dans une grande erreur, lui dis-je encore; car quand il s’agit de l’œuvre de Jésus-Christ, du salut qu'il nous a apporté, il n'y a pas, dans tout le Nouveau Testament, matière à deux interprétations possibles.

Tenez, en voici un exemple: Lorsque le Seigneur Jésus nous dit: «Dieu a tellement aimé le monde, qu'il a donné son Fils unique afin que quiconque croit en Lui ne périsse point; mais qu'il ait la vie éternelle;» ou bien encore cet autre passage de l'Évangile: «Car Dieu n'a point envoyé son Fils dans le monde pour condamner le monde; mais afin que le monde soit sauvé par Lui»; d'après ces passages du Nouveau Testament, pris au hasard, il est clair comme le jour qu'en croyant à l'œuvre expiatoire de Jésus-Christ, j’ai la vie éternelle et suis sauvé.

C'est égal, me répondit M. le Curé, l'Église défend votre interprétation.

Ne savez-vous pas, monsieur le Curé, que le mot Église, si souvent prononcé dans l'Évangile, signifie tout simplement assemblée des croyants...

Mais oui! mais oui! parfaitement, interrompit-il.

Eh bien! repris-je alors, ça ne peut donc pas signifier les évêques seulement; d’autre part, je n'ai lu dans aucun livre qu'on ait jamais admis les simples croyants à prendre part aux délibérations des Conciles.

Ah! ah! me répliqua M. le Curé, et qu'est-ce que vous faites de ces paroles de Jésus-Christ: «Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église

Pardon, monsieur le Curé, il est impossible de voir dans ces paroles de Jésus à Pierre, l'institution d'un concile d'évêques chargés de prendre des décisions. Ces paroles de Jésus à Pierre, veulent simplement dire: «C'EST SUR TA FOI, PIERRE, QUE J'ÉDIFIERAI MON ÉGLISE INVISIBLE.»

Ça ne fait rien, me répondit-il encore, ce sont les conciles qui décident en matière de foi et de mœurs, et leurs décisions sont infaillibles et même au-dessus de l’autorité des Saintes Écritures.

C'est grave, monsieur le Curé, cc que vous me dites-là; car, pour moi, C’EST UN SACRILÈGE QUE DE METTRE L’AUTORITÉ DES HOMMES AU-DESSUS DE CELLE DE DIEU.

Que voulez-vous, s’écria le prêtre avec animation, l’Église est infaillible.

Je ne le crois pas comme vous, monsieur le Curé, car l'Histoire nous montre les conciles prenant souvent des décisions fort contradictoires entre elles.

Oh! mais attendez, reprit-il vivement: N. S. P. Le Pape est là pour décider en dernier ressort, car lui aussi est infaillible.

Je vous avoue, monsieur le Curé, que je m'embrouille, ou bien je ne vous comprends plus.

Comment cela? dit-il.

Vous dites que les conciles sont infaillibles dans leurs décisions, CEPENDANT, JUSQU’EN 1810, AUCUN CONCILE NE VOULUT RECONNAÎTRE L'INFAILLIBILITÉ DU PAPE.

Ça ne fait rien, me répondit le prêtre un peu confus, les papes ont toujours été infaillibles.

De sorte, monsieur le Curé, que les papes étaient encore infaillibles alors même qu'ils étaient trois, comme au temps du grand schisme, et qu’ils s'anathématisaient les uns les autres! Du moins, c'est l'histoire des papes qui nous le dit.

Je vois bien, me dit alors M. le Curé, que c'est inutile que nous discutions plus longtemps; tenez, voici votre livre; il me serra la main, je lui donnai quelques traités, puis je partis.

H. Dejonghe

La pioche et la truelle N° 64 (1897)


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