Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LA PIOCHE ET LA TRUELLE

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JOURNAL DES JOURNAUX

LA BOULANGÈRE

(missionnaire)


Monsieur, j’ai lu avec un profond intérêt les feuilles des missions que vous avez eu la bonté de me prêter, mais depuis cette lecture je suis très malheureuse.

Voici des missionnaires qui quittent leur patrie, leur famille pour se dépenser au service de Dieu dans les fatigues, les privations, les dangers, et moi je passe un jour après l’autre à quoi? À vendre du pain! Que je vive aussi pendant trente ans et je ne serai pas plus avancée qu’aujourd’hui;cette vie inutile me désespère!

Ainsi disait une boulangère à son pasteur qui la visitait. Pendant qu’il méditait une bonne réponse entra une jeune fille qui demanda une miche de pain: survint encore une femme qui acheta cinq miches. Lorsqu'elles furent expédiées, le pasteur demanda:

Quelle est cette servante?

C’est une étrangère qui est depuis peu dans l’auberge vis-à-vis; si jeune, si insouciante, et personne pour veiller sur elle. Avec cela qu'elle n’est pas dans une très bonne maison. Si sa mère le savait!

Et l’autre n'est-ce pas la femme du serrurier de la fabrique?

Oui, en voilà une qui tourne à l’avarice. Avez-vous remarqué qu’elle a pris le pain pour toute la semaine pour l’avoir bien sec? Ses servantes disent qu’elle est très dure pour les pauvres et qu’elle ne trouve jamais qu’on lui fait assez de besogne, surtout depuis son héritage.

Madame George, interrompit le pasteur, si vous vous faisiez missionnaire?

Moi! Missionnaire! dit-elle, comment l'entendez-vous?

Persuadez-vous bien que ces personnes qui viennent pour acheter sont des brebis égarées aussi bien que les païens et que vous êtes la servante de Dieu pour les attirer au bien par une bonne parole, un conseil, ou une prière secrète si vous ne pouvez leur parler.

Voyez cette jeune servante pour laquelle vous êtes inquiète; avec quelques paroles affectueuses vous gagnerez sa confiance; vous pourrez remplacer auprès d'elle sa mère et lui servir d’ange gardien?

Je suis sûr que si je n’avais pas été là vous auriez causé avec la femme du serrurier, n’est-ce pas? Lorsqu’elle reviendra, au lieu de parler des nouvelles du village, parlez à son coeur, expliquez-Iui comment on peut être économe sans être avare; si vous l'aimez bien votre charité lui fera sentir combien il est doux de donner, de servir, de vivre pour les autres. De cette manière, tout en vendant du pain, vous serez une servante de Dieu bénie et heureuse.


La boulangère ne put répondre. Les yeux en larmes mais éclairés par la résolution de sanctifier son humble tache par le travail de la charité, elle serra la main à son pasteur!

Lecteur chrétien, va et fais de même.

La pioche et la truelle N° 16 (1891?)


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