Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LA PIOCHE ET LA TRUELLE

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LE JOUR DE L’AN DE L’IVROGNE.


L'horloge sonna minuit, lorsqu’une femme ouvrit la porte d'un misérable sous-sol et regarda dans la rue obscure. Pâle, terrifiée, bouleversée, ce fut presque avec un regard affolé qu'elle se tourna vers la chambre en marmottant entre ses dents:

«Minuit, et l'enfant se meurt! Ne va-t-il jamais revenir?»

Mère, chère mère, dit une voix faible du bas lit placé près du feu mourant, est-ce que la vieille année est finie? Étaient-ce les coups d'horloge que j'entendais maintenant en m'éveillant?

Oui, ma chérie, la nouvelle année est venue. Plût à Dieu que je ne vive pas pour en voir la fin!

Non, ma mère dis plutôt: «Que Dieu me donne la patience, et qu'il me console lorsque j'ai à souffrir.» Il nous faut être prêts à vivre ou à mourir selon ce qu'il veut.

Ah oui! mais sans toi, mon enfant, ma précieuse Lucie, pourrai-je encore vivre, quand tu ne seras plus ici?

Oui, mère, il faut que tu vives pour aider pauvre père, répondit l'enfant, en mettant une main contre la joue si mouillée de larmes. Il viendra bientôt, et je lui dirai avec mon dernier soupir d'être bon pour toi et de t'aimer. Est-ce le vent qui secoue tant la porte?


Aussitôt un homme entra dans le sous-sol et tout en titubant, dit d'une voix qui contrastait étrangement avec la tranquillité qui régnait jusqu'alors:

«Eh bien, Lucie, mon enfant, vas-tu mieux? Laisse-moi regarder tes yeux brillants? La jeune fille se recula:

«Ô père, dit-elle, je suis mourante! Ne t'ai-je pas demandé de rester sobre et de me voir mourir?»

Pendant un instant l'ivrogne chancelait et semblait incapable de comprendre ces mots, alors éclatant en sanglots, il s'agenouilla à côté du lit et pleura:

«Pardonne-moi, ma pauvre enfant, je l’ai oublié. Je ne le savais pas.»

Si, tu le savais, misérable, interrompit la femme; tu savais que ton enfant était mourante.

Chère mère, sois patiente. Mets le mouchoir mouillé autour de la tête de père, et laisse-moi lui parler. Je sais qu'il m'écoutera, car il m'aime encore.

Oui, je t’aime, ma petite Lucie, beaucoup en vérité.

Alors, père, si tu m'aimes, tu me promettras ce que je te demande, c'est une chose qui te rendra, toi et maman, plus heureux que vous n'avez jamais été; plus heureux même que lorsque vous habitiez cette petite maisonnette dont mère parle, lorsque j'étais toute petite enfant, et que tu ne buvais pas.

Continue, dit le père avec un débordement amer de chagrin et de remords, je sais ce que tu veux me faire promettre, et je le ferai pour toi.

La jeune fille mit son bras autour du cou de son père, et murmura ardemment:

«II y a plus d’une chose qu'il faut que je te demande, car je veux que tu rendes le nouvel an bien heureux pour mère.»

Bien, bien, je le ferai. Je ferai des économies et je lui achèterai une nouvelle robe. Elle aura tous mes gages samedi prochain, chaque sou. Je chercherai même mon pardessus au mont-de-piété, et j'irai à l'église. Cela te contentera, Lucie?

Cher père, même cela ne sera pas assez. Je veux que tu commences par le commencement.

Il faut que tu te sentes pécheur, et digne même du plus grand châtiment qu'il y ait; et je veux que tu lises la Bible et que tu trouves comment Jésus mourut pour sauver les pécheurs de la punition qu'ils méritent; je veux aussi que tu pries, que l'Esprit de Dieu te conduise — comme il m'a conduite — à croire en Jésus et à l'aimer de tout ton cœur. Alors mère aura vraiment une heureuse nouvelle année. Promets-moi avant que je meure, que tu te rappelleras ce que j'ai dit.


À cette heure solennelle le pauvre ivrogne céda aux derniers désirs de son enfant mourant, et avec la main de sa mère dans la sienne, il versa des larmes amères de douleur à cause du tort qu’il avait fait à toutes deux.

«Dieu soit loué!» dit Lucie, quand ses lèvres cessèrent de se mouvoir en prière silencieuse.

«Chère mère sois patiente; père, sois sincère, et le nouvel an que je passerai au ciel sera une heureuse année pour nous tous.»

L'horloge sonna une heure.

«Écoutez, dit l'enfant. Était-ce une harpe que j'ai entendue? Une harpe d'ange? ou était-ce la voix de Jésus? Où êtes-vous père, mère? Je ne puis pas vous voir maintenant. Répétez: Laissez venir à moi les petits enfants.»

Sa mère répétait les paroles aimantes de Jésus, et un sourire éclairait la pâle figure de l'enfant.

«Je viens, Seigneur,» dit-elle, et quelques instants après, elle mourut.


Dès cette heure Robert Barton était un homme changé. Commençant ce jour de l'an, comme Lucie l'avait supplié de le faire, il trouva dans les pages du livre de Dieu un message pour son âme.

Mais ce fut lorsqu'il se tenait à côté de la tombe de l'enfant que sa négligence avait conduite à une mort prématurée, qu'il vit qu'il y avait pardon même pour son iniquité, et cela à cause de la mort du Christ au Calvaire.

Son humble demeure devint alors la scène des réjouissances telles que les anges aiment à en voir, car le mari et la femme se donnèrent au Sauveur entre les bras duquel leur enfant reposait. Ce fut une heureuse année.

Traduit de l'anglais par Julie Loew

La pioche et la truelle N° 67 (1898)


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