Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LA PIOCHE ET LA TRUELLE

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L'ENNEMI DÉMASQUÉ


Figurez-vous mon cher ami, que j’ai découvert que ma femme passe une demi-heure chaque jour avec des assassins et ma fille avec des gens perdus de mœurs.

Mais c’est affreux!

Et comme les mauvaises compagnies corrompent les bonnes mœurs, je voudrais les sevrer de ces mauvaises fréquentations et je ne sais comment m’y prendre.

Comment? Mais il me semble que vous êtes maître chez vous, et qu'il dépend bien de vous que ces braves gens y mettent ou non le pied.

Impossible, ma femme et ma fille y ont pris trop de goût.

Ah çà! mais vous êtes fou?

Non pas! ce que je vous dis là est fort sérieux, et me cause une préoccupation de plus en plus douloureuse. Je m’aperçois que leurs pensées sont absorbées, que leur candeur diminue, que la douce gaieté simple, qui faisait le charme de la vie, disparaît peu à peu.

Je le crois bien dans de telles conditions!

Et mon ami, ce n’est pas pour moi seul que je tremble. Savez-vous que les trois quarts et demi des honnêtes femmes de France en font autant?

Ah! j’y suis! Vous parlez de leurs lectures! Elles lisent les romans-feuilletons du jour. (Et, pour notre siècle: regardent de mauvais films, jouent à de mauvais jeux....)

Elles les dévorent! Et une grande partie de leur conversation pendant la journée se porte sur ce qu’elles ont lu (ou vu).

Eh bien! je me suis souvent demandé comment des personnes qui se respectent assez pour fuir de certaines sociétés, se laissent pourtant aller à les fréquenter en imagination par la lecture (les films ou les jeux)!

On dit que ce n’est qu’un feuilleton! et l’ON OUBLIE QU’UNE GOUTTE DE POISON PAR JOUR TUE À LA LONGUE PLUS SÛREMENT QU’UNE FORTE DOSE PRISE EN UNE FOIS, CE QUI PROVOQUE SOUVENT UNE RÉACTION.


Lisez ce qu’en dit un sage article d’un petit journal de Paris à ses trois millions de lecteurs:

«La fréquence des drames du mariage devient terrible et nous demandons si la littérature romanesque et dramatique n’en est pas responsable dans une certaine mesure!»

Sûrement elle en est responsable.

Est-ce étonnant que nous voyons les femmes prendre en dégoût les soins du ménage, les devoirs d’intérieur et même quelques-unes des plus douces joies de la maternité?

Chers abonnés, nous vous supplions de fuir les romans à sensation comme vous fuiriez un ennemi mortel.



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NE VOUS Y TROMPEZ PAS:

les mauvaises compagnies corrompent les bonnes moeurs.

(1 Cor, 15, 33)


La pioche et la truelle N° 18 (1891?)


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