Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LA PIOCHE ET LA TRUELLE

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UNE HISTOIRE DE VOLEUR


Mes chers enfants, je vais vous raconter une histoire de voleur, où on parle d'un voleur, d'un grand couteau, et d'une petite fille.

C’est terrible, n’est-ce pas?

Un soir d’automne, un misérable, un de ces êtres à la figure repoussante, les habits en haillons, boueux, les pieds nus, les cheveux longs et malpropres, couvert d’un vaste feutre noir troué en maints endroits, se couchait nonchalamment le long d’une haie, derrière une vaste ferme, située un peu à l’écart d’un village.

Étendu sur l'herbe, et peu désireux de passer la nuit à la belle étoile, il attendait qu’il fit un peu plus noir pour entrer dans la grange de la ferme et s’y coucher, sans la permission, celle du propriétaire qui la lui eût donnée, sans doute, s’il la lui avait demandée.


Or, mes enfants, quand on songe à mal faire, le diable vous pousse immédiatement à faire plus mal encore; en voici la preuve:

Ce malheureux n'avait songé qu’à se coucher sur la paille du fermier, mais il songea bientôt aux bons œufs que devait renfermer le poulailler de la ferme, puis aux poules elles-mêmes, qui étaient alors perchées et bien faciles à prendre, et même à l’argent du fermier. Oui, mes enfants, il alla jusqu'à désirer de voler l'argent du fermier.


Bientôt résolu, il est prêt à s’en emparer à n'importe quel prix, et, songeant à la résistance qu'il pourrait rencontrer, il prend son couteau, un grand couteau de poche, l'ouvre, et en aiguise la lame sur une pierre.

Cette terrible préparation terminée, il se lève, glisse le long de la haie, longe le mur de la ferme, et pousse du genou une porte basse qui cède; le voilà sous un hangar. Il écoute, il n'entend que les vaches qui tirent leur corde dans l'étable: pas une voix, pas un pas d'homme.

En face de lui, il voit bien la porte principale où il doit entrer, mais, trop prudent pour traverser la cour, il se met à longer les murailles à pas furtifs; il passe devant l’étable, devant la cuisine, et, en arrivant à des fenêtres devant lesquelles il devait encore passer avant d’atteindre la porte du logis, il redouble de précaution, se baisse et prête l'oreille.

Il était dans cette attitude quand il lui sembla entendre une voix, une douce petite voix dans la maison. Il s'arrête.

Sa main, sous son paletot, serre le manche du long couteau, tout grand ouvert. Il ferme les yeux pour mieux entendre. C'était une voix de petite fille. Que disait-elle? À qui parlait-elle?


Cette enfant, mes chers amis, était une gentille petite fillette, qui faisait sa prière tous les soirs avant de se coucher, et en ce moment, elle était à genoux, sur son petit lit, les mains jointes, disant; «Notre Père.»

Notre Père, qui es aux cieux, disait-elle tout haut, que ton nom soit sanctifié...

C'est alors que le brigand entendit sa voix et qu'il s'approcha de la fenêtre.

Que ton règne vienne, que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel...

Mais, qu’y a-t-il donc? Le voleur n'avance plus, sa main ne serre plus le manche du couteau.

Croiriez-vous, mes chers enfants, que tout à coup, ses genoux se mirent à trembler, et qu'il monta des larmes dans les yeux de ce misérable?

Il avait eu une mère chrétienne, ce malheureux, et lui aussi avait autrefois appris cette prière.

En l'entendant, il revit cette bonne mère qui le tenait sur ses genoux et qui priait pour lui. Il lui avait fait bien de la peine par sa conduite, ses désobéissances, ses mauvaises paroles, et il se souvenait des larmes qu'il lui avait fait verser et qu'il avait vu couler, et ce souvenir venait tout à coup de briser son cœur.

Pardonne-nous nos péchés comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés, continuait la petite voix.

Il revit la vie si triste qu’il avait menée depuis son enfance, depuis qu'il s’était enfui de la maison paternelle, les vilaines actions qu’il avait commises, et voilà qu'il s'en repentait.

Oh! que n’eût-il donné pour recommencer sa vie!

Ne nous laisse pas tomber dans la tentation, mais délivre-nous du mal...

Que fait-il là?

Il n’y tient plus. Jetant son couteau, il s'enfuit, traversant jardins et prairies jusqu'au bout du village, où, dans un taillis, il se jette à genoux, et demande au Dieu qui pardonne le pardon de ses péchés — IL ÉTAIT SAUVÉ.

Mes petits enfants, ne vous couchez jamais sans faire votre prière.

Carus.

La pioche et la truelle N° 65 (1897)


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